Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Afghanistan / Présidentielle 2009

Sous la menace, Kaboul se retranche

Article publié le 19/08/2009 Dernière mise à jour le 19/08/2009 à 22:56 TU

Frappée par plusieurs attaques, la capitale afghane est quadrillée par la police. Par crainte des attentats, certains habitants ont décidé de ne pas aller voter ce jeudi 20 août pour la présidentielle et les provinciales. La majorité des étrangers ont quitté le pays.

Une affiche électorale en faveur d'Hamid Karzaï (c), dans une rue de Kaboul, le 19 août 2009.(Photo : AFP)

Une affiche électorale en faveur d'Hamid Karzaï (c), dans une rue de Kaboul, le 19 août 2009.
(Photo : AFP)

 
De notre correspondant à Kaboul
, Luc Mathieu

Un calme étrange s'est emparé de Kaboul. Les rues d'ordinaire embouteillées sont presque vides. Les klaxons des vieilles Corolla se sont tus. Les vendeurs ambulants ont disparu avec leurs radio-cassettes. Seuls résonnent les cris de quelques enfants qui jouent au cricket avec des planches en bois et des balles de tennis.

Kaboul n'est pas endormi mais retranché. Les policiers se sont postés aux principaux carrefours. Ils arrêtent et contrôlent presque systématiquement les rares voitures. Un dirigeable blanc de surveillance tourne lentement au-dessus de la ville. Mardi après-midi, un attentat à la voiture piégée à la périphérie de la capitale a fait sept morts et plus de 50 blessés. Quelques heures plus tôt, deux roquettes frappaient le palais présidentiel et un poste de police. En ce jour férié, qui marque la fête d'indépendance, Kaboul a des airs de ville qui se prépare au pire. Ce jeudi, ses habitants doivent voter pour les élections présidentielle et provinciales.

« Hors de question que j'aille jusqu'au bureau de vote. Comment savoir s'il ne sera pas attaqué ? Je resterai chez moi avec ma famille. Personne ne sortira de la maison. Franchement, j'ai peur. Vous ne pouvez rien faire contre un attentat suicide ou une bombe. Ca peut arriver partout, à tout moment », explique Parweez, un entrepreneur de 24 ans.

Impossible toutefois de prédire une abstention massive, qui décrédibiliserait le scrutin. Depuis quatre mois, les Afghans se sont pris au jeu de la campagne électorale. Lundi, plusieurs milliers de personnes se sont déplacés jusqu'au stade de Kaboul pour écouter le discours d'Abdullah Abdullah, principal rival du président sortant Hamid Karzaï. « Bien sûr que j'ai peur d'un attentat. Mais j'irai quand même voter. C'est un devoir de le faire », explique Abdul Bassir Hamid, un étudiant de 20 ans.

Le président afghan Hamid Karzaï lors des célébrations du jour de l'indépendance, le 19 août 2009.(Photo: Massoud Hossaini / Reuters)

Le président afghan Hamid Karzaï lors des célébrations du jour de l'indépendance, le 19 août 2009.
(Photo: Massoud Hossaini / Reuters)


Calme inquiétant

Officiellement, le gouvernement afghan assure que l'abstention restera faible. « Nous avons toutes les raisons de penser qu'ils [les Afghans] se déplaceront », a déclaré Humayun Hamidzada, le porte-parole de la présidence. Selon lui, les mesures de sécurité rassureront la population. Maladroitement, le ministère des Affaires étrangères a toutefois diffusé un communiqué demandant aux médias afghans et étrangers « de ne pas publier d'informations sur les violences entre 6h et 8h du matin » pour ne pas effrayer les électeurs et assurer une bonne participation à l'élection.

Les militaires, eux, se feront discrets le jour du scrutin. L'armée afghane et l'Otan ont annoncé qu'elles observeraient un « cessez-le-feu offensif ». En clair, elles ne mèneront pas d'opérations ce jour-là mais défendront les bureaux de vote s'ils sont attaqués. Un porte-parole des talibans a répliqué qu'aucun accord n'avait été passé avec le gouvernement afghan.

Les menaces des talibans ont paniqué la communauté étrangère. Mardi, le quartier de l'aéroport international était bloqué par un embouteillage massif. « On a reçu un mail de la direction à 16 heures. On devait quitter immédiatement le bureau. Un coursier nous a apporté des billets pour le vol de 18 heures à destination de Dubaï », racontait hier un employé d'une société de conseil occidentale. L'USAID, l'agence des Etats-Unis de développement international, a laissé le choix à ses employés étrangers : quitter le pays ou rester enfermé, au moins jusqu'à lundi, dans les maisons sécurisées d'un complexe du centre de Kaboul. Depuis quelques jours, les 4x4 des organisations internationales ont déserté les rues, renforçant le calme inquiétant qui règne sur la ville.

Jérome Forquet

Directeur adjoint au département Opinion de l'IFOP

« De part et d'autre de l'Atlantique, il y a un constat commun, nos troupes à la fois françaises et américaines sont très exposées ».

Selon une enquête publiée dans le Figaro, 64 % des Français seraient ainsi opposés à la participation de la France aux forces de l'OTAN.

19/08/2009 par Stéphane Lagarde

Benoît Hervieux

Membre de Reporters Sans Frontières

« Il y a une volonté de passer sous silence une réalité qui ne se modifiera pas avec les élections ».

Des élections sous très haute surveillance en Afghanistan ce jeudi. 200 000 policiers et soldtas afghans ainsi que 100 000 hommes de l'OTAN sont chargés de surveiller les bureaux de vote, ce qui n'a pour l'instant pas empêché les violences. Des attaques, des bombes pourraient dissuader les électeurs de voter. Un scénario que veut absolument éviter le gouvernement afghan qui a décidé d'interdire aux médias de parler des violences le jour du scrutin. Pour Benoît Hervieux de RSF, cette décision peut être assimilée à de la censure.

19/08/2009

Les diplomaties en attente

Washington n’a plus la mainmise et, depuis longtemps, sur la présidence afghane. La campagne d’Hamid Karzaï est, à ce sujet, éclairante. Il y a bien longtemps que le candidat président n’est plus l’homme des Américains. Karzaï préfère à la fois continuer à jouer un air nationaliste en interne, et ouvrir le terrain à d’autres puissances à l’extérieur. A commencer par les Russes pourtant chassés du pays, il y a vingt ans, et qui reviennent aujourd’hui avec le profil bas et les bras chargés de matériel militaire.

Ironie de l’histoire, c’est même Washington qui doit désormais demander à Moscou de laisser passer les camions de ravitaillement de l’OTAN par la frontière nord, et donc par les pays alliés de la Russie.

Autre revenant, l’Iran à l’Ouest, Téhéran a profité de sa longue absence pour affiner son jeu et utilise désormais la minorité chiite pour miner le terrain aux Américains.

Quant à la Chine, les oeillades de Pékin ont fini par payer. Les Chinois viennent de faire une entrée fracassante en Afghanistan en obtenant les droits d’exploitation d’un gisement de cuivre parmi les plus prometteurs de la planète.

Pékin, Moscou, Téhéran, Washington, sans oublier Islamabad et Riyad, autant de diplomaties qui ont l’œil rivé sur l’issue du scrutin de ce jeudi.