par Nicolas Vescovacci ( Avec AFP et Reuters)
Article publié le 28/08/2009 Dernière mise à jour le 29/08/2009 à 10:17 TU
Au Japon, plus rien ne semble pouvoir arrêter le raz-de-marée électoral du Parti démocrate (PDJ). Le plus grand parti d'opposition japonais a toutes les chances de remporter une victoire historique lors des élections législatives du 30 août 2009, face au parti hégémonique, le Parti libéral démocrate (PLD) au pouvoir depuis plus d'un demi-siècle. Il y a quatre ans, sous la conduite du charismatique Junichiro Koizumi, le PLD avait balayé ses adversaires en promettant des réformes audacieuses. Aujourd'hui, les Japonais sont toujours aussi avides de changements mais semblent de moins en moins nombreux à penser que ceux-ci peuvent venir des rangs conservateurs.
Portraits des deux principaux candidats :Au printemps dernier, Yukio Hatoyama avait placé sa campagne interne sous le slogan de « Yuai », c'est-à-dire de la « fraternité » : un concept qui avait plongé dans la perplexité les électeurs japonais confrontés à la crise économique.
Le chef de file du Parti démocrate avait également invoqué l'amour en expliquant que le long règne du Parti libéral démocrate avait développé une caste de bureaucrates qui définissent l'action politique et « manquent d'amour » pour l’appliquer.
Yukio Hatoyama, leader du Parti Démocrate Japonais, principal parti d'opposition.
© Toru Hanai / Reuters
Sur son site officiel de campagne, le candidat n’hésite pas à dérouter son électorat en se livrant à un petit jeu de questions-réponses. A la question « Qu'aimeriez-vous le plus faire maintenant ? », il répond: « Faire la sieste. »
Du coup, beaucoup affirment que Yukio Hatoyama manque de personnalité. Quant aux sondages, s’ils le donnent largement entête face à son rival Taro Aso, c’est plus un rejet du gouvernement sortant qu’une adhésion à un projet.
Yukio Hatoyama veut d’abord briser le monopole des bureaucrates sur l’administration. Il prône ensuite une réduction des dépenses inutiles, une refonte du système de retraite, un soutien aux familles et aux agriculteurs.
Sur le plan diplomatique, Hatoyama reproche au PLD de s'aligner trop facilement sur la politique étrangère des Etats-Unis. Le candidat aura-t-il vraiment les moyens de faire autrement ? « Sa meilleure qualité, c'est qu'il n'est pas Aso », note Jeff Kingston, professeur d'études asiatiques à l'université Temple de Tokyo.
Les Japonais reprochent à Taro Aso, petit-fils d'un ancien Premier ministre, d'être éloigné de leurs préoccupations. Avec Hatoyama, ils parient à nouveau sur l’héritier d’une puissante dynastie : diplômé de l’université américaine de Stanford, marié à une ancienne actrice, Yukio Hatoyama est issu d’une famille de grands industriels (son grand-père maternel fut le fondateur du manufacturier de pneumatiques Bridgestone) et de grands politiciens : son grand-père paternel fut Premier ministre et son père ministre des Affaires étrangères.
A 62 ans, cet ancien ingénieur, co-fondateur du Parti démocrate en 1993 a donc toutes les références familiales nécessaires pour arriver au pouvoir.
Pour trancher avec son principal adversaire, Yukio Hatoyama mise sur l’humour.
Après avoir appris qu’on le surnommait « ET », il avait chargé son parti en 2001 de mettre en vente des affiches et des bandoulières pour téléphone portable avec sa caricature en extra-terrestre aux yeux globuleux.
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Revirements politiques, dérapages verbaux et scandales sur fond de grave crise économique semblent avoir eu raison de la confiance que les électeurs japonais placent dans le Parti libéral démocrate qui gouverne l'archipel depuis 54 ans.
Son leader, Taro Aso, semble condamné à limiter les dégâts, incapable d’éviter la défaite historique qui l’attend.
Voix rauque, ton volontairement populiste, Taro Aso est apparu aux yeux du Parti libéral démocrate comme le seul à pouvoir éviter la défaite, le seul capable de faire remonter la popularité des candidats du parti au pouvoir lors de la 45e élection générale de l’histoire contemporaine du Japon. Si les urnes confirment dimanche les intentions de vote mesurées par les instituts de sondage, le Parti démocrate, principale formation de l'opposition pourrait contrôler les deux tiers de la chambre basse et Taro Aso devrait quitter ses fonctions de Premier ministre, moins d'un an après son entrée en fonction.
Récemment, celui qui était devenu en septembre 2008 le quatrième Premier ministre en quatre ans confiait que son travail « avait été empreint d'une sombre solitude du début à la fin. »
A son arrivée au pouvoir, l'opinion publique voyait alors en ce tribun l'autorité qui fit cruellement défaut à son prédécesseur, Yasuo Fukuda, un chef de gouvernement crispé, partisan du compromis, qui n'a jamais réussi à s'imposer face à une opposition pugnace. Mais la spectaculaire aggravation de la situation économique mondiale qui plongea le Japon dans la pire récession économique de son histoire depuis la Seconde guerre mondiale a bouleversé ce scénario.
Discrédité pour ses gaffes et ses erreurs de lecture de kanji (idéogrammes), cet ancien champion de tir qui a représenté le Japon aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976, a vite épuisé ses cartouches, sans parvenir à remonter dans les sondages où il plafonne depuis des mois à environ 20% d'opinions favorables.
En 2007, ses propos désinvoltes sur la maladie d'Alzheimer -il était alors ministre des Affaires étrangères- lui avait attiré les foudres des personnes âgées. En 2008, il s'était mis à dos une partie de la communauté médicale en estimant que nombre de médecins manquaient de bon sens.
Son incapacité à estimer le prix d'une soupe de nouilles, aliment de base au Japon, avait fini par devenir le symbole de son éloignement du peuple, confortant ses origines familiales privilégiées : son grand-père, Shigeru Yoshida, fut le Premier ministre qui négocia le traité de paix de 1945 ; sa femme est la fille d'un autre ex-Premier ministre ; sa sœur est l'épouse d'un cousin de l'empereur Akihito.
Sur la scène diplomatique, ses discours nationalistes et son occultation manifeste de pans entier de l’histoire impériale avaient provoqué un refroidissement des relations avec la Chine et la Corée du Sud.
En période de crise économique, le charisme naturel du faucon de Parti libéral démocrate n’opère plus comme avant. Le vote sanction qui s’annonce risque de mettre un terme à sa carrière politique.
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