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Etats-Unis

Les attaques contre Barack Obama sont-elles racistes ?

par Sylvain Biville

Article publié le 16/09/2009 Dernière mise à jour le 17/09/2009 à 07:21 TU

La virulence des attaques contre la réforme de la santé, voulue par Barack Obama, relance le débat sur la question raciale aux Etats-Unis. Pour l’ancien président Jimmy Carter, l’animosité à l’égard de Barack Obama relève d’un racisme latent dans le pays.
Manifestation contre la réforme de santé de Barack Obama, à Washington, le 12 septembre 2009.(Photo : Nicholas Kamm/AFP)

Manifestation contre la réforme de santé de Barack Obama, à Washington, le 12 septembre 2009.
(Photo : Nicholas Kamm/AFP)


« Une large part de l'intense animosité qui se développe à l'égard de Barack Obama est basée sur le fait qu'il est noir » a confié Jimmy Carter dans un entretien diffusé ce mercredi matin par la chaîne de télévision NBC.

A première vue, on pourrait croire à une nouvelle provocation de la part de l’ancien président, connu pour son franc-parler et ses déclarations parfois incendiaires. Mais ses déclarations font écho à un malaise diffus, face à la virulence des diatribes anti-Obama, dans le cadre de la campagne contre ses projets de réforme de l’assurance santé.

« Je vis dans le sud des Etats-Unis et je sais que nous revenons de loin, en ce qui concerne l'attitude à l'égard des minorités et en particulier des Noirs », ajoute Jimmy Carter, natif de Géorgie. Selon lui, « il y a une conviction chez de nombreux Blancs que les Noirs n'ont pas la capacité de diriger ce grand pays ».


Jimmy Carter, ancien président des Etats-Unis

Auteur : NBC (traduction en français : RFI)

« Une large part de l'intense animosité qui se développe à l'égard de Barack Obama est basée sur le fait qu'il est noir. »

16/09/2009


La manifestation la plus spectaculaire de la violence contre la personne de Barack Obama s’est déroulée au Capitole, à Washington, le 9 septembre, pendant le discours présidentiel devant les deux chambres du Congrès, lorsque Joe Wilson, élu républicain de Caroline du Sud, a lancé un tonitruant « Vous mentez ! » au président, à propos de la couverture maladie des immigrés en situation irrégulière.

Trois heures après cette interpellation, rarissime dans l’enceinte du Congrès, Joe Wilson a appelé la Maison Blanche pour présenter ses excuses au président Obama. L’altercation lui a cependant valu un rappel à l’ordre de la Chambre des représentants, qui a voté mardi soir une résolution de « désapprobation » à l’encontre de l’élu pour « entorse aux convenances ». Les républicains, qui ont voté contre, dénoncent un « coup politique ».

« Renvoyez Obama au Kenya ! »

L’insulte proférée par Joe Wilson à l’égard de Barack Obama n’a rien, en elle-même, de raciste. Mais elle intervient dans le contexte plus général d’une croisade contre la réforme de l’assurance santé où les attaques directes contre le président ne sont pas dénuées de relents racistes.

Joe Wilson a ainsi participé récemment à des rassemblements au cours desquels ont été brandies des pancartes « Renvoyez Obama au Kenya ! ». Le représentant républicain s’est illustré dans le passé pour avoir réclamé que le drapeau confédéré, héritage controversé de la guerre de Sécession, souvent associé au mouvement de la suprématie blanche, puisse flotter sur le Parlement de Caroline du Sud.

Un autre leader de la fronde anti-réforme de l’assurance santé, l’ancien animateur radio Mark Williams, a décrit le président des Etats-Unis la semaine dernière comme un « Indonésien musulman ».

La multiplication des dérapages de ce type, au cours de l’été, a suscité un malaise croissant chez les partisans de Barack Obama, en particulier chez les élus Afro-Américains. « Joe Wilson a travaillé dur pour cultiver une image d’enfant de chœur, mais beaucoup de gens réalisent qu’il y a autre chose en ce qui le concerne », explique de manière alambiquée, dans le New York Times, James Clyburn, lui aussi parlementaire de Caroline du Sud.

D’autres élus noirs, comme le gouverneur de New York, David Paterson, ont eux aussi laissé entendre, à demi mot, que les attaques contre Barack Obama pourraient avoir des arrière-pensées racistes. Jimmy Carter, avec son franc-parler et son aura d’ancien locataire de la Maison Blanche, s’est exprimé beaucoup plus directement, en faisant part de sa « profonde inquiétude » face à « ce racisme qui remonte à la surface ».

La Maison Blanche se tient à l’écart

Les propos de l’ancien président ont suscité des réactions indignées dans les milieux conservateurs, qui estiment que les accusations de racisme ne sont qu’une manière de détourner l’attention des critiques légitimes contre la politique de Barack Obama. « Il est totalement destructeur de suggérer qu’on ne peut pas critiquer un président sans que ce soit un acte raciste » a déclaré l’ancien président de la Chambre des représentants, Newt Gingrich, sur Fox News. « Il n’y a pas un seul os raciste dans le corps de mon père » s’est également défendu Alan Wilson, le fils de l’élu qui avait traité Barack Obama de menteur.

Dans ce débat passionné, parfois excessif, comme souvent lorsqu’il s’agit de la question raciale aux Etats-Unis, la Maison Blanche prend soin de rester à l’écart. L’une des rares occasions, depuis son arrivée au pouvoir, où Barack Obama a pris position sur une affaire à caractère racial, cela ne lui a valu que des ennuis. En juillet, il avait qualifié de « stupide » l’attitude d’un policier blanc qui avait arrêté et menotté un célèbre universitaire noir, entré chez lui par effraction parce qu’il avait oublié les clés de son domicile. Ces propos avaient ravivé les tensions raciales, dans un pays où les cicatrices du passé ségrégationniste ne sont pas encore refermées. La polémique avait pris des proportions telles que Barack Obama avait dû présenter des excuses au policier incriminé, en l’invitant à boire une bière à la Maison Blanche, en compagnie du professeur malmené.

Barack Obama (d) en compagnie du sergent James Crowley (en haut à d.), du vice-président Joe Biden (g) et de l'universitaire Henry Louis Gates (en haut à g.), dans le jardin de la Maison Blanche, le 30 juillet.(Photo : Jim Young/Reuters)

Barack Obama (d) en compagnie du sergent James Crowley (en haut à d.), du vice-président Joe Biden (g) et de l'universitaire Henry Louis Gates (en haut à g.), dans le jardin de la Maison Blanche, le 30 juillet.
(Photo : Jim Young/Reuters)

A lire, sur le même sujet, la revue de presse des Amériques, de Sylvain Biville.