Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Turquie / Iran

Diplomatie turque et nucléaire iranien

par Julie Crenn

Article publié le 27/10/2009 Dernière mise à jour le 27/10/2009 à 20:36 TU

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan rencontrait ce mardi le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Une visite officielle dans un contexte chargé, entre le nucléaire iranien qui fait polémique internationale et les accords commerciaux qu’Ankara et Téhéran souhaitent renforcer. Mais pour la Turquie, l’essentiel tient à une stabilité régionale gage de prospérité.
Le Premier ministre turc Tayyip Erdogan (g) avec son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad à Téhéran, le 27 octobre 2009.(Photo : Reuters/Raheb Homavandi)

Le Premier ministre turc Tayyip Erdogan (g) avec son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad à Téhéran, le 27 octobre 2009.
(Photo : Reuters/Raheb Homavandi)


Les pays Occidentaux « injustes » envers Téhéran

Visiblement la Turquie ambitionne un rôle de médiateur entre Téhéran et Washington dans les discussions sur le nucléaire iranien. Ankara s’estime bien placé, en tant que membre de l’OTAN, mais aussi au vu de ses bonnes relations avec la République islamique. Dimanche dernier, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, avait d’ailleurs fait grandement plaisir à son homologue iranien, Mahmoud Ahmadinejad, en accusant les pays Occidentaux de se montrer « injustes » envers Téhéran.

Il avait même déclaré que « ceux qui parlent de désarmement dans le monde doivent commencer par eux-mêmes », une manière discrète d’épingler Israël qui alimente en permanence les soupçons sur les ambitions de nucléarisation militaire de l’Iran alors que, jusqu’à présent, l’Etat hébreu reste la seule puissance nucléaire de la région – même s’il ne l’a jamais reconnu officiellement.

En matière de nucléaire, la visite du Premier ministre turc intervient à un moment crucial pour l’Iran, après une rencontre internationale inédite, le 21 octobre dernier, à Vienne où le groupe des six pays qui suivent le dossier du nucléaire iranien (les cinq membres du Conseil de sécurité et l’Allemagne) ont soumis à l’Iran un projet d’accord. L’objectif pour les Occidentaux, Etats-Unis et France en tête, est d’obtenir que l’Iran accepte en quelque sorte de délocaliser – en Russie notamment - ses activités d’enrichissement d’uranium ce qui leur permettrait de connaître à tout moment le niveau de son stock d’uranium enrichi. Téhéran laissait toujours attendre sa réponse ce 27 octobre.

Depuis l’offensive israélienne sur Gaza de décembre - janvier dernier, la Turquie se distancie d’Israël. Jusque-là, Ankara était un de ses principaux alliés dans la région et la signature d’un accord de coopération militaire en 1996 avait renforcé cette bonne entente. Mais il y a deux semaines, invoquant les opérations israéliennes à Gaza, la Turquie avait empêché Israël de participer à des manœuvres aériennes dans le ciel turc. Une décision saluée par Mahmoud Ahmadinejad. « Votre position claire à propos du régime sioniste aura des effets positifs au niveau international et dans le monde islamique », a-t-il déclaré ce mardi.

Deux puissances régionales en quête de stabilité

L’Iran chiite est perçu comme une menace par certains pays sunnites de la région et sur ce terrain aussi, la Turquie tente de se poser en conciliateur entre le régime des mollahs et les pays sunnites. Ankara ne cache pas non plus son intention d’être un médiateur entre le monde musulman et l’Union européenne. Recep Tayyip Erdogan a d’ailleurs bien insisté sur ce point pour défendre son entrée dans l’UE : « En étant dans l’UE nous pourrions construire des ponts entre le milliard et demi de musulmans et le monde non-musulman ».

A l’instar de la Turquie, l’Iran connaît lui aussi une question kurde, de moindre ampleur, certes. Mais Téhéran et Ankara restent très attentifs à ce qui se passe dans la province autonome du Kurdistan irakien. La stabilité de l’Irak est d’ailleurs une préoccupation commune, un enjeu fondamental pour les deux pays et pour toute la région. Un Irak instable déstabiliserait, à terme, la Turquie et l’Iran qui partagent avec lui de longues frontières.

Mais outre les aspects politiques, la visite de ce mardi était aussi destinée à renforcer les relations commerciales entre les deux pays. Recep Tayyip Erdogan était accompagné d'une importante délégation économique comprenant des ministres, des membres du Parlement et des hommes d'affaires. Les échanges commerciaux entre la Turquie et l'Iran se montent à environ 12 milliards de dollars par an et les deux pays cherchent à les porter à 20 milliards de dollars au cours des deux prochaines années. Des accords sur le gaz devraient être négociés, la Turquie achetant à l’Iran cette ressource naturelle.

Le 19 octobre dernier, le ministre turc de l'Industrie et du Commerce, Nihat Ergün, avait déjà souligné l'intérêt de simplifier le processus du commerce entre les deux pays, notamment au niveau de la douane. Il a également lancé l’idée d'une zone industrielle franche sur la frontière entre l'Iran et la Turquie.

Au-delà des engagements pris pour renforcer les échanges commerciaux au plan bilatéral, la visite du Premier ministre turc apparaît surtout comme une offensive diplomatique, Téhéran et Ankara se considérant de fait comme des puissances régionales inscrites dans des zones d’influence complémentaires.

Colville Rupert, porte-parole du Haut Commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme

« Dans sa tentative d'avoir un rôle un peu plus affirmé dans le monde musulman, la Turquie soutient la politique iranienne dans le domaine nucléaire. »

27/10/2009 par Raïssa Gbedji