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14/10/2003
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Jean-Paul II, inlassable prêcheur africain
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(MFI) L’Afrique, avec une quarantaine de pays visités au cours de 13 voyages apostoliques, a occupé une place privilégiée dans le pontificat de Jean-Paul II. Mais l’inflexible doctrine du pape sur la lutte contre le sida et le préservatif fut sévèrement mise en cause.
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En 1998, le cardinal béninois Bernardin Gantin, doyen émérite du collège des Cardinaux, expliquait pourquoi le continent africain tenait tant au cœur de Jean-Paul II : « L’Afrique (…) est blessée par la guerre, les maladies, la sécheresse, la faim, le chômage, jusqu’au commerce des armes. Cette amère réalité justifie la prédilection du pape pour l’Afrique ».
De 1980 à 1998, le Saint-Père a effectué pas moins de 13 voyages sur le continent. Il a visité près de 40 pays, du Zaïre au Kenya, du Sénégal à la Côte d’Ivoire (où il a béni la basilique de Yamoussoukro en 1990), du Soudan au Nigeria, du Maroc au Rwanda…Autant d’occasions, à l’ère médiatique, d’attirer les caméras du monde entier et d’inviter la communauté internationale à prendre conscience et agir en faveur d’un continent laissé pour compte.
Jean-Paul II a sillonné l’Afrique sans relâche durant vingt ans, prêchant la tolérance interethnique, le dialogue, la réconciliation politique et religieuse, critiquant violemment certains régimes africains (comme le Nigeria), dénonçant l’indifférence de l’Occident envers « les guerres oubliées en Afrique », affirmant que les solutions militaires ne sont qu’« illusion », rendant hommage à Nelson Mandela pour sa lutte anti-apartheid, prônant des rapports Nord-Sud plus justes, plus solidaires et plus généreux.
Des gouvernements africains accusés de « corruption » et de « vol »
En 1995, signe supplémentaire d’intérêt, il a adressé à l’Afrique une exhortation apostolique (un texte qui a quasiment la même autorité qu’une encyclique) : Ecclesia in Africa. Du jamais vu dans l’histoire de l’Eglise ; c’est la première fois qu’un pape consacrait un document officiel à un continent. Dans ce texte, puisant dans les propositions des évêques membres du synode spécial sur l’Afrique, il n’hésitait pas à accuser des gouvernements africains de « corruption » et de « vol », stigmatisait « le tribalisme, le népotisme, le racisme, l’intolérance religieuse, la soif de pouvoir » qui, écrivait-il, lui rappelait les régimes « totalitaires » (allusion à sa Pologne natale, où il a contribué à la chute du communisme).
A l’occasion des vœux du nouvel an, le pape a toujours réservé quelques mots aux douleurs africaines. Plus concrètement, le souverain pontife a créé, le 22 février 1984, après ses premières visites – qui lui ont permis de connaître mieux la souffrance des peuples – la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel, dont le siège est à Ouagadougou, la capitale burkinabè. Cet organisme finance des projets communautaires de formation et de réalisation dans les domaines du développement rural et durable, de la lutte contre la pauvreté et la sécheresse.
Face au sida, le pape n’a jamais varié
Si le pape a toujours plaidé, devant de nombreuses instances internationales, pour l’allègement, voire l’effacement de la dette des pays en développement et pour l’accroissement des aides en leur faveur, il n’a jamais souhaité pour autant que l’Afrique soit un continent assisté. « Les Africains ne doivent pas tout attendre de l’aide extérieure. Parmi eux, beaucoup de femmes et d’hommes ont toutes les aptitudes humaines et intellectuelles pour relever les défis de notre époque et pour gérer adéquatement les sociétés, déclarait-il en janvier 1998 devant les 166 ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège. Il est urgent que les différends territoriaux, les initiatives économiques et les droits de l’homme mobilisent les énergies des Africains pour des solutions équitables et pacifiques qui mettent l’Afrique en condition d’aborder le XXIè siècle avec davantage d’atouts et de confiance ».
Unanimement saluée dans le monde entier, l’action de Jean-Paul II en faveur de l’Afrique conservera néanmoins une part d’ombre suscitant incompréhension, trouble, amertume pour certains, jusqu’à la répulsion pour d’autres : la lutte contre le sida. Face aux quelque 20 millions de morts de la maladie sur le continent, le pape n’a jamais varié. Un seul et même message délivré aux populations : « Le contrôle de soi et la chasteté sont les seuls moyens sûrs et vertueux pour mettre un terme à la tragédie du sida. » (stade de Kampala, Ouganda, février 1993). Toute contraception artificielle est condamnée. En 1989, une conférence internationale sur le sida organisée par le Vatican déclarait le préservatif « blessant pour la dignité humaine, et donc moralement illicite ». Quant aux malades, il préconisait en leur faveur « solidarité et générosité ».
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Philippe Quillerier-Lesieur
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