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24/10/2003
Les enfants de l’exil, en attente d’existence

(MFI) Vivre avec des parents traumatisés par l’exil, s’habituer à un nouveau pays sans garantie d’intégration : cette vie en sursis est celle de 8 000 enfants et adolescents demandeurs d’asile en France. Une récente étude demandée par l’Unicef et un organisme d’accueil s’intéresse à eux.

A l’approche du 20 novembre, Journée mondiale des droits de l’enfant, l’Unicef France braque son projecteur sur les jeunes exilés. Son président Jacques Hintzy le rappelle : ces enfants sont victimes de « quatre traumatismes : la fuite, le voyage, l’exil en France et l’attente ». Comment les jeunes et leur famille s’adaptent à leur terre d’accueil : c’est le sujet d’une étude parue en octobre 2003, réalisée à la demande de l’Unicef France et de la Sonacotra, et baptisée Les enfants de l’exil. La France a traité, en 2002, près de 53 000 dossiers de demande d’asile.
Entreprise publique créée en 1957, la Sonacotra servit d’abord à loger les travailleurs algériens, appelés pour la reconstruction de la France après la deuxième Guerre mondiale. Peu à peu la mission s’est élargie au logement de tous les immigrés. En 1993, elle s’est ouverte aux personnes en situation d’exclusion. Premier opérateur français pour l’accueil des demandeurs d’asile, la Sonacotra loge aujourd’hui 5 000 personnes, soit un tiers de la capacité d’accueil nationale. Dans les centres, une équipe a enquêté, dirigée par Jacques Barou, sociologue chercheur au CNRS, et Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris XIII, au nord-est de la capitale française.


Les jeunes vivent mieux le traumatisme

« Nous nous sommes demandé d’où vient chez les enfants cette capacité à se reconstruire dans l’exil », explique cette dernière. Qu’ils se voient en champion de boxe ou en médecin « pour soigner papa et maman », les enfants arrivent à se projeter dans l’avenir. Alors que leurs parents n’en ont parfois plus l’énergie. « Les adultes se sentent plus fragilisés, minés par les souvenirs, ils mettent aussi plus de temps à acquérir une nouvelle langue », note Jacques Barou. Plus que les jeunes, ils se demandent à quoi bon tant d’efforts pour s’adapter avant même de savoir s’ils trouveront une place. Après l’épreuve de la fuite, de la violence, du deuil, l’attente ressemble à un nouveau calvaire. Ces demandeurs d’asile, seuls ou en famille, vivent dans l’espoir d’acquérir le statut de réfugié.
D’après Michel Pélissier, président de la Sonacotra, le placement en centre d’accueil facilite cette issue heureuse : « Alors que 15 % des demandeurs d’asile en France obtiennent un statut de réfugiés, ils sont 65 % en Sonacotra. » Avoir un domicile est un atout déterminant dans la procédure d’asile. Les équipes des centres aident également les exilés à constituer leur dossier, à mettre en forme l’histoire souvent douloureuse de leur fuite. « Certains enfants nous ont fait des récits d’une grande cruauté, témoigne Marie-Rose Moro. Ils souffrent directement des événements traumatiques, pas seulement à travers leurs parents endeuillés. » Il faut les aider à « faire le deuil de l’histoire passée », mais aussi à tisser des liens. « S’appuyer sur les bonnes choses de leur monde d’origine, c’est nécessaire. » Surtout quand affleure la nostalgie, comme chez cette Soudanaise de 9 ans : « Il y avait un grand, grand jardin. Il y avait plein, plein, plein de fruits. (…) Je rêve des fois, souvent. Je me retrouve au milieu du jardin et je mange des fruits et j’ai le jus du raisin qui coule sur le bout de mes lèvres (…). Des cousins, des cousines, on rigolait tout le temps. »


Les ramener de cet « ailleurs » de l’inhumanité

Scolarisés, les enfants s’attachent plus aisément à leur nouvelle culture. « Certains enfants ne veulent même plus manger la nourriture de leur pays d’origine, ni en parler la langue », témoigne Marie-Rose Moro. Parce qu’ils s’intègrent plus vite, les enfants jouent un rôle crucial dans l’adaptation des familles à leur terre d’accueil. Maghrébins pour moitié, les demandeurs d’asile logés par la Sonacotra ont tous connu la violence de l’arrachement, sinon la torture et la guerre. Leur traumatisme empêche l’acquiescement simple à leur nouvelle vie, incertaine et fragile. « Ces familles ont besoin de notre regard pour s’humaniser ». Il faut les ramener de cet « ailleurs » de l’inhumanité à l’« ici et maintenant », explique la psychiatre et ethnologue.
Ces familles ont besoin de s’intégrer. Pour cela, l’enfant joue un rôle crucial. Non seulement il redonne le moral à ses parents. « Je vis par et pour mes enfants », témoigne une mère. Mais en outre, par sa réussite scolaire, le jeune devient le « sachant » du foyer. Le maillon qui relie sa famille au monde, parce qu’il en apprend la langue et les codes plus rapidement. L’étude des professeurs Barou et Moro met au jour ce résultat paradoxal : c’est l’enfant qui, par sa capacité à vivre dans le présent, protège ces familles déracinées.

Les enfants de l’exil, étude réalisée à la demande de la Sonacotra et de l’Unicef France, préface de Boris Cyrulnik, octobre 2003.

Guillaume de Chamisso

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