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14/11/2003
« L’Etat français a privilégié un islam rétrograde »

(MFI) En plein débat sur la laïcité et le port du voile islamique dans les écoles françaises, quelques mois après la mise en place du Conseil français du culte musulman (CFCM), Rachid Kaci publie La République des lâches (Editions des Syrtes). Musulman et français, militant associatif et politique, fondateur du courant La Droite libre au sein de l’UMP, il dénonce la démission des pouvoirs publics français face au communautarisme et aux menées politiques d’un islam obscurantiste.

MFI : Plutôt que l’intégration, vous prônez l’assimilation des populations musulmanes immigrées. C’est pourtant un mot tabou…

Rachid Kaci :
Cela fait 30 ans que l’assimilation est taboue. Depuis en fait l’arrivée de Giscard d’Estaing au pouvoir en 1974. Ou plutôt depuis la fin de la guerre d’Algérie. On est tellement complexé de ce qui s’est passé là-bas qu’on a abandonné ce concept au profit d’un autre, l’intégration, qu’on a concrétisé à partir des années 70. Intégration, cela veut dire la préservation et surtout l’apprentissage de la culture d’origine. Avant c’était différent, la France prônait, non pas le reniement des identités, mais l’adhésion à la langue française, à l’histoire de France et à un certain nombre de valeurs.
Si bien que dès la deuxième génération, les enfants d’immigrés polonais, italiens ou portugais devenaient des Français à part entière. Avec les populations d’origine maghrébine, on a fait tout le contraire. On leur a dit : vous êtes différents, on va vous apprendre votre langue d’origine qui est l’arabe, votre religion qui est la religion musulmane, et identifiez-vous autour de ces valeurs. J’estime moi que c’est un mépris profond pour les gens que de les avoir enfermé dans leur culture d’origine, au lieu de leur dire vous êtes français, assimilez-vous à la culture française. On a continué sous Mitterrand à cultiver les différences, et on nous (je dis nous car je suis de la deuxième génération), on nous a forcé à nous identifier comme arabo-musulman. Tout en nous expliquant qu’on est de nationalité française.
Ca c’est méprisant, ça c’est le vrai racisme. Car cela a consisté aussi à nous reléguer dans nos différences culturelles, y compris celles qui sont rétrogrades, avec ce sous-entendu : finalement, ce genre de coutumes archaïques vous convient. C’est comme ça qu’on a toléré la polygamie, l’excision. Au nom de la culture d’origine. Et c’est comme ça aujourd’hui qu’on tolère le voile dans les établissements scolaires, au mépris du principe français d’égalité entre les hommes et les femmes. Car c’est ça, le voile. C’est le signe manifeste de la soumission féminine, de l’infériorité de la femme. Or les mouvements féministes sont complètement absents de ce débat.

MFI : Et cette intégration, vous jugez aujourd’hui que c’est un échec ?…

R. K. :
Un échec flagrant. On en est à la troisième et même à la quatrième génération, et on a encore d’énormes problèmes autour de ces questions. Par exemple, vingt ans après la marche des Beurs (manifestation en 1983 des jeunes d’origine maghrébine en faveur de l’égalité des droits, ndlr), on se pose les mêmes questions à propos des enfants de ceux-là même qui manifestaient. A ceci près qu’à l’époque, l’identification était l’étiquette « Beur », c’est-à-dire une étiquette ethnique, alors qu’aujourd’hui on en est à une étiquette religieuse, « islam ». Autrement dit, on en est revenu avant 1962, à l’époque de l’Algérie française, lorsqu’on parlait de « Français musulmans ». D’ailleurs, quand aujourd’hui on entend des hommes politiques de gauche comme de droite (Nicolas Sarkozy, Laurent Fabius) qui emploient le terme de français musulman, on se dit que c’est vraiment un retour en arrière !

MFI : La mise en place du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui vient de voir le jour cette année après quinze ans d’hésitations, a été largement saluée comme un pas en avant. Pourtant, ce n’est pas, selon vous, une bonne solution…

R. K. :
Je suis opposé à la démarche qui a été adoptée. Depuis le début, les pouvoirs publics traitent ce dossier sous la pression. Depuis, en fait, l’apparition des premières affaires de voile islamique en 1989. Face aux manipulations orchestrées par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), mouvement fondamentaliste inspiré par les Frères musulmans, qui fait pression sur la société française, les gouvernements successifs ont réagi sur la défensive. On n’a pas voulu organiser de débat sur le type d’islam qu’on voulait promouvoir, on a directement cherché à créer une instance ; on a mis la charrue avant les bœufs. Résultat : la France se retrouve avec un islam rétrograde très fortement présent au CFCM. Alors que ce dernier, à mon sens, n’est même pas représentatif ! D’abord, quand on parle d’islam de France, on commence au moins par chercher des structures qui soient françaises, et non pas liées intimement à des pays étrangers. Le président du CFCM, le recteur de la mosquée de Paris Dalil Boubakeur, est quelqu’un d’estimable, mais c’est un salarié de l’Etat algérien ! La Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) est financée par le Maroc, et l’UOIF est financée par l’Arabie saoudite via la Ligue islamique mondiale. Voilà les trois principaux représentants des Français de confession musulmane ! Le CFCM est l’aboutissement de nombreuses dérives, comme celle qui consiste, pour un élu local confronté à des problèmes dans un quartier à forte présence musulmane, à ne plus s’adresser aux éducateurs, aux associations ou aux syndicats de locataires, mais à l’imam. On en arrive à une gestion communautarisée de la question, sur la base du communautarisme religieux.

MFI : Les musulmans eux-même n’ont-ils pas une part de responsabilité dans l’échec que vous dénoncez ?

R. K. :
Si, bien sûr. D’une façon générale, j’estime qu’on est responsable de la situation dans laquelle on se trouve. On ne doit pas accuser systématiquement la société, chercher la source de tous les maux dans le racisme et la discrimination. Face aux jeunes des banlieues, que je rencontre souvent, j’ai toujours refusé le discours de la « victimisation » ; je prône au contraire le langage de l’effort et de la responsabilité, celui que les immigrés polonais, portugais, espagnols ou italiens tenaient à leurs enfants : « travaillez et soyez meilleurs que les autres ». Effectivement, l’islam ne génère pas le débat sur sa propre modernisation, sur une réforme en son sein. Il y a certes des personnalités, en France et dans le monde musulman, qui prônent l’avènement d’un islam « des Lumières », ouvert et tolérant, compatible avec la laïcité. Mais on aurait pu les aider, précisément, en organisant ce débat interne à la religion musulmane, afin de faire émerger une nouvelle école de pensée dans l’islam. D’autant que les musulmans qui en sont partisans, en France, sont ultra majoritaires ! Au lieu de cela, les pouvoirs publics ont privilégié depuis vingt ou trente ans le volet rétrograde, c’est-à-dire les gens qui, financés par l’extérieur, ont la possibilité de s’organiser, et qui prônent un islam politique et obscurantiste. En leur donnant une tribune, on leur confère une grande respectabilité. Plus grave : leurs exigences agressives, le voile à l’école, etc., donnent des voix à Le Pen. Très grave également : en ne favorisant pas l’émergence de ce débat de fond en France, qui est l’un des rares pays au monde où il pouvait se tenir, on a manqué l’occasion de lancer un signe très fort aux millions de musulmans qui se battent eux aussi pour faire entendre une autre voix, aux millions de femmes qui luttent contre le voile et un statut infériorisant.

MFI : Précisément, quel regard portez-vous sur la situation dans les pays du Maghreb ? Par exemple au Maroc où le roi Mohammed VI, en dépit de la poussée islamiste, vient d’entamer un processus de réforme du statut de la femme ?

R. K. :
Je m’en réjouis, mais j’ose espérer que ce n’est pas trop tard. Ce que je crains, c’est que cela ne soit une réaction tardive à une situation d’ores et déjà explosive. Je ne veux pas critiquer Mohammed VI, parce que son arrivée au pouvoir est récente ; je pense qu’il est sincère dans sa démarche, dans son désir de faire bouger les choses. Encore faudrait-il que la situation économique des milieux populaires s’améliore. Mais d’une façon générale, il est vrai que les visionnaires auraient dû prévoir tout ça. Bourguiba était un visionnaire. Il a fait émerger une génération de femmes qui occupent des postes importants, la société évolue positivement, même si je ne suis pas un inconditionnel du régime tunisien. Mais si ce qui se passe au Maroc actuellement est encourageant, je pense toutefois que la société algérienne est peut-être, après une guerre civile atroce, beaucoup plus disposée à ce genre de réformes. Malheureusement, l’Etat algérien n’a pas souhaité, jusqu’ici, mettre au point un nouveau code de la famille, par exemple.


Propos recueillis par Philippe Quillerier-Lesieur

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