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09/01/2004
Chronique Livres

L'essentiel d'un livre
« Le nouveau roman africain se désintéresse de l’Afrique »


(MFI) Trois questions à Odile Cazenave* qui vient de publier un ouvrage important sur le roman africain contemporain** sans doute appelé à faire date tant à cause de la perspicacité de ses analyses que de l’originalité du regard historique que ce livre porte sur le fait littéraire postcolonial en Afrique francophone.

MFI : Vous venez de publier Afrique sur Seine consacré à la nouvelle génération de romanciers africains francophones. Qu’est-ce qui différencie leurs œuvres de celles des générations précédentes ?

Odile Cazenave :
La littérature africaine contemporaine est essentiellement le produit des écrivains de la diaspora, des écrivains jeunes qui appartiennent à la génération postcoloniale. Ils ont en commun, d’une part, leur intérêt pour les questions de migration, de déracinement et d’exil constitutives de l’identité des Africains vivant en Europe et leur désintérêt, d’autre part, pour toute forme de militantisme littéraire qui a caractérisé la littérature africaine depuis ses débuts. Cette nouvelle génération d’écrivains dont les premières oeuvres datent du milieu des année 80, se désintéressent de l’Afrique ou ont pris leurs distances par rapport à l’évolution de la société africaine pour s’intéresser de plus près à leur propre devenir en tant qu’Africains expatriés et condamnés à se ressourcer dans l’environnement européen au sein duquel ils évoluent plutôt que de chercher ce ressourcement dans leur passé africain.

MFI : Comment s’explique ce désintérêt pour l’Afrique ?

O.C. :
Cela s’explique par l’aspiration des écrivains à entrer dans le jeu de la littérature mondiale. Ni Africains, ni Français, ils veulent être reconnus comme écrivains tout court. Pour autant, l’Afrique n’est pas totalement absente des histoires que nous racontent ces nouveaux écrivains. L’essentiel de l’œuvre d’un Waberi, d’un Mabanckou ou d’un Biyaoula est ancrée dans la réalité africaine contemporaine, dans les dictatures, dans les guerres civiles, dans le vécu trouble et aliénant des bourgeoisies locales. Mais ces réalités n’ont d’intérêt qu’en fonction des questions touchant au fait d’être Africain(e) en France. Dans ce sens, le regard de l’écrivain africain s’est définitivement déplacé vers l’Hexagone qui est la nouvelle espace de vie à l’intérieur de laquelle ses personnages sont désormais voués à négocier leurs identités mondialisées.

MFI : Vous consacrez une partie de votre étude à la question du lectorat de la littérature africaine. Pour qui écrivent les romanciers africains aujourd’hui ?

O.C. :
question de la destination a dès le départ déterminé la forme et la voie qu’a empruntées la littérature africaine francophone. Le choix du français a ouvert aux écrivains, du moins théoriquement, l’accès à un double public: le public africain et le public européen. Dans la réalité, les oeuvres africaines sont lues d’abord - quand ce n’est pas seulement - par le public français qui seul a les moyens d’acheter des livres. Certaines de ces oeuvres finissent par parvenir en Afrique où elles sont lues, parfois même inscrites aux programmes scolaires. Or comme les véritables enjeux de la réception se trouvent en France, l’évolution de la littérature africaine s’explique en grande partie par l’évolution des goûts et des sensibilités du lectorat français. Les écrivains de la diaspora africaine qui produisent trois quarts de ce qui sort en littérature africaine sont conscients de ces impératifs qu’ils tentent parfois de détourner en subvertissant les stéréotypes par lesquels l’Occident signifie l’Afrique, comme le fait Calixthe Beyala, par exemple. D’autres comme Waberi ou Kossi Efoui répondent aux attentes de leur lectorat occidental en gommant les signes d’appartenance à une collectivité pour mettre en avant leur voix individuelle d’écrivain.

* Odile Cazenave enseigne la littérature africaine et antillaise aux Etats-Unis.
** Afrique sur Seine. Une nouvelle génération de romanciers africains à Paris. Editions. L’Harmattan, 316 p., 25,50 euros.

Tirthankar Chanda


Les écrivains prennent la plume pour dénoncer la Françafrique et ses noirs desseins

(MFI) « Comment se taire quand tant de morts passés et à venir nous interpellent ? » écrivent Raharimanana et Elbadawi dans le dossier de présentation à la presse de Dernières nouvelles de la Françafrique. Ce recueil de nouvelles, publié à l’initiative de ce duo d’écrivain et de journaliste africain, est un appel aux armes, à la révolte. Révolte contre la maladie, les dictatures, les guerres qui sont en train de décimer le continent, mais qui trouvent de moins en moins d’échos dans la littérature noire. C’est parce qu’ils ne se reconnaissent guère dans l’esthétisme narcissique qui caractérise les productions littéraires africaines contemporaines, c’est parce qu’ils veulent restituer à la littérature son intentionnalité éthique et révolutionnaire que Raharimanana et Elbadawi ont eu l’idée de réunir en un livre quelques-unes des voix les plus acerbes et les plus politisées de leur génération: Kangni Alem, Abdourahman A. Waberi, Tanella Boni, Eugène Ebodé, Dave Wilson, pour ne citer que les signatures les plus connues qu’on peut lire dans ce volume. Ces auteurs qui viennent des quatre coins de l’Afrique francophone brossent le profil des états postcoloniaux où l’ancien colon continue de tirer les ficelles grâce à une classe dirigeante africaine complice. C’est ce qu’on appelle la Françafrique. Elle est au coeur des treize nouvelles qui composent ce recueil. Avec son personnel impitoyable de mercenaires, de tortionnaires, de dictateurs, de génocidaires, d’hommes d’affaires ou d’académiciens véreux qui ont tous pour but de protéger les intérêts de l'ancienne puissance coloniale. Le pire, c’est quand le protecteur le plus efficace se révèle être un Noir, comme cela se passe dans l’excellente nouvelle de Dave Wilson. « Ils sont nombreux ici, ces intellectuels plus français dans leur tête que de Gaulle lui-même », s’exclament les protagonistes ahuris de cette nouvelle qui s’intitule ironiquement « Le français doit partir ».
Préfacé par Emmanuel Dongala, Dernières nouvelles de la Françafrique est un livre-réquisitoire où l’art et la colère cohabitent pour dire avec précision les maux de l’Afrique contemporaine.

Dernières nouvelles de la Françafrique, sous la direction de Soeuf Elbadawi et Jean-Luc Raharimanana. Ed. Vents d’ailleurs, 223 p., 16 euros.

T. C.


Tunis Blues

(MFI) Ils sont cinq et rien, en apparence, ne semblait devoir leur permettre de se rencontrer. Mais pour son quatrième roman (publié en Tunisie, comme les précédents) Tunis blues, le romancier Ali Bécheur a décidé de les amener à partager un instant de leur destin. Il y a là, Jamel alias Jimmy, l’insoumis qui s’insurge à sa manière en mettant le feu aux voitures des riches ; Ismaël et Choucha, le juge et la journaliste, l’un et l’autre préoccupés de cette affaire ; enfin, Elyssa, l’amoureuse de Jimmy qui accompagnera sa dérive et Lola, la généreuse jamais remise de la mort de son amant gitan... La juxtaposition des cinq personnages et la diversité – parfois à la limite de la caricature – de leur personnalité donne un aperçu de l’évolution et des dérives d’une société tunisienne en proie aux doutes et aux incertitudes, entre son enracinement traditionnel et sa confrontation brutale avec le monde occidental par l’entremise perverse d’un tourisme agressif. Ali Bécheur a choisi de construire son roman en donnant successivement la parole à chacun des protagonistes afin de multiplier les points de vue et les voix de la narration. Le lecteur est amené à suivre les « activités » de chacun de ces protagonistes : les incendies de l’un, l’enquête du second, la rédaction des articles de la troisième, les élans et les souvenirs des deux autres. Une technique éprouvée, poussée ici au maximum de l’artifice romanesque et dont les objectifs paraissent singulièrement attendus, tout en conservant l’avantage d’un effet mosaïque bienvenu.

Tunis blues, par Ali Bécheur. Ed. Clairefontaine, 215 p., 10 DT.

Bernard Magnier


Kebir M. Ammi : Alger la Blanche

(MFI) Gageure que cette pièce-poème de Kebir M. Ammi, Alger la blanche, puisque le dramaturge marocain (dont le père est algérien) ne choisit rien de moins que de donner corps et voix à des personnages qui sont, tour à tour, la ville d’Alger, représentée par une femme (« je m’appelle Alger, Alger la blanche »), son ciel (« je suis un ciel venu de loin, de très loin, d’un passé qui se perd dans les brumes ») et son front de mer (« je suis le front de mer ...un rêve absurde, un rêve de fraternité »). Dans ce décor, un trio d’oppresseurs liés par un même pacte destructeur : le général (« je suis les généraux qui ont saigné ce pays, la soldatesque honnie »), flanqué de ses « lieutenants », de ses « adjoints », de ses « anges », l’imam et le muezzin, obtus et complices d’une même oppression assassine. Enfin, face à ces derniers, la voix des justes et des victimes innocentes, l’enfant et le poète, qui en appellent à l’éveil, au sursaut, et rêvent « de transformer ce pays avec des mots ».
Pièce très courte, Alger la blanche, telle une utopie majeure, paraît bien vaine mais ô combien nécessaire devant la terreur et le chaos. Elle est suivie, comme en écho, par un autre texte, monologue ou poème : Les Terres contrariées, ode lyrique, comme une sorte de « cahier » dans lequel seraient consignées les attentes, les ambitions et les déconvenues d’un difficile et douloureux « retour au pays natal ». Entre innocence et impuissance, les mots de ces textes s’insurgent et se soulèvent. Ils frondent et s’imposent comme un acte de résistance, comme un bel instant de lecture, « un vaste champ où le vent, feignant le désarroi, joue à déchiffrer, chacune de (nos) fleurs anxieuses ».

Alger la Blanche, par Kebir M. Ammi. Ed. Lansman, 46 p., 8 euros.

B. M.


Une détective au Botswana

(MFI) Personne ne saurait dire pourquoi Precious Ramotswe, trente-cinq ans au compteur, a un jour choisi de monter l’unique agence de femmes détectives du Botswana. Toujours est-il que cette femme truculente, à la corpulence généreuse, démêle, depuis, sans peine les problèmes qu’on lui pose. Bien sûr, comme elle n’en est qu’à ses débuts, elle n’a pour l’instant que de petites affaires à résoudre : mari voleur, femme infidèle ou fils disparu. Mais à chaque fois, Mma Ramotswe fait preuve d’un solide bon sens. Peut-être est-ce parce que, malgré son âge relativement jeune, elle a déjà eu des expériences marquantes dans sa vie : entre un père qui lui était dévoué corps et âme et un mari qui la battait, elle a appris l’essentiel à savoir sur le genre humain. C’est sûr, Mma Ramotswe a quelque chose de la fameuse Miss Marple d’Agatha Christie. Avec le Botswana et ses détails de la vie quotidienne en plus, évidemment. Et cela compte ! Ainsi, le lecteur pourrait presque se croire évoluer aux côtés de l’héroïne dans les rues de Gaborone. Pourtant, surprise, le créateur de l’enquêtrice n’est pas originaire de cette région puisqu’il est britannique (certes, né au Zimbabwe). Alexander MacCall Smith n’est d’autre part pas écrivain de métier : il est professeur de droit et membre du comité international de bioéthique à l’Unesco ! Bien sûr, il a vécu quelques années au Botswana dont il a rédigé le Code pénal. A le lire, on se doute que ce séjour l’a marqué durablement. En tous cas, le résultat, cette série sur les aventures de Mma Ramotswe, qu’il a lancée en 1999 et qui comporte aujourd’hui quatre volumes (deux sont aujourd’hui traduits en français), est un succès énorme : c’est un best-seller en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis d’Amérique avec plus de 2,5 millions de livres vendus.

Mma Ramotswe détective et Les larmes de la girafe, par Alexander MacCall Smith. Coll. Grands détectives, Ed. 10/18, 250 p. et 6,9 euros chacun.

Fanny Pigeaud


Sur la route des « caravanes »

(MFI) Pour son huitième numéro, l’imposante et prestigieuse revue Caravanes dont le sous-titre, « Littératures à découvrir », invite à la double curiosité des lieux et des mots, offre, cette année et pour la première fois, une large place aux créateurs de l’Afrique sub-saharienne.
L’Afrique, ici « convoquée non à titre d’exception mais au nom de la douloureuse exemplarité de son destin », est représentée par des textes issus de la poésie orale peule du Massina mais aussi par des créateurs contemporains : le Nigérian Niyi Osundare et ses poèmes explorant avec finesse et humour le quotidien dans un « plaidoyer pour les petites choses » ; le Sud-Africain Karel Schoeman qui va au coeur de la société afrikaner ; l’Angolais Pepetela et son texte composé d’une succession de lettres officielles, démontrant comment l’incompétence et la corruption peuvent conduire aux pires aberrations ; le Djiboutien Abdourahman Waberi croisant ses mots avec ceux de vieux papiers jaunis signés Rimbaud et autres vagabonds venus en d’autres temps échouer sur cette corne de l’Afrique. Toutefois, le plus insolite demeure Salim Bin Abakari, comorien établi à Zanzibar et ayant rédigé en swahili, à la fin du 19ème siècle, son carnet de voyage en Russie...
Avec Abdulah Sidran le scénariste poète de Sarajevo, l’Irlandais William Trevor, le Chinois Peng Wan Ts et ses « corps en souffrance », le Mexicain Juan Villoro, les Français Sylvie Germain, Yves Bonnefoy ou Pascal Quignard, c’est une trentaine de talents qui, après avoir vu, ont su donner à voir, comme pour une invitation vagabonde à l’aventure des regards et des mots.

Ed. Phébus, 420 p., 45 euros.

B. M.


Le Seigneur des Anneaux en féerie médiévale

(MFI) Des millions de spectateurs, jeunes et moins jeunes, qui se ruent dans les salles obscures pour suivre les aventures du Seigneur des Anneaux, combien ont lu le roman de John Ronald Reuel Tolkien ? Et, parmi ceux qui l’ont fait, combien savent que l’auteur fut un éminent professeur de langues anciennes à l’Université d’Oxford de 1925 jusqu’à sa retraite en 1959 ?
Mais, plus étonnant encore, François-Marin Fleutot dans Les Mythes du Seigneur des Anneaux démontre à quel point cette œuvre, désormais classique de la littérature de science-fiction, n’est pas née, seulement, de l’imagination fertile de Tolkien.
De l’austère travail universitaire de toute une vie le professeur de vieil anglais et traducteur d’ouvrages des 13ème et 14ème siècles anglo-saxons tire ses personnages et ses situations de fiction. Pour qui y regarde de plus près, et c’est à quoi François-Marin Fleutot nous invite, l’histoire de Frodo, Bilbo et de l’anneau est issue, après réinterprétation de l’auteur, des récits mythiques nordiques où dragons, nains, elfes, trolls et autres créatures s’affrontent et rivalisent en des aventures fabuleuses. Le conte de fées raconté par Tolkien à ses enfants, avant de devenir un best-seller, pousse ses racines au plus profond des mythes médiévaux ou plus ancestraux encore.

Les Mythes du Seigneur des Anneaux, par François-Marin Fleutot. Ed. du Rocher, 158 p., 15 euros.

Francine Quentin


La sphère arabe face à la mondialisation

(MFI) Le monde arabe n’a pas échappé au développement et à la croissance des nouveaux supports médiatiques liés à l’évolution rapide des nouvelles technologies. Les études présentées par des chercheurs arabes et européens dans cet ouvrage rendent compte de ces bouleversements et des multiples recompositions du champ médiatique arabe qui en sont le corollaire. La multiplication des antennes paraboliques dans les années 1980, la prolifération des cybercafés et l'émergence des chaînes satellitaires panarabes ont en effet mis à mal la censure officielle d'une sphère arabe faisant bien peu de cas des libertés publiques. Ce livre a le mérite d'explorer « les stratégies économiques et politiques, les réglementations juridiques, les savoirs professionnels, les formes et les contenus médiatiques que suscitent ces nouveaux espaces de communication » et, ce faisant, il permet de mieux percevoir les évolutions récentes de la scène médiatique arabe.

Mondialisations et nouveaux médias dans l’espace arabe, sous la direction de Franck Mermier. Ed. Maisonneuve et Larose, Collection Orient-Méditerranée, 438 p., 28,50 euros.

Fayçal Bouzennout


Littérature à découvrir
Leurs vies sont menacées


(MFI) « Nos vies sont menacées et la répression est terrible » (Lionel Trouillot). « Nous craignons tous pour notre vie » (Gary Victor). Tels sont les messages que lancent à ceux qui voudront bien les entendre, deux écrivains arc-boutés à leur terre haïtienne avec quelques autres de leurs camarades de création, de combat et de douleurs quotidiennes. Ils font partie de ceux - comme tant d’autres anonymes, bien sûr - que le pouvoir en place (celui-ci après bien d’autres) a pris pour cible.

Depuis longtemps, les écrivains et artistes haïtiens ont payé cher leur droit de dire et d’exprimer la douleur de leur terre. Mort, exil, oppressions et répressions multiples, la liste des peines endurées est longue et celle des victimes ne l’est pas moins. Dès 1961, Jacques-Stephen Alexis est mort alors qu’il tentait une insurrection. Roger Dorsinville est revenu aveugle sur l’île et n’a donc jamais revu sa terre natale après son exil africain. René Depestre a quitté Haïti à l’âge de 20 ans, c’était en ...1946. Émile Ollivier est mort au Québec, après près de quarante ans d’éloignement. Aujourd’hui, René Depestre dans le sud de la France, Jean Métellus, Jean-Claude Charles, Mimi Barthélémy, Louis-Philippe Dalembert à Paris, Gérard Étienne et Rodney Saint-Eloi à Montréal, Dany Laferrière à Miami, Edwige Danticat à New-York... et tant d’autres de par le monde font écho aux mots de ceux demeurés en l’île.
Frankétienne et ses démesures poétiques, ses « spirales », dans les « affres d’un défi » permanent ou dans une schizophrénie avouée et revendiquée (L’Oiseau schizophone (1)) ; Lionel Trouillot, feu follet, bouffon et trublion, empêcheur d’écrire en rond avec Les enfants des héros, Rue des pas perdus ou Thérèse en mille morceaux (2); Yannick Lahens qui règle des histoires de famille (Tante Résia et les dieux (3), Dans la maison du père (4)), voix féminine désormais accompagnée de Marie-Andrée Manuel Étienne et de ses Déchirures (5) ; Gary Victor lancé sur La piste des sortilèges (5) ; Georges Castera, ses Voix de tête et ses Ratures d’un miroir (6), Jean-Claude Fignolé, son Aube tranquille et ses Possédés de la pleine lune (7)... Et bien d’autres agitateurs de mots, attachés à maintenir le cap d’une écriture sans compromis, tentent de préserver en l’île une vie littéraire qui défie l’absurde et l’adversité.
Depuis l’ailleurs, avec ses « femmes-jardins » et ses « alleluia », René Depestre ne cesse d’évoquer les lieux d’antan et de mémoire, Jean Métellus décline la saga de La Famille Vortex (8) et offre ses élans poétiques Au pipirite chantant (9). Dany Laferrière partage les dix volumes de son « autobiographie américaine » (4) entre les lieux qui l’ont vu naître et ceux nord-américains qui l’ont reçu. Émile Ollivier rapporte sa propre destinée dans Mille eaux (8) ou les déconvenues de sa Mère-solitude (4). Mimi Barthélémy avec Bouki, Malice et Compère Lapin, ses fidèles complices, conte l’univers des veillées sur bien des scènes du monde. Jean-Claude Charles est le double de ses héros en partance dans Bamboola bamboche ou Manhattan blues (10), Louis-Philippe Dalembert dessine son Île du bout des rêves (11) sous des titres vagabonds comme autant d’invites aux voyages (Le Crayon du bon dieu n’a pas de gomme (12), L'Autre face de la mer (13)).
Contre vents et « chimères », contre Duvalier hier et aujourd’hui Aristide, tous poursuivent la quête et la lutte et ne baissent pas la plume ou le clavier devant l’adversité. Ils sont ces insurgés permanents qui lancent leurs mots, crus et drus, comme autant de balises incendiaires pour conjurer le drame. D’une écriture rebelle, éclatée, boucanée créole, à fleur de tendresse ou brute de révolte, ils disent la face hideuse de leur île meurtrie de désolations et de folies assassines. Parce qu’ils ont du talent, parce qu’ils savent dire ce que d’autres et eux-mêmes endurent, parce qu’ils sont les vigiles nécessaires à nos attentions distraites, d’île ou d’exil, leurs cris se doivent d’être entendus.

(1) Spirale, (2) Actes Sud, (3) L’Harmattan, (4) Serpent à plumes, (5) Vents d’Ailleurs, (6) Mémoire, (7) Editions du Seuil, (8) Gallimard, (9) Lettres nouvelles, (10) Barrault, (11) Bibliophane, (12) et (13) Stock.

B. M.




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