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05/03/2004
Blues : le chaînon manquant entre Afrique et Amérique ?

(MFI) Troisième volet d’une série de sept films sur le blues, Du Mali au Mississipi, de Martin Scorsese, tente de jeter une passerelle entre cette musique issue du Sud américain et ses lointaines racines africaines. Un beau documentaire, même si la démonstration peine à convaincre.

Les deux hommes jouent de la guitare. Si absorbés qu’ils ne voient pas le dénuement de la pièce dans laquelle ils sont installés, si complices qu’ils n’éprouvent pas même le besoin de se regarder, complètement seuls et pourtant emportés dans le rythme commun, comme un duo patiné par des années de pratique et de concerts. Pourtant, c’est à peine si les deux hommes se connaissent. Leur première rencontre date tout au plus de quelques heures, sur le tarmac fatigué d’un minuscule aéroport de brousse. Nous sommes à Niafunké, dans le nord du Mali, et Ali Farka Touré, père du blues malien, reçoit Corey Harris, jeune bluesman Afro-américain. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre pourquoi Martin Scorsese a éprouvé le besoin d’organiser cette improbable rencontre entre Afrique et Amérique (du Nord), entre le patriarche imposant en boubou et ce jeunot au look rasta. Il n’est même question que de cela dans Du Mali au Mississipi : du blues comme point de rencontre, historique et symbolique, entre deux continents que lie une histoire aussi longue que violente. Histoire chargée de larmes et de sang, gravée à même la peau du peuple noir-américain : celle de l’esclavage.
Né dans le Sud des Etats-Unis, plus précisément au cœur du delta du Mississipi, le blues a des origines controversées. Pour certains, il est né dans les plantations de coton, d’autres avancent qu’il descend en droite ligne du negro spiritual. Tous s’accordent cependant sur la puissante influence que ses rythmes lancinants et chaloupés ont exercé sur la musique américaine (jazz, rhythm & blues, swing, be bop, soul, voire même rock and roll) et surtout sur ses racines africaines. Seul ce dernier point semble intéresser Scorsese. Après une première partie historique et volontiers pédagogique (images d’archives, interviews et témoignages), c’est donc cette passerelle que l’auteur de Mean Streets tente de tendre entre les deux continents, comme le prouve explicitement le sous-titre du film : Feel like going home (qu’on pourrait traduire par « J’ai l’impression de rentrer à la maison »). Celui qui rentre à la maison, en l’occurrence, c’est donc le jeune Corey Harris, jeune musicien tombé dans le chaudron rock (Tom Waits et Joni Mitchell) avant de redécouvrir le blues et le gospel à la faveur d’un séjour en Louisiane. Le voici à Bamako, où il rencontre l’inévitable Salif Keita avant de s’envoler pour Niafunké, patrie et fief d’Ali Farka Touré. C’est surtout avec ce dernier que la rencontre est intrigante, parce qu’elle scelle à la fois la plus étrange proximité et une absolue différence. Les échanges entre les deux hommes, si d’échanges on peut parler, se heurtent sans cesse à la double barrière linguistique et culturelle. A voir ce grand corps américain terrassé par la chaleur, on se dit que la boucle, quel que soit la grandeur du geste qu’elle entend illustrer, est un peu forcée et pour tout dire un tantinet démagogique. Il faut la prendre pour ce dont elle se fait l’écho : l’aboutissement d’un propos qui n’est au fond rien d’autre que le fantasme centenaire des Afro-américains sur l’Afrique, l’éloge d’un retour aux origines aussi désirable qu’impossible. D’ailleurs, Scorsese ne s’appesantit pas sur sa démonstration, il se contente de filmer la musique en train de se faire, la communion (si artificielle soit-elle) entre deux hommes qui, à cet instant précis, ont échappé à toute détermination nationale ou raciale pour fusionner dans un seul et même tempo, celui de la musique.


Elisabeth Lequeret

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