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16/04/2004
Chéri Samba, un peintre en couleur

Son nom complet est Samba wa Mbimba N’zingo Nuni Masi Ndo Mbasi. On le connaît plus simplement comme « Chéri Samba »… et il est notamment le chéri des amateurs d’art. Ce peintre congolais, qui a commencé à produire dans les années 70, est désormais célèbre à l’étranger. S’il écrit sur une de ses toiles « je suis un rebelle », il a aussi un grand don de communication.

Connaissez-vous Chéri Samba ? Né en décembre 1956 dans la région du Bas-Congo, au Zaïre, Chéri Samba est devenu depuis une dizaine d’années le peintre congolais international qu’on s’arrache. L’originalité de cet artiste, avant tout dessinateur (j’étais à l’école « 100 % meilleur dessinateur », dit-il) est incontestable : ses grandes toiles aux couleurs contrastées et acidulées ont un sujet unique et répétitif, Chéri Samba lui-même, et sont donc autant d’autoportraits. Mais ces autoportraits visent aussi à illustrer des thèmes symboliques et sont porteurs de « messages » (sur le sida, sur l’Afrique unie ou désunie, sur le développement, sur l’art, sur l’homme ou la femme…), et la « touche » de l’artiste a consisté très tôt, pour qu’on ne s’y trompe pas, à insérer aussi des textes dans ses peintures : Chéri Samba, ses visages, ses pensées, tel pourrait être résumé le propos principal de l’œuvre.
On le classerait volontiers parmi les peintres naïfs ou populaires, d’autant qu’il a commencé comme beaucoup par croquer des scènes de la vie quotidienne, agrémentées d’anecdotes, mais l’affaire est plus compliquée. Car Chéri Samba est rusé, malicieux et suprêmement orgueilleux : de la sorte il fait feu de tout bois, y compris de son image de « naïf ». Et comme il a compris parfaitement l’importance de la « Communication » (« communication maximale » reconnaît-il !) il a mis au point tout un discours sur lui-même, sur son art et ses intentions qui déroute, submerge et finit par séduire. De quoi se dire : on ne peut être aussi content de soi sans une dose correcte de génie. Et à sa manière, provocatrice, humoristique, et il faut le reconnaître assez délirante, Chéri Samba a en effet une forme de génie, sur le mode de la démesure… démesure qui renvoie bien sûr à la créativité proliférante d’une ville comme Kinshasa, choc de cultures (et de sous-cultures) populaires, conjuguées à une « débrouille » galopante qui donne son énergie à cette ville et à ses expressions - qu’il s’agisse de musique, de « sape », de tous les styles et comportements qui s’y télescopent.


Malentendus

Que Chéri Samba soit un personnage, débordant d’idées et d’envies créatrices, personne n’en doute. Qu’il devienne un représentant de l’art africain à l’étranger (« figure emblématique de l’art africain contemporain » a-t-on pu lire) , et comme tel se voit ouvrir certaines galeries ou musées prestigieux, y compris de l’avant-garde comme l’Espace Cartier, à Paris, où il a été exposé plusieurs semaines, voilà qui suscite des réserves. L’accueil le plus frais vient souvent de la communauté africaine à l’étranger, qui peut se demander à quel jeu d’images on joue. Les critiques d’art et les journalistes européens, eux, sont souvent ravis… car cette Afrique-là leur « parle » : elle est, par excellence, candide, primitive, imaginative et excessive ; de quoi redonner vie à quelques idées reçues et pas mal de fantasmes sur un continent irrationnel et mouvementé.
Au-delà de Chéri Samba, il faudrait s’interroger sur les vogues africaines en Occident : art, littérature ou musique, on observe de ces effets de mode à l’élasticité plus ou moins grande qui, à première vue, ont de quoi réjouir. Enfin ! Enfin l’Afrique culturelle existe dans les lieux où on lui dénia longtemps sa singularité et sa respectabilité ! Mais comme toutes les vogues, celles-ci sont fondées sur des malentendus profonds. A commencer par celui-ci : le Nord ne promeut de l’Afrique que ce qui l’intéresse. Pour mieux conforter un point de vue, cela va de soi. Mais on observe aussi que les artistes africains ne sont appréciés et pris en considération qu’autant qu’ils illustrent… l’Afrique. Un certain degré d’exotisme est dans ces conditions recommandé pour ne pas décevoir le consommateur. Alors, si les conditions sont remplies, l’artiste singularisé comme ethnique aura le bonheur de court-circuiter toutes les hiérarchies, il ne sera plus jugé selon les critères communs, il n’aura pas à effectuer le difficile cheminement de la création, de sa longue et souvent douloureuse élaboration, avant toute reconnaissance. C’est normal, il est hors catégorie : il est l’artiste africain… Ne serait-ce pas là comme une couleur qui colle à la peau ?

Thierry Perret


Chéri Samba parle de… Chéri Samba

(MFI) « Ma vie et mon oeuvre sont tout un ensemble. Il y avait une joyeuse compétition entre les artistes, et pour me différencier, j’ai créé la « griffe sambaïenne ». J’avais mon look, mes publicités, mes banderoles devant l’atelier, lettres à en-tête et cartes de visite avec photo, mon cachet Chéri Samba... Je voulais faire une communication maximale. On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Ma popularité m’a valu un grand succès féminin : avant de me marier en 1981 à la citoyenne Nzila-Ngombe, Philda, j’avais comptabilisé 394 femmes. J’étais fier de mes conquêtes. Celui qui avait beaucoup de femmes était un héros. J’étais le Chéri des dames, je voulais être aussi le Chéri des amateurs d’art, le Chéri des dieux… »
(propos recueillis par André Magnin)




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Reproductions : plusieurs photos d’œuvres de Chéri Samba sont consultables (et téléchargeables) sur le site :
www.fondation.cartier.fr

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