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16/04/2004
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Edition : quand l’union fait la force
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(MFI) Alors que les salons et rencontres littéraires autour de l’Afrique se multiplient, les éditeurs indépendants – du Nord comme du Sud – s’organisent et multiplient les co-éditions. A quand l’Afrique ?, l’essai de l’historien Joseph Ki-Zerbo lauréat du prix RFI-Témoin du monde, est ainsi l’œuvre commune de huit maisons d’édition.
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A la tribune, début avril, de la 2e biennale des littératures d’Afrique noire, Béatrice Lalinon Gbado explique comment, de plus en plus nombreux, les petits éditeurs se mettent en réseau pour survivre. « En amont de la parution d’un titre, je contacte, pour les livres de jeunesse, trois autres maisons d’édition : Eburnie en Côte d’Ivoire, Cérès en Tunisie, Ganndal en Guinée. Chacun de nous indique le tirage qu’il souhaite, en fonction de son marché, et le livre est imprimé, en une fois, chez l’un ou chez l’autre, en Tunisie souvent. Deux problèmes sont ainsi résolus simultanément : le coût unitaire, qui diminue car le tirage augmente, et la distribution, qui est réglée au préalable. »
La fondatrice des éditions Ruisseaux d’Afrique, basée à Cotonou, au Bénin, est une figure dynamique de l’édition en Afrique francophone. Elle a fait passer son catalogue d’une quinzaine de titres en juin 1998, lors de la création formelle de la maison d’édition – auparavant, c’était de l’autoproduction –, à environ 80 aujourd’hui. Outre celui évoqué pour le livre de jeunesse, Ruisseaux d’Afrique appartient à au moins deux autres réseaux, fonctionnant également sur l’idée d’économie d’échelle : l’Alliance des éditeurs indépendants et Afrilivres, dont Béatrice Lalinon Gbado est d’ailleurs la coordinatrice sur le continent. Pour elle, tout est affaire de conviction. « Aujourd’hui, tout est de plus en plus manufacturé, et si l’on n’y prend garde, ce sera le cas de la culture aussi. Face à ce mouvement, il est important que les petites maisons d’édition, pour qui l’édition ce n’est pas d’abord du commerce, mais de pouvoir communiquer à l’autre un certain nombre de valeurs, de savoirs, se tendent la main et entrent dans un mouvement de solidarité. C’est ce qui justifie mon engagement. De sorte que nous utilisions intelligemment nos petites énergies pour pouvoir vivre de nos convictions, pouvoir les partager avec le monde sans être engloutis. »
Une règle de péréquation des coûts en fonction des moyens de chacun
L’Alliance des éditeurs indépendants (AEI) est une association de loi française, à but non lucratif, créée au début de l’année 2002. Par la mise en place progressive d’un réseau international d’éditeurs, indépendants des grands groupes, qui se rencontrent et travaillent ensemble, l’AEI participe à la circulation des idées. Le travail s’organise entre autres au sein de réseaux linguistiques (francophone, anglophone, hispanophone, arabophone, etc.). De nombreux projets éditoriaux ont ainsi vu le jour, dont des collections coéditées internationalement : Enjeux Planète, Proches Lointains, Les Mots du Monde. Certains livres peuvent être hors-collection : c’est le cas de A quand l’Afrique ?, de l’historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo. Paru en juin 2003, il a été édité conjointement dans huit pays : Bénin (Ruisseaux d’Afrique), Burkina Faso (Sankofa et Gurli), Cameroun (Presses universitaires d’Afrique), Côte d’Ivoire (Eburnie), France (l’Aube), Guinée (Ganndal), Mali (Jamana), Suisse (d’En-bas).
Mini-réseau dans le réseau, constitué sur une base volontaire, la collection Enjeux Planète rassemble douze éditeurs francophones (en Afrique subsaharienne, au Canada, au Maghreb et en Europe) membres de l’AEI. Le choix des titres est effectué à douze. Le travail éditorial sur les textes et la mise en page sont réalisés au Canada, après un processus de révision collectif, puis l’impression en une seule édition a lieu en Tunisie ou en France ; chaque éditeur reçoit ensuite le tirage demandé. Une règle de péréquation permet aux éditeurs d’Afrique subsaharienne et du Maghreb de supporter des coûts inférieurs à ceux pris en charge par les éditeurs du Nord. Ainsi, les mêmes livres sont vendus 15 euros en France, mais 8 euros au Maroc et 5 euros au Cameroun. Cette répartition des coûts fait de la collection Enjeux Planète une expérience pionnière de commerce équitable dans le domaine du livre. Déjà parus : Le mythe du développement, Les batailles de l’eau, Les mirages de l’aide internationale. A paraître : La vie n’est pas une marchandise…
Basée à Cotonou, au Bénin, Afrilivres est une association regroupant 54 éditeurs d’Afrique francophone subsaharienne, de Madagascar et de l’île Maurice. Elle a ouvert, le 12 novembre 2002, un site internet qui présente tous les titres non-scolaires (1238 à ce jour) publiés par ces éditeurs. Une sélection de près de 200 d’entre eux peuvent être commandés directement sur le site par paiement sécurisé et livrés rapidement. Cette sélection de titres est stockée par Servédit, un diffuseur français. Résultat : en 2003, pour environ 15 000 euros de livres ont été vendus au Nord. L’initiative Afrilivres a été lancée par un comité de pilotage d’éditeurs africains réunis en novembre 2001 par Africultures avec l’aide de la fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme (également partenaire de l’AEI). Afrilivres est soutenu par le ministère des Affaires étrangères français, l’Agence intergouvernementale de la Francophonie et l’Alliance des éditeurs indépendants.
Faciliter la participation des éditeurs aux foires africaines et européennes
Plus classique dans son approche, le Réseau des éditeurs africains ou Apnet (pour African publishers network) a été créé en 1992 pour promouvoir l’édition locale. Ce réseau, dont le secrétariat a été transféré d’Harare (Zimbabwe) à Abidjan (Côte d’Ivoire) il y a un peu plus d’un an, rapproche les associations nationales d’éditeurs de 46 pays du continent. Actuel président de l’Apnet, Mamadou Aliou Sow, fondateur des éditions Ganndal (Guinée), précise : « Pan-africain et sans but lucratif, le réseau développe cinq programmes majeurs. » Le premier est celui de la formation, destiné à aider les éditeurs africains dans le fonctionnement de leur structure, la maîtrise des nouvelles technologies, PAO ou logiciels de traitement de l’image. Le second est un programme d’information et de communication : l’Apnet a une revue, publiée aussi bien en français qu’en anglais – « et avant la fin de l’année 2004 en portugais et en arabe », annonce Mamadou Sow – et un important centre de ressources documentaires, auquel les éditeurs et les chercheurs peuvent s’adresser.
Le troisième programme concerne le renforcement des capacités des associations nationales : l’Apnet aide ces jeunes structures à s’installer, à ouvrir des bureaux et à s’équiper. Le quatrième touche à l’international : réseau continental, l’Apnet entretient des relations poussées avec la plupart des grandes organisations qui travaillent dans le domaine du livre, que ce soient des partenaires financiers comme la Banque mondiale, des partenaires techniques (l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique) ou des coopérations bilatérales. « Ces partenaires sont aussi ceux qui investissent dans notre programme stratégique quinquennal, qui est notre outil fondamental de travail », précise Mamadou Sow. Enfin, et néanmoins essentiel, le programme de promotion commerciale : outre le fait de faciliter la participation des éditeurs aux foires africaines et européennes (Paris, Genève…), l’Apnet publie des catalogues thématiques, de droit, de titres de littératures enfantines, de publications dans les langues nationales etc., qui sont vendus. Y compris un catalogue des consultants africains dans le domaine de l’édition.
Ariane Poissonnier
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