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06/08/2004
La femme est-elle l’avenir de l’Oumma ?

(MFI) Quel est le statut, fantasmatique autant que réel, de la femme en terre d’islam ? Modèles régissant l’éducation des enfants des deux sexes, relations mère-fils, contrôle des sœurs par leurs frères, emprise de la belle-mère sur la jeune épousée… la psychologue Françoise Couchard explore la question sous tous ces angles dans Le fantasme de séduction dans la culture musulmane.

A la fin du XVIIIe siècle, lady Montagu, accompagnant son mari, ambassadeur en poste à Istanbul, ne se lasse pas de vanter la liberté des femmes turques musulmanes. Elle envie leur liberté financière : contrairement aux Anglaises, dont les maris n’hésitent pas à dilapider joyeusement la dot, elles ont libre disposition de leurs biens. Le port du voile, qui les masque aux regards, leur permet toutes les escapades sans être reconnues. A ceci s’ajoutent les bienfaits physiques du hammam, dont l’usage, pudeur chrétienne oblige, a disparu en Europe depuis la fin du XIIIe siècle. Par contraste, combien paraît privilégié le statut des femmes en territoire d’islam, où l’union sexuelle est considérée comme un hommage au Créateur et le plaisir d’autant plus recommandé qu’il fait entrevoir au croyant les délices du paradis. De fait, entre le IXe et XIIIe siècle prolifèrent dans le monde arabe des livres d’érotologie. Ecrits par des médecins, le plus souvent à l’usage des princes, ils abondent en conseils d’ordre hygiénique et/ou sexuel, proposant volontiers une liste d’aliments ou de boissons aphrodisiaques.
Dans Le fantasme de séduction dans la culture musulmane, la psychologue Françoise Couchard montre pourtant qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, ou, disons, d’une littérature glorifiant la figure féminine à ses avatars terrestres. D’autant que cette idéalisation du corps de la femme est à la mesure des terreurs qu’elle inspire : insatiabilité, fantasmes de dévoration où le sexe féminin est assimilé à une crevasse ou à une ventouse… C’est sur une ambivalence fondatrice que s’inscrivent, dans le monde musulman, les rapports hommes-femmes. Autant dire que cette beauté si célébrée par ailleurs reste le pire ennemi de la femme.


Du plomb dans les yeux

Menace permanente pour l’équilibre des hommes, son corps doit être voilé. Un seul regard sur ces beautés défendues, et c’est la cécité qui guette. A l’audacieux convoitant une femme zina (« interdite »), « on versera du plomb dans les yeux le jour du Jugement dernier », prophétise un hadith. De même, l’imaginaire collectif musulman est-il peuplé de figures sexuelles terrifiantes, à l’instar d’Aicha Qandicha, que connaissent tous les garçons marocains : créature féminine et bestiale, séduisante et repoussante, apparaissant dans les lieux humides, sources ou rivières, pour séduire de jeunes hommes, et dont les terribles étreintes causent la mort ou la folie. Aussi les mères, garantes et responsables de l’intégrité virginale, mettent-elles au point un véritable système défensif fondé sur le tabou du regard et du toucher. Le moindre contact avec un étranger à la famille est présenté comme un risque, aller-simple pour l’Enfer.
Paradoxale injonction, d’autant que le hammam et ses rites de purification, inévitablement associés à l’acte sexuel, permet aux filles de constater que cette mère qui n’a cessé de les mettre en garde contre les dangers de la sexualité s’accorde le droit de transgresser les codes, se mettant en valeur afin de séduire le père et d’en retirer du plaisir. A rebours, la nécessité de préserver la virginité de leur sœur développe chez certains adolescents une vigilance frôlant la persécution. Cette charge, dévolue par le cercle familial et surtout par la mère, est source d’angoisse à mesure que ce devoir de protection envers la sœur devient un terrain explosif où cohabitent haine, voyeurisme et amour passionnel.

Le fantasme de séduction dans la culture musulmane, Françoise Couchard, Ed. PUF, 27 euros.

Elisabeth Lequeret

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