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20/08/2004
Chronique Livres

L'essentiel d'un livre
Les soleils d’outre-tombe d’Ahmadou Kourouma


(MFI) L’écrivain Ahmadou Kourouma est mort en décembre 2003. Son éditeur publie le nouveau roman auquel l’auteur des Soleils des indépendances travaillait depuis huit mois avant sa disparition et qu’il n’a pu mener à terme. Quand on refuse on dit non est le titre de ce travail inachevé. Sa parution posthume est un des événements marquants de la rentrée littéraire française 2004.

La Côte d’Ivoire est le sujet de ce dernier roman sous la plume de l’un des géants des lettres africaines. Ivoirien d’origine, Kourouma avait été profondément secoué par les événements qui ont bouleversé l’équilibre précaire sur lequel était basé ce qu’on appelait jadis le « miracle ivoirien ». Ses prises de position courageuses et lucides contre la politique raciste de l’ivoirité lui avaient attiré l’hostilité des éléments les plus radicaux de son pays. Déclaré persona non grata à Abidjan où il avait l’habitude de vivre une partie de l’année depuis sa retraite, Kourouma n’a pas voulu rester simple spectateur de la descente aux enfers de son pays bien-aimé. Il voulait raconter cette histoire, montrer comment la folie de quelques-uns pouvait entraîner tout un pays dans la tragédie. Cela donne ce que son éditeur appelle le « roman vrai de la Côte-d’Ivoire » dont l’inachèvement est d’autant plus frustrant pour le lecteur qu’il affiche toutes les prémices d’un grand récit moderne.
La modernité de Kourouma réside essentiellement dans sa vision parodique de l’histoire. Tout en reflétant avec fidélité les étapes successives de l’histoire de l’Afrique moderne – colonisation, indépendances, dictatures, guerres civiles –, il les transforme en éléments grotesques et déforéms d’une fable burlesque qui a plus à voir avec Gargantua ou Voyages de Gulliver qu’avec La Chartreuse de Parme ou Guerre et Paix. Ses quatre romans – Les soleils des indépendances (1969), Monné, outrages et défis (1990), En attendant le vote des bêtes sauvages (1998) et Allah n’est pas obligé (2000) – sont autant de chefs-d’œuvre dans lesquels Kourouma raconte avec truculence et férocité les errements d’une histoire en devenir, n’hésitant pas à mettre en scène des personnages réels de dictateurs et de tortionnaires, à peine déguisés par le masque de la fiction.
Méditation sur la tragédie ivoirienne, Quand on refuse on dit non ne déroge guère à la règle. Ses 160 pages sont imprégnées de cette imagination subversive et jubilatoire qui a fait la réputation de Kourouma. Le roman se présente comme la suite du précédent ouvrage du romancier qui nous faisait vivre les horreurs de la guerre civile au Libéria et en Sierra Léone à travers les yeux aliénants et sans compassion d’un enfant-soldat. Birahima est de retour en Côte d’Ivoire où il exerce la fonction d’aboyeur de destinations pour un réseau de taxi-brousse. Il fréquente aussi une medersa pour apprendre à lire le Coran. Il tombe éperdument amoureux de la fille de son maître Fanta, « belle comme un masque gouro ». Quand celle-ci est contrainte de s’enfuir à Bouaké, après l’enlèvement de son père par les escadrons de la mort, Birahima décide de l’accompagner. Armé de sa kalach, il veille sur sa dulcinée. En contrepartie, celle-ci fait l’éducation du gamin, en lui racontant chemin faisant l’histoire de leur pays, des origines à la guerre civile. Birahima boit les paroles de sa belle maîtresse, tout en réinterprétant de façon naïve et malicieuse ses récits historiques de spoliation, de corruption et de volonté de puissance. Il y est aussi question de massacres et de charniers, point focal sur lequel la narration de l’enfant-soldat vient se buter et ne peut l’intégrer qu’en transformant l’indicible en dicible par le biais du ridicule, de l’exagération et du cynisme.
Le roman s’interrompt brutalement avec l’arrivée à Bouaké du couple Birahima/Fanta. Nous ne saurons jamais si leur marche dantesque à travers la « forêt obscure » de l’histoire aurait pu déboucher sur la vie et la fin du désespoir. Ahmadou Kourouma lui-même ne le savait sans doute pas !

Quand on refuse on dit non, par Ahmadou Kourouma. Ed. du Seuil, 160 p., 14 euros.

Tirthankar Chanda


Escale à Gorée pour Tanella Boni

(MFI) Gorée, au large de Dakar : l’île porte l’Histoire et il va de soi que les poètes y trouvent un lieu de mémoire fécond. Comme bien d’autres avant elle, l’Ivoirienne Tanella Boni y fait escale pour son dernier recueil de poèmes, Gorée, île baobab, publié dans une coédition franco-québécoise.
« Afrique en miniature sur la carte de la traversée », Gorée bruisse encore de la terrible rumeur si l’on veut bien prêter l’oreille. « île balafre », « île de veille », « île baobab », « île majesté », partout sur son sable et sur ses murs, il semble bien que le silence s’impose « car seul le silence est écriture à l’encre océane ». Mais le poète se doit de vaincre l’interdit et donner force et vie aux « mots briseurs de murs ». Tanella Boni ne cesse d’évoquer (d’invoquer...) le mot, l’écriture, la parole (« j’ai perdu la première parole / en instance de naissance ») et tente d’aller au-delà et d’inscrire son recueil à l’écoute de notre temps. Car à l’ombre des ruelles, sur les marches de l’escalier de la maison des esclaves ou sur la grève, il est aussi question de Bagdad, de l’Irak et de l’Afghanistan, de toutes les fureurs qui incendient le monde et font de l’Histoire un terrible bégaiement. Et nul doute, qu’au détour de bien des vers de ce recueil, ne s’entende aussi l’écho d’une autre tragédie, plus immédiate, celle qui, aujourd’hui, ensanglante le pays de l’écrivain.

Gorée, île baobab, par Tanella Boni. Ed. Le Bruit des autres/Écrits des forges, 110 pages, 10 euros.

Bernard Magnier


Au fil des revues

(MFI) « L’alliance de la pensée et de la parole dans la fluidité du chant », telle a été la réponse des plus grands littérateurs noirs à « la vieille peur malarméenne d’une quelconque suprématie de la musique sur la littérature », écrit Kangni Alem, écrivain de talent et coordonnateur du numéro 154 de Notre Librairie, consacré à la thématique des liens entre paroles et musique dans la littérature africaine. C’est un numéro très riche qui va au-delà de la figure stéréotypée du griot (« modèle suranné longtemps imposé aux créateurs du Sud » s’indigne Alem dans son éditorial), pour aller questionner des pratiques nouvelles. Celle de la musicalité inspirée du jazz chez le dramaturge ivoirien Koffi Kwahulé, celle des diseurs de vérité qu’ont été les chanteurs populaires modernes, d’Alpha Blondy à la génération dite du « Rap conscient », celle de la poésie chantée de la « maladalité » du Gabonais Akendengué. Sont convoqués aussi dans ces pages Senghor, Damas, Dongala, Michèle Rakotoson, Tati-Loutard, Francis Bebey. La vingtaine d’articles consacrés à ces auteurs connus et à d’autres moins connus, permettent de découvrir combien rythme, mélodie, tempo, syncope sont de véritables moteurs littéraires chez ces écrivains. Désormais, on ne lira plus la littérature africaine autrement qu’en concomitance avec « le rythme même du fleuve Congo, avec ses refrains et ses ressassements narratifs au long cours, avec ses digressions humoristiques en entrelacs luxuriants, avec ses secousses [...] en cataractes cataclysmiques bondissantes et indomptables », comme l’écrit Lye M. Yoka en parlant des romans de Sony Labou Tansi.
Le dernier numéro de la revue Africultures – n° 59 – s’attache, pour sa part, à jeter un éclairage utile sur le nouvel engagement de l’écrivain africain, en s’appuyant largement sur les travaux du Congrès des écrivains d’Afrique et de la diaspora organisés en novembre 2003 au Tchad, sous l’égide de l’association Fest’Africa. Il faut surtout lire dans cette livraison plutôt inégale, la brillante réponse que réserve Jean-Luc Raharimanana à ceux qui plaident pour la liberté de l’art : « Je suis parmi ceux qui pensent que l’écrivain africain ne peut décemment contourner cette question de l’engagement, car comment écrire, jouir simplement de l’écriture, du luxe que cela donne – liberté incomparable de celui qui construit un monde propre à lui – quand la matière même de cette écriture, la culture, la société africaine, est l’objet de toutes les oppressions, de toutes les pauvretés ? », affirme l’auteur de Rêves sous le linceul avec cette rage jouissive qui caractérise tous ses écrits.

« Paroles et musique ». Notre Librairie, 154, avril-juin 2004. Revue publiée par Association pour la diffusion de la pensée française (6, rue Ferrus, 75683 Paris Cedex 14). 157 pages, 10,50 euros.
« L’engagement de l’écrivain africain ». Africultures, 59, avril-juin 2004. Ed. L’Harmattan (5, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris). 247 pages, 22 euros.

T. C.


Plongée dans l’imaginaire des noms arabes

(MFI) Voici un ouvrage original. Son auteur, Jana Tamer, journaliste et spécialiste du Moyen Orient, nous entraîne au cœur de l’imaginaire oriental à travers une analyse érudite de la signification étymologique des noms arabes. Tamer prévient le lecteur dès la préface : elle n’est ni « linguiste, ni historienne » et c’est pourquoi ce livre ne contient pas d’analyse globale de tous les noms répertoriés. Seule sa « curiosité » pour le Moyen Orient l’a poussé à se documenter sur le sujet et à proposer ce dictionnaire des noms arabes.
« Au commencement de ma démarche, il y avait des noms ; des noms qui n’avaient pas de sens. Certains étaient très rares, d’autres très répandus. Ils semblaient arabes, “sonnaient” arabes, mais n’avaient pourtant aucun sens en arabe ». Le mystère sera éclairci lorsque, pour mieux comprendre les situations rencontrées au Moyen-Orient, Jana Tamer étudie le syriaque. L’étude de l’araméen et du perse par la suite lui permet de décrypter certains noms et ainsi de découvrir leur sens. Dans ce dictionnaire, où chaque nom arabe est donné avec sa version latine, sa prononciation, son histoire et enfin sa signification, on découvre la richesse de cette civilisation. Le Moyen-Orient ne peut être réduit à une langue unique, l’arabe, et à une seule religion, la foi musulmane. Situé au carrefour de cultures et de peuples, il constitue en réalité un espace plurilingue où s’épanouissent de multiples dialectes transmis à travers les migrations. L’auteur explique les différentes variantes des noms et leur étymologie par l’étude historique et sociale du monde arabe. Le lecteur fera des découvertes passionnantes : on apprend ainsi que le prénom Frida, version moderne de Farida, signifie une « perle de grand prix » qu’on peut associer avec le patronyme de l’artiste mexicaine Kahlo, qui désigne une personne aux « yeux bien noirs ». De même, le prénom Jihad signifie initialement « faire un effort », mais depuis qu’il désigne également la guerre sainte, ce prénom s’écrit avec un « g » pour éviter les confusions.
Ce livre est destiné aux curieux et aux amoureux du Moyen-Orient.

Dictionnaire étymologique. Les sources étonnantes des noms du monde arabe, par Jana Tamer. Ed. Maisonneuve & Larose, 407 p., 35 euros.

Christelle Seguin


Les mystères du pays Songhoï

(MFI) Depuis plusieurs années Michel Damblant, « ethnologue sans diplôme » selon sa propre définition, a choisi de vivre au Mali, et plus particulièrement en pays songhoï, ce territoire situé sur la boucle du Niger, là où le fleuve rencontre le désert et repart vers le Sud. Gao et Tombouctou sont les deux villes emblématiques de ces lieux, à la fois austères et d’une grande beauté, fascinants et désolés. Avec ses comparses maliens Moulaye Traoré et Ibrahim Miharata Maïga, il a conçu un livre, Mystères songhoï, qu’il illustre de dessins et aquarelles afin d’offrir un outil de découverte et de rencontre avec ce territoire et ses habitants.
Après une présentation géographique, historique et sociale, les auteurs offrent quelques entrées dans l’univers culturel songhoï avec une large place faite aux proverbes (« si le fleuve te dit de ne pas traverser, il ne t’empêche pas de retourner chez toi ») et aux contes, avant de plonger dans la géomancie, les phrases incantatoires, les formules secrètes, en un mot la magie et les « mystères songhoï ». Les illustrations viennent à propos dans un texte parfois brouillon qui aurait sans doute gagné à plus de rigueur. L’ensemble fait néanmoins de ce livre un ouvrage simple, accessible et sympathique, inscrit dans une opération plus vaste, modeste et ambitieuse, qui souhaite apporter un soutien au développement de cette région avec les bénéfices des ventes.

Mystères songhoï, par Michel Demblant. Ed. Addes,100 p., prix non communiqué.

B. M.


Kojo Tovalou, le dandy du panafricanisme

(MFI) Fondateur à Paris en 1924 d’une Ligue Universelle pour la Défense de la Race Noire, la LUDRN, amant de la célèbre actrice Cécile Sorel, ancien combattant blessé de la première guerre mondiale, descendant d’une illustre famille béninoise alliée à la dynastie royale d’Abomey, Kojo Tovalou Houenou est mort en prison à Dakar en 1936. L’ancien président Emile Derlin-Zinsou et l’historien Luc Zouménou, ses compatriotes, ont retracé la vie mouvementée de cet africain plutôt surdoué.
Après des études de droit et de médecine à Bordeaux, Tovalou s’engage dès 1914 dans l’armée française. En 1921, le « prince » Tovalou se rend aux États-Unis, au congrès de Universal Negro Improvement Association, le mouvement de Marcus Garvey, qui prône le retour en Afrique des noirs américains. A peu près en même temps que la LUDRN, Tovalou fonde un journal, Les Continents, où il s’attaque à un Africain couvert d’honneurs, le député Blaise Diagne, cheville ouvrière du recrutement des soldats africains dans l’armée française en 1918. Le journal accuse Diagne d’avoir « vendu » ses frères. Le parlementaire sénégalais gagne le procès en diffamation qu’il a immédiatement intenté au journal.
Les années qui suivent seront encore moins glorieuses pour Tovalou. De retour en Afrique, il est condamné en 1926 à Lomé pour un chèque sans provision, jugement cassé en appel. Devenu avocat, il gifle un confrère en plein tribunal à Cotonou en 1934 et écope de deux mois de prison. Incarcéré à Dakar, il meurt en détention en 1936. Ainsi se termine le parcours singulier d’un Africain brillant qui a fermement condamné les aspects les moins reluisants de la colonisation, comme le code de l’Indigénat, tout en proclamant son attachement indéfectible pour la France.

Kojo Tovalou Houenou, précurseur, 1887-1936 – pannégrisme et modernité, par Emile Derlon Zinsou & Luc Zoumenou. Ed. Maisonneuve & Larose, 239 p., 32 euros.

Claude Wauthier


Quels scénarios pour le « jour d’après » ?

(MFI) Cet ouvrage, élaboré par des experts réunis autour de l’association Futurs africains, qui a vu le jour en 1992 sur financement du Programme des Nations-unies pour le développement, se veut une réflexion objective sur ce que pourrait être l’avenir de l’Afrique subsaharienne. Il se subdivise en deux parties : une première, peignant la situation économique, politique et social du continent, et une seconde, composée de quatre scénarios pour les deux prochaines décennies.
La première partie d’Afrique 2025 dresse « un état des lieux sans complaisance » de la situation globale de l’Afrique contemporaine, préalable nécessaire à des analyses prospectives, à travers quatre chapitres concernant les hommes, l’économie, les sociétés et les pouvoirs. En effet, à l’aube du XXIe siècle, l’explosion démographique, l’urbanisation rapide, mais aussi le drame du sida, demeurent autant de défis dont la gestion ne manquera pas d’avoir des conséquences sur l’éducation et la vie économique et sociétale. Par ailleurs, quelles alternatives proposer à une Afrique en marge du processus de mondialisation, largement tributaire de l’économie de rente et qui subit les affres de l’endettement permanent ? Les auteurs se sont également penchés sur la « crise d’identité » dont souffrent les sociétés de l’Afrique du sud du Sahara, avec pour corollaire la montée de l’individualisme, au détriment du primat du collectif, et le rejet des traditions. Enfin, la fin de la bipolarité a isolé la scène africaine et les États voient souvent leur autorité battre en brèche face à la montée de la contestation. Cette crise de légitimité voit son intensité varier suivant les régions, mais elle a pu conduire à l’effondrement de l’État et à des situations de guerre.
A partir des hypothèses formulées dans l’état des lieux, les auteurs ont construit quatre scénarios exploratoires : « chacun de ces scénarios partira de la situation de l’Afrique au début du XXIe siècle pour aboutir à une image en 2025 et esquissera le chemin qui mènera de l’une à l’autre ». Les deux premiers sont des scénarios tendanciels, et ont été dénommés « les lions pris au piège », où l’Afrique est « pris au piège de la logique relationnelle dominante qui va à l’encontre de l’augmentation de la productivité » et « les lions faméliques », qui évoquent des Africains victimes de la logique de prédation, « en proie à la violence sur des terres sans lois, tenaillés par la faim, en proie à la pauvreté, errant au gré de chefs de guerre assoiffés de pouvoir et de nouvelles richesse à piller ». Les deux scénarios suivants sont plus optimistes et abordent la question d’une Afrique en voie de normalisation, eu égard aux autres continents. Ils ont donc été intitulés « les lions sortent de leur tanière », pour signifier « à la fois la sortie des Africains de leurs habitudes ancestrales et leur sortie du continent à la conquête de marchés nouveaux » et « les lions marquent leur territoire », scénario idéal où « les Africains ne sont plus en marge de l’histoire. Dans certains domaines, ils jouent même désormais un rôle de pionniers ».
Les auteurs de l’ouvrage adressent un avertissement aux responsables africains, « notamment les hommes politiques, les responsables d’ONG, les entrepreneurs, les leaders d’opinion, les chefs religieux » qui ont « à choisir leur voie et à prendre leurs responsabilités ». Puisse la voix de Cassandre, cette fois se faire entendre…

Afrique 2025. Quels futurs possibles pour l’Afrique au sud du Sahara ? Par Futurs africains, éd. Karthala, 200 p., 18 euros.

Fayçal Bouzennout


Un auteur à (re)découvrir
Dans l’univers singulier d’Ahmadou Kourouma


(MFI) Pendant trois décennies, Ahmadou Kourouma a dominé le paysage littéraire africain. La parution posthume, cet automne, de son nouveau roman, est l’occasion de découvrir ou redécouvrir ses précédents romans et de se replonger dans son univers singulier, stratégiquement situé au carrefour du traditionnel et du moderne. Tous les romans de Kourouma, résumés ici brièvement, sont disponibles en format poche.

Les Soleils des indépendances


(MFI)Un livre charnière dans l’histoire littéraire africaine. Un classique. La destinée de Fama, prince déchu, époux sans descendance qui, après avoir lutté contre la colonisation, attendait « quelques morceaux bien viandés » des indépendances. Mais rien ne vint si ce n’est une immense désillusion toute entière dans cette réplique : « Mais alors qu’apportèrent les indépendances ? Rien si ce n’est la carte d’identité et celle du parti unique ». Terrible constat exprimé dès 1968 par Ahmadou Kourouma qui a su recourir à une langue novatrice, en mêlant sa langue maternelle, le malinké, au français.

Le Seuil, 1968. Rééd. poche, coll. « Points », n° 166, 4,95 euros.


Monné, outrages et défis

(MFI)Djigui « roi des pays de Soba dans le Mandingue », après avoir tenté une résistance aux Nazaréens de Faidherbe accepte le « monné »,l’outrage et devient l’infortuné complice de la colonisation. Survivant à ces humiliations et bientôt centenaire, il conservera le pouvoir jusqu’à ce que « l’enfant sorti de sa ceinture » le conduise à une ultime et vaine rébellion. Une savoureuse leçon d’histoire que le romancier prend soin de confier à un griot « diseur de vérité ».

Le Seuil, 1990. Rééd. poche, coll. « Points », n° 556, 5,95 euros.


En attendant le vote des bêtes sauvages

(MFI)Bingo le griot louangeur et Tiécoro le saltimbanque, deux personnages doués de la force de la parole et bénéficiant d’une sorte d’immunité due à leurs fonctions, entreprennent de dresser une extraordinaire et tragique galerie de portraits de dictateurs, tyranneaux, potentats et despotes africains de divers acabits. Sans jamais nommer ses cibles qui appartiennent à l’histoire récente (et pour certains sont encore en activité) mais en faisant en sorte que ceux-ci soient aisément identifiables, Kourouma dénonce les turpitudes et les dérives meurtrières, en recourant à la force de l’humour pour mieux dire la félonie de ceux qu’il a choisi de stigmatiser. Ce troisième roman a connu la consécration auprès d’un large public occidental, en obtenant le Prix Tropiques, le grand Prix de la Société des Gens de Lettres et le Prix du livre Inter.

Le Seuil, 1998. Rééd. poche, coll. « Points », n° 762, 7,50 euros.


Allah n’est pas obligé

(MFI)Accompagné de Yacouba, un « vrai grand quelqu’un », féticheur et « multiplicateur de billets », Birahima, un petit orphelin en déroute est emporté dans la débâcle des conflits du Liberia et de la Sierra Leone. Il vit et subit toutes les horreurs de la guerre et toutes les monstruosités qui l’accompagnent. Rien ne lui sera épargné et, de ses 10 ou 12 ans (sa mère et sa grand-mère ne sont pas d’accord !), il ne cesse de côtoyer la mort quand il ne la provoque pas lui-même, jouant à tuer, avec une kalachnikov en guise de game-boy, comme d’autres, au même âge, jouent au football ou aux billes. Birahima voit mourir ses jeunes compagnons d’arme et apprend bien vite que « les animaux traitent mieux les blessés que les hommes » et que, dans un tel monde, la vie « ne vaut pas le pet d’une vieille grand-mère »...
Au terme de sa descente aux enfers et nanti d’un superbe butin constitué de quatre dictionnaires, Birahima entreprend de conter son aventure « avec les mots savants français de français, toubab, colon, colonialiste et raciste, les gros mots d’africain noir, nègre, sauvage, et les mots de nègre de salopard de pidgin ». Ce roman a obtenu le prix Renaudot en 2000.

Le Seuil, 2000. Rééd. poche, coll. « Points », n° 940, 6,6 euros.

B. M.




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