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01/10/2004
Les chanteurs africains au cœur du débat politique

(MFI) Sur un continent où l’oralité prime, les chanteurs sont souvent des leaders d’opinion. Marquant de leur influence une jeunesse nombreuse et souvent désillusionnée, ces tribuns s’affrontent aussi bien sur les scènes artistiques que politiques. Certains franchissent même le pas et militent ouvertement pour des partis qui cherchent leurs marques dans un paysage politique souvent chaotique.

Chantres d’une jeunesse nombreuse et désœuvrée, les chanteurs possèdent en Afrique un pouvoir immense. Véhicules des idées qui agitent les démocraties fragiles ou les nations en guerre, ils ont plus que les écrivains le pouvoir d’influencer et même d’embraser les opinions. A l’occasion du FESPAM 2001, Werrason paradait dans les rues de Kinshasa juché sur un char et entouré d’une foule immense. Demi-dieu dans son pays natal, ce roi Ubu du ndombolo cultive un culte caricatural de la personnalité. Dans cette surenchère médiatique qui démontre le pouvoir d’influence des idoles sur une jeunesse en mal d’icônes, J.B. MPiana, son rival, n’est pas en reste. La polémique fait partie du jeu médiatique et se traduit par des insultes et des démonstrations de force par fan clubs interposés (ils se comptent par centaines dans la seule ville de Kinshasa). Ainsi, un critique musical qui invitait Werrason à plus de modestie a vu sa maison dévastée par 500 jeunes armés de barres de fer et doit aujourd’hui se déplacer avec deux gardes du corps, dans une voiture aux vitres fumées. Cet incident qui pourrait n’être qu’anecdotique se révèle beaucoup plus inquiétant lorsqu’on découvre que ces deux artistes se servent de leur pouvoir auprès de la jeunesse pour influencer la scène politique nationale. Comme leurs aînés (Joseph Kabasele et Tabu Ley étaient des proches de Patrice Lumumba tandis que Franco militait pour Mobutu), les artistes du ndombolo ont en effet pris fait et cause pour les différents partis de RDC : Werrason soutient Joseph Kabila et a même été sollicité en juin dernier pour calmer la rue lors des émeutes anti-Onu tandis que J.B. Mpiana est soutenu par le Mouvement de Libération du Congo, un ancien groupe rebelle intégré au gouvernement de transition. Las, les artistes du Congo Kinshasa ne sont pas, loin s’en faut, des artisans de la paix : malgré la présence de 2000 casques bleus, la Mission de l’Onu au Congo a renoncé à organiser voici quelques mois un concert de la paix qui devait réunir les artistes rivaux.

Reggae ivoirien : démocratie et unité nationale

On en est loin en Côte d’Ivoire où, hormis quelques rares cas (le doyen Amédée Pierre qui a alimenté la polémique nationaliste), les stars du reggae militent activement pour la démocratie. Dénonçant le caractère « anti-constitutionnel » de la constitution adoptée sous un régime militaire issu d’un coup d’Etat, Alpha Blondy en soulignait les dangers à l’occasion de la sortie de son album Merci, au début de l’année 2002. Et en réponse aux dérives ivoiritaires de « ceux qui se sont acharnés à me coller, à cause de mon nom, une étiquette d’appartenance », l’artiste prenait alors ponctuellement sa carte du Rassemblement des Républicains, le parti d’Alassane Ouattara, pour mieux affirmer sa défense de la liberté d’opinion : « Je suis du RDR et ce n’est pas un délit. Et ce n’est pas parce que je suis au RDR que je perds mon œil critique ». Une affirmation que confirment nombre de ses textes dont « Le feu », sur le même Merci : « Vous jouez avec le feu… vos querelles sempiternelles font la louange de la géhenne… avec vos querelles personnelles, vous nous éclaboussez de votre haine… vous vous trompez de guerre parce que vous vous trompez d’adversaire. » S’il milite également pour la démocratie, son rival Tiken Jah Fakoly ne partage pas ses positions : « Beaucoup de partis me reprochent de ne pas les soutenir mais Laurent Gbagbo m’a déçu, donc j’ai décidé de ne plus faire de militantisme ». Sceptique quant au pouvoir d’influence des artistes (« Fakoly n’aurait pu éviter aucun crime, aucun viol, aucune folie »), le reggaeman ivoirien, défenseur de la démocratie et du progrès, sortait en 2000 l’album Cours d’histoire, appelant à l’unité du peuple ivoirien, toutes origines confondues.

Quand les chantres de l’indépendance dénoncent les héros politiques d’hier

Nombreux sont les artistes sollicités par les partis politiques qui refusent de prendre position, soucieux de préserver leur indépendance. Une attitude qui ne fut pas celle des artistes des ex-pays marxistes, où le soutien aux partis politiques fut longtemps un devoir national. Quelques décennies plus tard, les dérives politiques ont contraint ces artistes « quasi officiels » à prendre leurs distances face aux pouvoirs qu’ils ont si ardemment défendu. Avec son titre « Shumba », qui parlait des dangers de s’aventurer dans la jungle (une allusion aux combats menés par les deux grands mouvements de guérilla du Zimbabwe, le ZANU et le ZAPU), Thomas Mapfumo hissa le chimurenga au rang de musique officielle. Ses nombreux séjours en prison avant l’indépendance du pays (survenue en 1980) firent de lui un héros national et lui valurent d’animer à Harare, en compagnie de Bob Marley, le concert de l’indépendance, qui saluait la liberté retrouvée. Vingt ans après, Corruption (1989) et Chamunorwa (1990), deux albums dénonçant les dérives du régime de Robert Mugabe, ont consacré le divorce entre les deux hommes. Mais si Thomas Mapfumo a pris ses distances avec l’actuel président, il émet également des réserves sur Morgan Tsvangirai, leader du Movement for Democratic Change : « On ne sait jamais avec ces politiciens. On ne peut pas leur faire confiance. Morgan Tsvangirai va peut-être changer, comme Mugabe. »

Sylvie Clerfeuille

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