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07/01/2005
Chronique Livres

L'essentiel d'un livre
Le sida en 21 nouvelles

(MFI) La grande dame des lettres sud-africaines a convaincu ses pairs du monde littéraire d’écrire une nouvelle au bénéfice des associations sud-africaines de lutte contre le sida.


La parution de Telling Tales (« Raconter des histoires »), un recueil de 21 nouvelles sous la plume de quelques uns des écrivains mondiaux les plus talentueux de notre temps (parmi lesquels Gabriel Garcia Marquez, Chinua Achebe, Salman Rushdie, Kenzaburo Oe, Susan Sontag, Günter Grass, Arthur Miller) dont les bénéfices et les droits d’auteur serviront à financer la lutte contre le sida en Afrique du sud, fut sans doute un des événements littéraires les plus significatifs de l’année écoulée. Ce volume dont le lancement a coïncidé avec les commémorations de la Journée mondiale contre le sida (le 02 décembre) est né de l’initiative de l’écrivaine sud-africaine Nadine Gordimer. Prix Nobel de littérature 1991, Gordimer qui s’est distinguée par sa fiction engagée et militante souhaitait mobiliser les écrivains contre la pandémie du sida. S’inspirant de l’action menée par les chanteurs et les musiciens (notamment Geldof et Bono de U2) pour récolter des fonds, l’auteure du Conservateur et du Feu monde bourgeois a pris sa plus belle plume pour demander aux vingt auteurs internationaux qu’elle admire le plus d’écrire bénévolement une nouvelle. Tous ont répondu favorablement à l’appel, rendant possible ce beau geste de solidarité universelle, inédit dans le domaine littéraire jusqu’ici.
Mais, comme le rappelle Gordimer dans le texte liminaire de Telling Tales, l’intérêt de cette anthologie réside aussi, et peut-être avant tout, dans l’opportunité qu’elle donne aux aficionados des récits et des belles histoires de confronter en l’espace d’un seul volume une extraordinaire variété de sensibilités et de voix représentatives de la fiction contemporaine. « Nous avons rarement eu l’opportunité, écrit-elle, de voir réunis en une seule anthologie des écrivains mondiaux aussi variés et aussi distingués. Leurs récits révèlent un vaste éventail d’émotions et de situations propres à notre univers humain : tragédie, comédie, fantaisie, satire, drames de l’amour physique et de la guerre, campés dans des continents et des cultures diverses. (...) Les 21 nouvelles que compte cette anthologie sont racontées par des “voix” différentes les unes des autres, dans des styles très personnels ».
Chose intéressante, aucune de ces nouvelles ne porte directement sur le drame du sida. Mais le thème de la mort est omniprésent dans ce recueil, comme le suggèrent quelques-uns des titres : « Constance de la mort au-delà de l’amour » de Marquez, « Le voyage vers la mort » de l’Américain John Updike, « La mort d’un fils » du Sud-africain Ndebele. Or sous la plume de ces écrivains talentueux, la mort apparaît moins comme une épreuve que comme l’aboutissement de vies vécue dans leur plénitude. Elles sont racontées avec des accents baroques comme dans le très beau récit d’amour et de corruption de Marquez ou dans un style plus social-réaliste comme dans les nouvelles de Ndebele ou d’Updike.
Le volume se clôt sur deux récits, sans doute les plus émouvants de cette collection : « Le dernier safari » de Gordimer et une nouvelle lyrique du japonais Kenzaburo Oe, intitulée « Les enfants abandonnés de cette planète ». Deux textes dont les principaux protagonistes sont des enfants, sans doute une allusions à la situation des millions d’enfants rendus orphelins par le sida. Mais Gordimer comme Oe, puisant qui dans la légende, qui dans les ressources de l’esprit humain, parviennent à transformer la désolation en un chant d’espoir. Espoir d’un monde renouvelé et solidaire qui relie les vingt-et-un instantanés de ce recueil original.

Telling Tales. Nouvelles réunies par Nadine Gordimer. Picador, 303 p. 14 $.

Tirthankar Chanda


Trois poètes font le printemps

(MFI) Parmi les multiples initiatives organisées en France, en 2004, par le Printemps des poètes, il en est une qui a rendu possible la publication de trois volumes de poésie ayant pour thème l’espoir. Le choix thématique est loin d’être innocent lorsque l’on sait que les trois poètes invités sont originaires de trois lieux du monde qui traversent ou viennent de traverser des moments particulièrement troubles de leur histoire : la Côte d’ivoire avec Tanella Boni (Ma peau est fenêtre d’avenir), Madagascar avec Nestor Rabearizafy (La Sève des jours) et Haïti avec Fils-Lien Ely Thélot (Ton rire est une aube inconnue). Tous trois ont participé à une résidence d’auteurs et à une lecture-spectacle de leurs textes, « Voix proches au loin », présentée à La Rochelle puis à Paris. Heureuse initiative qui offre une confrontation des espaces et une complémentarité des générations et des voix.
Écrivain déjà reconnu, Tanella Boni en appelle à un « demain » qui « promène l’espérance sur les lignes de la main » et choisit de s’adresser à un « tu » qui, au-delà du factuel, peut être entendu par tout lecteur. C’est en revanche avec un « je » volontiers martelé que le plus jeune des trois, Fils-Lien Ely Thélot, né en Haïti en 1976, mêle en une même douleur les déchirements intimes et les blessures de l’Autre. Et c’est au cœur d’une nature complice que le Malgache Nestor Rabearizafy trouve le réconfort et l’espoir en des textes qui alternent vers lapidaires et prose, jouant volontiers de la rime et de l’assonance, à l’instar de cette « pulpe consentante des mangues odorantes ».

Ma peau est fenêtre d’avenir, par Tanella Boni. La Sève des jours, par Nestor Rabearizafy. Ton rire est une aube inconnue, par Fils-Lien Ely Thélot. Editions Rumeur des âges, 54 p., chaque volume 10 euros.

Bernard Magnier


L’enfer des tirailleurs

(MFI) Ils n’étaient pas tous sénégalais mais ils étaient tous tirailleurs et souvent en première ligne... Injustement oubliés, ils furent pourtant nombreux à venir du Sénégal, de Haute-Volta ou de Guinée pour combattre, dans l’est de la France, l’occupant allemand durant la première guerre mondiale. Les cimetières en témoignent.
Déjà en 1983, le Sénégalo-malien Doumbi-Fakoly avait écrit un roman, Morts pour la France (Karthala) qui s’inspirait directement de leur tragédie. Aujourd’hui, Yves Pinguilly, dont on sait que l’oeuvre doit beaucoup au continent africain, s’est attaché à retracer la destinée de l’un de ces combattants dans un petit livre destiné aux jeunes lecteurs : Verdun 1916 : un tirailleur en enfer.
Tierno, jeune Guinéen, a eu la chance d’aller jusqu’à Dakar afin de poursuivre ses études mais, hélas pour lui, la guerre survient en Europe et il se retrouve, avec quelques autres compagnons d’infortune, parmi lesquels Aboubacar dont il deviendra l’ami, embarqué vers un autre apprentissage, celui de la guerre et de ses horreurs. Tierno le Peulh et Aboubacar le Soussou vont alors participer à ce conflit qui ne les concerne pas, devoir supporter le froid, la maladie ou plus encore la bêtise ordinaire, côtoyer le courage et la lâcheté ou connaître la mort, découvrir aussi quelques élans de fraternité, et peut-être surtout apprendre que face à la peur et à la mort les hommes, noirs ou blancs, se ressemblent.
Un petit livre documenté, habilement construit qui souvent sonne juste et permet de lever un morceau de la redingote de ces étranges poilus d’outre-mer.

Verdun 1916 : un tirailleur en enfer, par Yves Pinguilly. Editions Nathan, 140 p., 5 euros.


B. M.


Le Nigeria des années 90 au miroir de la nouvelle fiction anglophone

(MFI) Lagos, Nigeria, dans les années 90. Aux commandes du pays (de 1993 à 1998), le général Abacha, dictateur impitoyable, fait régner la terreur sous son régime inique et arbitraire. Dans la « cité du diable », l’autre nom de la capitale nigériane, la vie est marquée par la peur et la violence. Lomba, le héros, en sait quelque chose. Journaliste, il croupit en prison depuis deux ans pour avoir couvert une manifestation pourtant pacifique. Il survit cependant, grâce à un bout de crayon et du mauvais papier qui lui permettent d’écrire toutes sortes de choses, son journal, des lettres (qu’il n’envoie pas), des poèmes d’amour. Mais il est repéré et dénoncé. Et risque le pire. Car un détenu politique n’a pas le droit d’écrire. Heureusement son talent le sauve. Le directeur de la prison lui propose un marché. Épris d’une institutrice, il demande à Lomba d’écrire pour lui des poèmes à sa belle. Le jeune homme accepte bien sûr mais ne sera pas libéré pour autant. Le sera-t-il ? On n’en saura pas plus, concernant Lomba. En tout cas du fait divers, vrai, vécu, dont il est le protagoniste, et utilisé par Helon Habila, comme prétexte au roman.
A partir de là, commence pour le personnage Lomba, le retour sur son passé. Il revisite les événements de sa vie et les personnages qui l’ont peuplée. Bola, son meilleur ami devenu fou, Alice son bel amour perdu contrainte de se prostituer pour sauver les siens, James, le rédacteur en chef de son journal, le révolutionnaire menacé, qui refuse de quitter son pays et ses compagnons… Autant de personnages et bien d’autres, résignés ou rebelles, sombres, parfois désespérés, tous liés par la nécessité de se colleter avec la misère et l’oppression, dans le chaos infernal de l’univers nigérian.
Avec ce premier roman, d’une force tragique et poétique étonnante, à la structure très originale, le Nigérian Helon Habila, 36 ans, se place d’emblée parmi les grands écrivains du continent africain, digne héritier des Wole Soyinka et Ken Saro-Wiwa. A Londres, son ouvrage a reçu le prestigieux prix Caine.

En attendant un ange, par Helon Habila. Editions Actes Sud, 274 p., 22,90 euros.

Elisabeth Nicolini


Mal de mère

(MFI) Djamila, une jeune fille algérienne que sa mère rêve libre et émancipée, au contraire d’elle-même, est surprise dans un jardin public par son père en galante compagnie. Aussitôt, le mariage forcé se profile. La mère qui ignore tout de la trahison de sa fille tentera un moment de prendre sa défense puis, ayant appris la vérité, se montrera la plus cruelle et la plus acharnée à sa perte. Coupable d’avoir déçu ses espoirs et de l’avoir ramenée à ses propres échecs, l’adolescente ne sera plus pour la mère qu’un exutoire sans fin. Pour cette femme condamnée aux grossesses, fausses couches, humiliations du père et tâches ménagères, la faute de la fille sonne le glas d’une possible revanche. La mère, qui a pris part à la guerre d’indépendance comme « agent de liaison », n’a jamais fait le deuil des études promises par les hommes du maquis. Sans illusion sur son propre sort, cette femme humiliée a cru pourvoir faire de la réussite de sa fille son propre triomphe. La faute de la gamine et son échec à l’examen d’entrée en sixième réduiront ses espérances à néant.
Leïla Marouane, écrivain algérien vivant en France, signe ici son quatrième roman. Ce court récit écrit à la première personne, évoque le terrible été d’une adolescente porteuse des espoirs et de la faute de générations de femmes musulmanes avant elle. Si chacune nourrit secrètement la volonté d’une vie meilleure, le prix à payer, renoncer à être une femme, à aimer, à enfanter, est encore trop élevé. Une œuvre sensible et cruelle.

La jeune fille et la mère, par Leïla Marouane, Editions Seuil, 177 p., 15 euros.

Geneviève Fidani


L’espoir en dépit du malheur

(MFI) Dans un monde arabe secoué par les guerres, écrasé par les dictatures et menacé par l’islamisme radical, l’espoir d’un renouveau est encore permis. C’est en tous cas ce que veut croire l’historien Samir Kassir. Avec une plume acérée, ce Libanais – qui se définit comme « un Arabe du Machrek, laïc, acculturé et même occidentalisé » – dresse pourtant un tableau sombre de la société arabe, incapable selon lui de se détourner de la nostalgie d’un « âge d’or » qui n’a eu d’équivalent que celui de l’empire romain. Une société, dit-il, qui se complaît dans le malheur et qui se satisfait de son statut de victime érigé en dogme. Cependant, rappelle Samir Kassir, l’histoire arabe ne s’est pas arrêtée à l’ère abbasside. Bien au contraire, elle n’a cessé au cours des siècles de s’écrire dans le champ politique, à travers des réformes économiques et sociales mais également et surtout par le biais de la littérature et celui des arts. Sans prétendre apporter un remède miracle au malheur arabe, Samir Kassir invite ses compatriotes à redécouvrir leur histoire récente qui, même aux heures les plus sombres du 20e siècle, a toujours cherché à s’inscrire dans la modernité et le renouveau. Et il les met clairement en garde contre l’illusion d’une renaissance défendue par l’islamisme radical « qui ne perçoit plus l’histoire du monde que comme une menace permanente contre soi ». Une renaissance qui, pour le malheur du monde, ne se définit que dans l’affrontement avec l’Occident.

Considérations sur le malheur arabe, par Samir Kassir. Editions Actes Sud, « Sindbad », 102 p., 10 euros.

Mounia Daoudi


Appel à la mémoire

(MFI) Parce que le traumatisme de la guerre d’Algérie n’en finit pas d’empoisonner les relations entre la France et son ancienne colonie, parce que le poids des silences accumulés depuis plus de quarante ans étouffe toute possibilité de réconciliation véritable, une douzaine de personnalités avaient lancé en 2000 un appel à l’Etat français lui demandant la reconnaissance officielle de la torture pratiquée par ses soldats pendant le conflit. A l’occasion du cinquantième anniversaire du déclenchement de l’insurrection algérienne, « l’Appel des Douze », présenté par le journaliste Charles Sylvestre, et enrichi d’entretiens et de correspondances avec Jacques Chirac, Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement et Robert Hue, est relancé par les éditions Le Diable Vauvert sous la forme d’un ouvrage court mais indispensable La torture aux aveux.
Henri Alleg, Josette Audin, Simone de Bollardière, Nicole Dreyfus, Noël Favrelière, Gisèle Halimi, Alban Liechti, Madeleine Rebérioux, Laurent Schwartz (aujourd’hui décédé), Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet questionnent une histoire dont les trop nombreuses zones d’ombre continuent d’hypothéquer non seulement l’avenir des relations franco-algériennes, mais aussi la réconciliation entre adversaires au sein d’un même pays. A l’heure où la torture continue de faire parler d’elle en Irak ou ailleurs, il était salutaire d’interpeller, une nouvelle fois, l’Etat français sur ses responsabilités dans ce conflit.

La torture aux aveux, Collectif. Editions Le Diable Vauvert, 110 pages, 10 euros.

G. F.


Us et coutumes peuls

(MFI) Parce qu’un individu ne peut se structurer de façon satisfaisante qu’au sein d’un groupe qui l’accompagne de la naissance à la mort, chaque société, peuple ou ethnie invente des usages qui lui sont propres et se transmettent d’une génération à l’autre. Bios Diallo, chercheur et journaliste mauritanien, a choisi de se pencher sur la culture traditionnelle de son ethnie d’origine : les Peuls. Suivre l’individu de la naissance au mariage au travers de toutes les étapes initiatiques et des grands événements de la vie, c’est le voyage auquel nous convie son petit livre De la naissance au mariage chez les Peuls de Mauritanie. Autant le dire tout de suite, le parcours est aussi réjouissant qu’érudit. L’univers culturel des Peuls y est décrit avec minutie et le lecteur suit avec enthousiasme les préparatifs des fêtes organisées dans les grandes occasions. On s’intéressera également aux structures d’une société où les aînés transmettent aux plus jeunes et où l’éducation d’un enfant n’est pas de la seule responsabilité de ses parents mais de l’ensemble du groupe. Bios Diallo évoque aussi le nomadisme, l’habitat et les rapports que les hommes entretiennent avec leur bétail pour aider le lecteur à comprendre les fondements de la culture peule. L’auteur, qui appartient à une génération encore respectueuse des coutumes, signale enfin que celles-ci sont en cours de disparition du fait de l’acculturation subie par les Peuls. « Ce qu’on nomme modernisme, déplore-t-il, n’est rien d’autre que l’acceptation d’une situation nouvelle face à laquelle on se sent impuissant. »

De la naissance au mariage chez les Peuls de Mauritanie, par Bios Diallo, Editions Karthala, 125 pages, prix non communiqué.

G. F.


Un auteur à découvrir

De si fortes lettres

(MFI) Une nouvelle génération d’écrivains femmes a pris d’assaut la forteresse de la littérature africaine francophone. La force et l’originalité dont témoignent leurs écrits font d’elles de dignes héritières des Mariama Bâ et des Aminata Sow Fall.


A la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, trois femmes, toutes trois sénégalaises, faisaient une entrée tout aussi remarquable que remarquée dans la jusqu’alors très masculine bibliothèque des littératures africaines francophones. Aminata Sow Fall, Mariama Bâ et Ken Bugul faisaient ainsi figures de pionnières. Derrière elles, Calixthe Beyala, Véronique Tadjo, Tanella Boni, Werewere Liking et quelques autres vinrent, plus tard, compléter cette avant-garde. Si ces dernières ont, depuis, enrichi leurs oeuvres, des voix nouvelles se sont faites lire et pour chacune il s’agissait de saisir un phénomène grave de société, de crier haut et fort une dénonciation, d’initier ou de poursuivre un combat.
L’Ivoirienne Fatou Keita s’est élevée avec force contre la pratique de l’excision. Son roman Rebelle (Présence africaine / NEI) en témoigne et son héroïne, ayant échappé à cette mutilation, doit mener un combat âpre pour faire entendre sa... divergence. La Sénégalaise Abibatou Traoré, dans son premier roman Sidagamies (Présence Africaine), s’est, comme le titre l’indique explicitement, livrée à la double dénonciation des ravages du fléau et du rôle néfaste de la polygamie dans la propagation de la maladie.
Si la Guinéenne Mariama Barry avec La petite Peule (Seghers) et, dans un registre plus politique, la Congolaise Mambou Aimée Gnali avec Beto na beto, le poids de la tribu (Gallimard) explorent le registre de l’autobiographie, la jeune Franco-Burkinabé Sarah Bouyain, observe, pour sa part, avec distanciation, le monde métis auquel elle appartient dans Métisse façon (La Chambre d’échos), un recueil de nouvelles dont les intrigues, vécues tant en Afrique qu’en Europe, disent le « mal de n’être pas deux » et dénoncent l’exclusion, ce qu’avait déjà fait, en situant son livre à l’époque de la colonisation, la Burkinabé Monique Ilboudo avec Le Mal de peau (Le Serpent à plumes).
Depuis l’Europe, Bessora, née en Belgique d’un père gabonais et d’une mère suisse et vivant à Paris, évoque, dans 53 cm (Le Serpent à plumes), les tribulations, tristes et cocasses, d’une jeune mère africaine et de sa petite fille dans les bureaux des administrations susceptibles de lui fournir une carte de séjour en France. Jeune étudiante camerounaise, Nathalie Etoké offre, avec Un amour sans papiers (Cultures croisées) une plongée dans les difficultés d’une jeune africaine issue d’un milieu privilégié, poursuivant ses études en France et vivant un amour difficile avec un Malien « sans papiers ». La Sénégalaise Aminata Zaaria a choisi, pour sa part, de décrire la dérive de deux jeunes dakaroises qui, face aux difficultés de la vie et aux rejets dont elle sont les victimes dans leur famille, choisissent les mirages de la séduction et l’apparente facilité, en bravant les interdits et les barrières morales, dans La nuit est tombée sur Dakar (Grasset), tandis que la Guinéenne Binta Ann avec Le mariage par colis (L’Harmattan) dénonce les mariages arrangés et autres tractations matrimoniales.
Si l’on doit ajouter la participation de Véronique Tadjo avec L’ombre d’Imana (Actes Sud) et de Monique Ilboudo avec Murekatete (Le Figuier) à l’opération « Rwanda : écrire par devoir de mémoire », ainsi que les bouleversants témoignages, La mort ne veut pas de moi et N’aie pas peur de savoir (J’ai lu) de la Rwandaise Yolande Mukagasana, on s’aperçoit que ce sont des sujets d’une extrême gravité qui sont abordés par ces voix féminines. Ces propos francophones trouvent, en cela, échos et connivences dans ceux tenus par d’autres femmes venues d’autres lieux et d’autres langues du continent : la Nigériane Buchi Emecheta, les Sud-Africaines Antjie Krog et Marlène Van Niekerk, la Soudanaise Leïla Aboulela ou la Zimbabwéenne Yvonne Vera, parmi d’autres. Il est enfin à noter que plusieurs de ces romancières, à l’instar de Véronique Tadjo et de Fatou Keita, ont choisi d’investir le domaine du livre de jeunesse. Une autre façon d’inscrire, sur le long terme, la place de la littérature et, singulièrement, le rôle des femmes dans son développement.

B. M.




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