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04/02/2005
Quand les savoirs s’échangent

(MFI) Plusieurs dizaines de milliers de personnes apprennent une langue étrangère, se forment à l’informatique ou à un art sans dépenser un sou. Ils font partie des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs (RERS). Le mouvement s’agrandit tous les jours.

Un dimanche, place Torcy dans le 18e arrondissement de Paris… Simone attend impatiemment Jean-Yves. Ils ne se connaissent pas, mais se sont donné rendez-vous pour un échange… un échange de savoirs. Simone veut se former à l’informatique bureautique et elle sait que Jean-Yves peut le lui apprendre. Tous deux sont membres du Réseau d’Echanges Réciproques de Savoirs (RERS), une structure de « troc » des connaissances. Au sein du réseau, Simone offre un soutien scolaire, ou encore propose « balade dans Paris et tricot ». Jean-Yves maîtrise l’informatique – il est consultant dans ce domaine – mais recherche des cours de cuisine et voudrait apprendre la langue des signes. Le dialogue s’installe. Simone 58 ans, n’a jamais eu l’occasion d’apprendre l’informatique et en plus elle n’a pas d’ordinateur chez elle. « J’en ai un, rassure Jean-Yves, et dans un premier temps, l’échange peut se faire chez moi ». Rendez-vous est pris, les coordonnées sont échangées. Une fiche est remplie par chaque personne : le demandeur, Simone ; l’offreur, Jean-Yves ; et le médiateur, Claude Crindal, qui a assisté discrètement à l’entretien. C’est lui, le président du réseau du 18e arrondissement, qui assurera le suivi de ces échanges : « Si vous avez un problème, vous m’appelez, dit Claude, sinon je vous contacterai dans un mois pour voir où vous en êtes. »
Comme Simone et Jean-Yves, 100 000 personnes dans le monde échangent un savoir ou un savoir-faire sans aucune récompense matérielle. « Chaque personne a un savoir à transmettre et est désireuse d’apprendre un autre savoir qui lui manque, explique Claude Crindal. Le principe est de mettre ces gens en relation. La réciprocité est dans le savoir et non pas dans l’échange : X enseigne à Y le hindi qui enseigne à Z la cuisine qui lui-même enseigne les maths à A qui enseigne à X de jouer au piano et ainsi de suite. »
Chacun met donc son ou ses savoirs dans un panier, et en prend d’autres. Le panier est en l’occurrence celui des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs (RERS). On y trouve tout : de l’animation d’un café de philosophie au toilettage de chiens ; de la physique nucléaire à la cuisine malgache ; du soutien scolaire à la maçonnerie et la décoration ; de l’art du chant à la comptabilité ; et aussi la danse, le dessin, le dressage des animaux, la généalogie, la gestion, le marketing, la fabrication des bijoux, l’atelier d’écriture… Au palmarès des demandes, figurent en tête les langues étrangères et l’informatique.


Voyager sans se déplacer

Des réunions inter réseaux sont organisées pour élargir le champ des échanges. Ces réunions ne sont pas seulement une bourse d’échange des offres et des demandes venant de différents réseaux. Elles donnent à leurs représentants l’occasion d’échanger aussi leurs expériences et d’évoquer leurs difficultés. « Dans mon réseau, il y a une majorité d’immigrés, raconte Christiane Coulon, coordinatrice des réseaux de Clichy-sous-Bois et Montfermeil. La plupart des membres sont des femmes musulmanes. Elles aiment se réunir dans des ateliers et y échanger leurs savoirs. Lorsque nous avons admis un homme intéressé par la cuisine, dans un atelier, une femme est aussitôt repartie en protestant. La séance suivante, le nombre des participantes était divisé par deux. Alors nous avons compris que, dans les groupes de travail, on ne pouvait pas mélanger les femmes et les hommes. » Dans ce réseau, une bonne moitié des membres est d’origine étrangère et ne maîtrise pas très bien le français. L’autre moitié est composée de retraités souvent curieux de toutes les cultures et de tout ce qui leur est inconnu. « Il faut donc savoir s’adapter à son environnement. » C’est pourquoi les réseaux de Clichy-sous-Bois et Montfermeil ont monté des groupes de marche à pied dans lesquels « les étrangers pratiquent le français et les Français se familiarisent avec d’autres cultures ». L’apprentissage par les RERS, offre donc de la convivialité et pour beaucoup, c’est l’essentiel de la demande.

Tous au même niveau

Le premier réseau d’échanges réciproques de savoirs a été conçu par un couple, Claire et Marc Héber-Suffrin, au début des années soixante-dix dans une école d’Orly. L’objectif était de créer du lien social pour favoriser la réussite scolaire. On compte aujourd’hui 600 à 700 réseaux dans le monde, de l’Europe à l’Amérique, et même jusque dans un camp de réfugiés rwandais au Burundi…
Chaque réseau est différent et fonctionne selon son statut propre. « Ces réseaux peuvent être des associations loi 1901 ou des groupements informels », explique Jean-Yves Caroff, membre du conseil d’administration du Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs (MRERS). Le seul rôle du Mouvement est, selon lui de « favoriser les échanges entre réseaux, faire circuler les informations dans les réseaux et faciliter la synergie ». Pour en faire partie, rien n’est plus simple : « il faut se faire connaître comme un réseau d’échange de savoirs ; connaître la charte du Mouvement et se mettre en relation avec les autres réseaux ».
D’autres associations et groupements d’échanges existent en France. Il y a dix ans naissaient, en Ariège, les SEL (Système d’échange local) et en 1997 sa deuxième génération, les SELT (Système d’échange local au temps), a vu le jour. Il s’agit d’un système multi-troc dans lequel chaque participant choisit la valeur de ses interventions et dispose d’un nombre de crédit et dans lesquels on échange aussi bien du savoir que des biens et des services. « Toute rémunération ou service sont interdits chez nous. Nous on n’échange que des savoirs, rien que des savoirs », insiste Claude Crindal. « Ce qui fait notre particularité c’est la non-valorisation et la non-hiérarchie dans le savoir », précise Jean-Yves Caroff. « Tous les savoirs sont égaux, c’est un état d’esprit, on n’est pas dans la position de force de celui qui sait et dans la position de faiblesse de celui qui ne sait pas. Chacun a un savoir à transmettre et a besoin d’apprendre quelque chose. »

Darya Kianpour


Pour en savoir plus
Le site internet : http://www.mirers.org

A lire également :
Apprendre en échangeant des savoirs à l’école, ouvrage collectif, Ed. Chronique sociale.
Echangeons nos savoirs, Claire Héber-Suffrin avec Sophie Bolo, Ed. Syros.



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