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04/03/2005
L’Amérique menacée par ses minorités

(MFI) Fin du politique contre émergence du religieux ? Dans un essai très remarqué, Samuel S. Huntington se faisait en 1997 l’analyste du « choc des civilisations », selon une expression désormais célèbre. Aujourd’hui, il tente de dresser les contours d’une identité américaine d’après lui menacée par les vagues d’immigration en provenance d’Asie et du monde latino.

Vous aimez les dim sum, le riz cantonais et le canard laqué ? C’est à New York que vous trouverez votre bonheur, sous les lampions des meilleurs restaurants chinois du monde. La meilleure tequila, les tortillas les plus fines peuvent quant à elles se déguster dans la Cité des anges, Los Angeles en VO. Après avoir caressé pendant près d’un siècle le rêve d’un « melting pot » où fusionneraient toutes les langues, couleurs et cultures, l’Amérique de Bush se réveille avec la gueule de bois. La terre d’élection des Wasp (White anglo-saxon protestants) n’est plus qu’un lointain souvenir. Les « Pilgrim Fathers » du XXIe siècle ont les yeux bridés. Ils mangent avec des baguettes et tout porte à croire que leur embarcation d’arrivée ressemblerait plus à une jonque qu’au mythique Mayflower.
En l’an 2000, un Américain sur cinq ne parlait pas l’anglais couramment (contre un sur six en 1990). Pour la première fois dans son histoire, l’Amérique compte aujourd’hui une majorité d’immigrants ne parlant qu’une seule langue, qui n’est pas l’anglais. A Los Angeles, les Blancs anglo-saxons sont minoritaires depuis les années 1980. Intellectuellement, linguistiquement, économiquement, les communautés non blanches sont en passe de prendre la main. Sur la balance politique, leur poids ne cesse d’augmenter : lors des dernières élections, une question omniprésente était celle du vote mexicain, autrefois massivement démocrate.


Identité américaine vacillante

Dans Bullworth, de Warren Beatty, un personnage proposait comme solution au problème de l’Amérique que les êtres de toutes les races « baisent comme des malades jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de couleurs ». Le principal problème de Huntington, en revanche, est de discuter de la permanence – ou non – du caractère fondamental de la culture anglo-protestante pour l’identité nationale américaine et de ses implications. En 1997, ce professeur de Harvard (alors quasi inconnu) s’alarmait déjà du « choc des civilisations » : selon lui, celles-ci allaient désormais remplacer les idéologies comme facteurs de conflits internationaux. Devenu star mondiale grâce à la résonance quasi-prophétique que les attentats du 11 septembre ont donné à son essai, il récidive dans Qui sommes-nous ?, où il tente de dresser les grandes lignes de l’identité américaine.
Solidement étayé (chiffres et statistiques en tous genres), son ouvrage donne un compte rendu passionnant de la montée des identités « infra-nationales (asiatiques et latinos, pour l’essentiel) au pays de l’oncle Sam : variables de l’immigration, intégration et citoyenneté, éveil du sentiment religieux (y compris dans ses ultimes retranchements politiques, ainsi qu’en ont donné la preuve les deux dernières élections présidentielles). Le livre se place ainsi sous une double perspective. La première consiste à évaluer dans quelle mesure les valeurs de l’Amérique classique (individualisme, liberté d’opinion, morale du travail, croyance que l’individu est responsable de ses réussites ou de ses échecs) sont menacées de se dissoudre dans ce salad bowl multiculturel. La seconde vise bien au-delà des frontières du territoire. Car « si l’identité américaine se définit par une série de principes universels fondés sur la liberté et la démocratie, alors la défense de ces principes dans d’autres pays devra probablement constituer l’objectif premier de la politique étrangère américaine. (…) Si les Etats-Unis se définissent d’abord comme un assemblage d’identités culturelles et ethniques, leur intérêt national consistera à promouvoir les objectifs de ces entités, et ils devront mener une politique étrangère multiculturelle. » Le raisonnement se défend intellectuellement, reste qu’on aurait bien du mal, dans une hypothèse comme dans l’autre, à en discerner les plus minces implications dans la politique étrangère américaine. Les Irakiens apprécieront.

Qui sommes-nous ?, Samuel Huntington, Ed. Odile Jacob, 25 euros.

Elisabeth Lequeret




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