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22/07/2005
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Alpha Blondy : « Prions pour que la guerre finisse »
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(MFI) Entre ses concerts en Europe, à Maurice ou au Maroc, et avant de s’envoler en août pour les Etats-Unis, la star ivoirienne a participé au grand concert de solidarité avec l’Afrique (Live 8 à Versailles) avec trois de ses morceaux fétiches. Il a sorti, le 27 juin en Côte d’Ivoire – et le 5 juillet en France –, Akwaba, une compilation comprenant 16 de ses meilleurs titres, revisités par les Magic System, Neg’Marrons et autres Lester Bilal...
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MFI : Pourquoi avoir participé au Live 8, ce grand show médiatique sur la pauvreté en Afrique ?
Alpha Blondy : Nous, les Africains, nous sommes victimes de l’indifférence totale des pays riches. Et pour une fois, quelqu’un arrive à attirer l’attention sur nos problèmes de pauvreté, sur les dettes qui nous étranglent. C’est mieux que rien. En Afrique, les causes ne manquent pas, le paludisme, le sida, la famine, la sécheresse... L’initiative de Bob Geldof – que je ne connais pas – valait bien d’être encouragée par tous, Africains et non Africains.
Ça n’a pas toujours été le cas, d’un côté comme de l’autre…
Oui, je le sais. Il a fallu que mon frère Youssou N’Dour, qui se sentait un peu seul, exige qu’on programme d’autres artistes africains. Mais il ne faut pas décourager celui qui a eu cette idée. Seule l’intention compte. L’enfant ne tombe des mains que de celui qui s’en occupe ! Maintenant, si des Africains peuvent lancer une opération comme celle-là sur notre continent, avec des artistes européens et africains, ce sera la réponse.
A qui va profiter l’annulation de la dette de 14 pays africains, annoncée par le G8 et conditionnée à la bonne gouvernance ?
Vraiment, même si on pose la question au bon Dieu, il va demander un temps de réflexion ! En tout cas, c’est un casse-tête chinois pour les Africains. Je parie d’ailleurs que certains chefs d’Etat ne souhaitent pas que la dette soit annulée : ceux qui disent que les milliards que tout leur pays cherche ont servi à rembourser tel emprunt... Grâce à la dette, ils se sont fait des économies ! Alors que si la dette est annulée, ils auront peut-être à rendre des comptes.
Concernant la Côte d’Ivoire, pensez-vous que les élections auront lieu en octobre prochain ?
Ce serait le miracle de tous les miracles. Mais je ne pense pas que les élections pourront avoir lieu. Dans les conditions actuelles, elles seraient encore source de palabres. Le choix des gens se réduirait à voter la continuation de la guerre actuelle ou le début de la nouvelle. Pour qu’il y ait élections, il faut qu’il y ait désarmement des FANCI, des milices et de la rébellion. Et ni les uns ni les autres n’y sont prêts. On est dans ce blocage-là. A moins qu’on veuille encore arnaquer les Ivoiriens, en faisant un simulacre d’élections pour mieux se taper dessus après.
Comment vit-on dans un pays en guerre ?
Je vis comme tout le monde : quand on entend des coups de feu, on court se cacher de façon héroïque ! On vit avec la peur au ventre, mais on vit. La balle est dans le camp des politiques. Tout le monde prie que la guerre finisse et il existe une solidarité entre les Ivoiriens. Les gens s’appellent tout de suite si quelque chose de grave se passe : « Il y a des tirs, n’allez pas de ce côté. »
Votre nouvel album, Akwaba…
C’est une compilation, ce n’est pas encore le nouvel album.
Elle commence par "Sweet Sweet", un remix de "Sweet Fanta Diallo". Lester Bilal le dédie à « ceux qui sont victimes d’un amour perdu », et vous avez ajouté « Fanta Diallo, veille sur moi de là-haut »…
C’est Lester Bilal qui a écrit ça.
N’est-ce pas lié à ce qui est arrivé à Fanta ?
Voilà pourquoi je suis séduit par son texte. Il ne savait pas… Quand il m’a proposé le texte, il voulait changer le passage où il y avait cette phrase. Je lui ai dit de la garder, et je lui ai expliqué que Fanta Diallo était décédée en 2004.
Pouvez-vous nous parler de la mort de Fanta ?
Non. (silence). C’est trop triste. Lester Bilal a trouvé les mots qu’il fallait.
Pourquoi cet engouement des jeunes pour votre musique, que l’on constate à chacun de vos concerts ?
Ce sont des parents qui aimaient Alpha Blondy et l’ont fait découvrir à leurs enfants. Comme le genre de musique que nous faisons ne vieillit pas… C’est ce que beaucoup me disent. Je reviens du Maroc où j’ai rencontré des responsables qui écoutaient Alpha Blondy quand ils étaient étudiants. Quelque part, je suis un héritage familial, inter-génération !
C’est le genre musical ou les idées ?
Surtout les idées. En moi, il y a peut-être cet adolescent qui continue de chanter sa révolte, de se justifier, musicalement, sur l’incompréhension qui a fait de lui un marginalisé. Les jeunes s’identifient. Très souvent, ils se disent incompris des aînés... Quand je fais intervenir Magic System ou Mokobé du 113, ou quand Lionel [Lionel Pradines, son manager, ndlr] adapte en français le titre en dioula "Banana Poyo", cela permet aux jeunes Français de comprendre le sens. La chanson d’UB 40 aussi, "Young guns"…
Le caïd du quartier, les filles dans la voiture, les flingues à la ceinture...
C’est le courant des banlieues. On interpelle ces jeunes-là. Toutes les banlieues d’ailleurs, celles d’Abidjan aussi.
Vous parlez souvent d’un lieu dénommé le Soleil…
C’est la boîte de nuit du Café de Versailles, l’endroit que j’ai ouvert chez moi, en Côte d’Ivoire. Je rentre à Abidjan pour mettre le Soleil en marche. Peut-être fin juillet. Priez pour nous, priez pour tous les Ivoiriens, prions pour que la guerre finisse et que la paix revienne. Et que le Soleil puisse illuminer tous les cœurs à Abidjan.
Le site de l’artiste : http://www.alphablondy.info
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Propos recueillis par Antoinette Delafin
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