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02/09/2005
Lumumba inédit

(MFI) Deux ouvrages éclairent sans se rejoindre des périodes méconnues de la vie de Patrice Lumumba. Ils mettent en perspective les prémices de la pensée politique et le sens du combat d’un héros des Indépendances africaines.

« Nous avons connu le travail harassant, exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. […] Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert ». Extraits du discours de Patrice Lumumba du 30 juin 1960, ces propos illustrent le « vécu de colonisé », la « discrimination » subie par le futur Premier ministre du Congo, et ce « malgré sa position privilégiée », expliquent Jean Omasombo, directeur du Centre d’études politiques de Kinshasa, et Benoît Verhaegen, ancien doyen de la Faculté des sciences sociales de Kisangani, coauteurs de Patrice Lumumba, acteur politique. De la prison aux portes du pouvoir. Leur précédent volume des Cahiers africains retraçait sa vie jusqu’en juin 1956. Nourri d’archives abondantes dont une partie provient de Jacques Lejeune, l’avocat qui l’a défendu lors de son procès, le présent ouvrage nous éclaire sur une période méconnue allant de son arrestation (qui met fin à ses activités d’agent de la Poste de Stanleyville, en juillet 1956) à la Table ronde de Bruxelles qui décide de l’octroi de l’indépendance au Congo, en février 1960. Jusque-là, les études avaient porté sur sa période la plus radicale, de sa présence à la conférence panafricaine d’Accra en décembre 1958 à sa mort tragique en janvier 1961.


Orgueilleux ? Arriviste ?

« Le Noir est un homme qui prend en grande estime le maître qui l’apprécie, il reste attaché au chef qui le considère et le traite en homme », écrit-il le 1er avril 1956 dans La Croix du Congo. Dans les nombreuses lettres qu’il adresse aux autorités politiques et judiciaires belges, comme dans son livre Le Congo terre d’avenir est-il menacé ? (écrit en prison), Lumumba exprime toujours sa confiance dans les bienfaits de la civilisation occidentale, fait l’éloge des réalisations de la colonisation belge et se targue d’appartenir à l’élite « civilisée » dont la mission est de relever la masse inculte de ses « frères de race ». L’historien Jean-Marie Mutamba Makombo Kitatshima, conservateur en chef adjoint des Archives nationales de la RDC, qui publie parallèlement Patrice Lumumba, correspondant de presse (1948-1956) conclut que Lumumba donne l’image « d’un collaborateur et d’un allié de l’Ordre colonial […] continuellement habité par le souci de plaire au colonisateur blanc et de mériter sa considération […], écartelé entre son désir d’accéder à la plénitude de la civilisation européenne et celui de rester africain. »
L’analyse d’Omasombo et de Verhaegen est plus subtile. En arrêtant Patrice Lumumba en juillet 1956, l’autorité coloniale « ne s’attendait pas à rencontrer un tel personnage parmi les colonisés ». Au sommet de son ascension sociale, il préside l’Association des Evolués de Stanleyville, il a parlé au roi et entretient des relations directes avec le ministre (libéral) des Colonies, Buisseret, qu’il soutient dans sa « guerre scolaire » en faveur de l’enseignement laïc. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les milieux catholiques et missionnaires le traitent « d’orgueilleux » et « d’arriviste. » L’acharnement judiciaire dont il est victime intervient au moment où il esquisse ses choix politiques, preuve s’il en est que Lumumba irrite l’autorité coloniale qu’il affronte en contestant sa gestion du Congo. L’hostilité des colons est explicite dans le rapport de l’Office de publicité motivant son refus de publier son livre : « En fait de revendications, l’auteur ne souhaite rien moins que l’égalité des Blancs et des Noirs sur tous les plans et dans tous les cadres. » Lumumba prend conscience peu à peu « de l’impasse dans laquelle le Congo est engagé ». Le système colonial n’a ni la volonté ni la capacité de se réformer. Face au refus d’accorder le Statut unique, l’issue pour Lumumba sera la confrontation pour libérer son pays et ses « frères de race ».

Antoinette Delafin


Patrice Lumumba, Acteur politique. De la prison aux portes du pouvoir. Juillet 1956 – février 1960, Jean Omasombo et Benoît Verhaegen, L’Harmattan, 406 pages.
Patrice Lumumba, correspondant de presse (1948-1956), Jean-Marie Mutamba Makombo Kitatshima, L’Harmattan, 228 pages.




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