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30/09/2005
Un conte d’Afrique

(MFI) Toutes les sentences qui ont nourri ce récit entièrement imaginaire se trouvent dans le livre que Maître Titinga Frédéric Pacere a consacré aux Pensées africaines, proverbes, dictons et sagesse des Anciens.

Toute histoire a commencé dans le passé et cela est vrai de cette histoire qui se déroula il y a fort longtemps à Manéga, un village situé au nord du Burkina Faso. Là vivait un beau jeune homme, Titinga, fils du chef coutumier Tibo. Titinga parlait peu, il aimait écouter le tam-tam, ou bendre, qui saluait chaque matin le réveil de son père et lorsque tout le monde siestait aux heures les plus chaudes, il partait à l’orée du village et contemplait le lointain. Les mondes, les peuples se rencontrent par les sentiers, pensait-il. Il ne rêvait que de partir.
Son père, qui voulait que son fils lui succède, désapprouvait ce désir. Pour le retenir, il lui reprochait sa paresse : « L’homme qui s’aime aime le travail ; c’est le travail qui définit l’homme, lui répétait-il. Celui qui mange sans travailler finit par mourir sans maladie ». Titinga avait beau montrer autant qu’il ne rechignait pas à la tâche, son père secouait la tête d’un air mécontent : « La joue du garnement ne peut pas ramollir par la pommade, grondait-il. Ce qu’il faut c’est un sec gourdin ! ». Dans sa colère, il négligeait les affaires coutumières et la conduite du village. « Le chef ne doit pas se contenter de ceux qui le suivent » : le mécontentement allait croissant et il fut décidé que la question serait publiquement discutée sous l’arbre à palabres, le pampanga à l’ombre généreuse.
Le plus proche voisin de Tibo prit la parole en premier :
- Les larmes de l’Ancien coule dans son coeur, dit-il d’un ton docte et triste.
- « Le voisin est le premier médicament d’un homme », souffla quelqu’un dans l’assistance, il y eut quelques rires et les Anciens froncèrent le sourcil.
- L’horizon atteint par les yeux peut être atteint par les pieds.
- Oui, mais le pied sans la tête ne peut atteindre l’horizon.
- Si une contrée est éloignée, une autre contrée village est plus éloignée, constata un autre. Aller à l’étranger, c’est aller à l’aventure... On sait quand on part, qui peut savoir si on reviendra ?
- L’éducation forme, mais l’expérience forge, affirma un homme qui était allé jusqu’à Ouagadougou dans sa jeunesse, c’est l’aventure qui donne l’expérience. Titinga doit partir !
- Oui ! On sait ce qu’on fait en ville, lança Tibo en colère. On y fait la voyoucratie, on s’y bigre au vin de palme... Il n’y a pas de petit venin.
- La brousse n’est pas le lieu de promenade de la chèvre sous prétexte qu’elle aime l’herbe tendre, déclara un troisième, abondant dans son sens.
- La chèvre broutera là où on l’a attachée, ajouta quelqu’un d’un air entendu, d’ailleurs l’homme qui se promène n’amasse-t-il pas toujours des problèmes ? »
- Pas du tout ! L’eau du puits n’est pas l’eau de la rivière.
- L’homme n’est pas l’eau d’un fleuve qui court à s’éloigner de sa mère.
- Peut-être, mais si la poule peut garantir la sécurité de ses oeufs, elle ne peut garantir la sécurité de ses poussins...
- Le poussin imprudent, c’est l’épervier qui détruira sa race...
- On peut obliger un chien à se coucher, on ne peut l’obliger à fermer les yeux
- Le fils héritier est le tueur historique de son père ! vociféra soudain un homme qui s’était disputé avec tous ses enfants.
Le ton montait.
- C’est un danger pour l’oeuf de recevoir des cours de danse sur le rocher ! reprit Tibo. La gargoulette n’est pas le caillou. Si la gargoulette roule, elle se brisera.
- Le vieil immature peut méconnaître que l’enfant peut grandir
- On ne peut éloigner le peureux du sentier de son domicile, ajouta quelqu’un avec mépris. Ce à quoi Tibo répondit :
- Le pou qui mord/déclenche la guerre/contre tous les poux, ce qui fit rire tout le monde et détendit l’atmosphère.
Le plus âgé du village toussa, tous se tournèrent vers lui.
- Si le héros ne ressemble pas à son père, il ressemble à son grand-père (le grand-père de Titinga avait été un chef respecté de tous, mais on se gardait bien de le dire à haute voix car chacun sait que l’homme qui loue trop le roi mort, le roi vivant le tuera). L’aïeul reprit :
- Le merle métallique ne dépend pas de son père ! Si le père veut, le merle sort noir, si le père ne veut pas, le merle sort noir !, signifiant par là qu’on ne saurait aller contre le destin.
C’est donc en douroudourouni, un beau taxi-bâché qui faisait la navette entre les villages, qu’un beau matin, Titinga quitta Manéga.
Il revint plus tard, plein d’usage et raison, mais lorsque les gens l’interrogeaient sur ses voyages, il répondait : La bonne parole est pour le coeur, non d’abord pour l’oreille, les paroles oiseuses remplissent la bouche, remplissent la tête. Elles ne remplissent pas le coeur, elles ne remplissent pas le ventre, et tous acquiesçaient respectueusement car quand les hommes bavardent par centaines, c’est celui qui se tait qui a raison.

Catherine Brousse


Pensées africaines, proverbes, dictons et sagesse des Anciens, Maître Titinga Frédéric Pacere, L’Harmattan, 364 pages.



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