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09/12/2005
Cinéma : héros, mais pas trop : un vétéran dans l’enfer de la vie civile

(MFI) Cinquième film de l’Angolais Zézé Gamboa, Un héros trace les tribulations d’un vétéran en mal de réinsertion dans la vie civile. Portrait en coupe d’une société détruite par quarante ans de guerre civile.

Vitorio est un héros, mais de quoi ? De la guerre, peut-être, mais surtout de la survie, de la démerde au quotidien dans les rues de Luanda. Une médaille vaut bien l’autre quand on a eu la jambe emportée par une mine. Du travail, de toutes façons, il n’y en a pas. « Ici, on ne gagne pas assez pour employer quelqu’un qui ne soit pas de la famille » finit par lâcher un garagiste maussade. Ailleurs, des gamins volent des roues de vélo à échanger au marché noir contre un grille-pain ou, rêvent-ils, une kalachnikov. Cinquième film de l’Angolais Zézé Gamboa, Un héros est un portrait en coupe de son pays natal, comme le suggèrent les images aériennes sur lesquelles le film s’ouvre et se ferme. Sous les plages de sable fin et l’eau cristalline, le bilan est cruel : trois ans après la fin de la guerre, les cicatrices sont encore à fleur de peau. Dans les champs pullulent encore des tonnes de mines prêtes à exploser, et dans les arrière-boutiques, poignards et pistolets sont là pour rappeler que la démilitarisation n’a pas encore franchi le stade de l’utopie. Civils ou militaires, l’ombre portée de la guerre plane sur tous.
Voici donc Vitorio, et la belle Judite, putain au grand cœur qui le recueille un soir de déprime, le petit Manu et sa bande de potes, voici Joana, l’institutrice de Manu, et son fiancé, qui après quelques années passées sur un campus américain, revient au pays pour occuper le poste que son oncle, ministre de l’Intérieur, lui a tenu au chaud. C’est le premier mérite du film que de tenter d’embrasser en une heure quarante tous les barreaux de l’échelon social, gosses de riches et petits-bourgeois tout autant que laissés pour compte et miséreux. Au cœur du film, la prothèse que Vitorio, un soir de beuverie, s’est fait voler en même temps que sa précieuse médaille, souvenir des quinze années passés sur le front. Autant dire, ses biens les plus précieux : promesse d’un emploi autant que d’une vie « normale ».

Tous orphelins

Dans Un héros, il y a des voleurs et des volés, des arnaqueurs et des pigeons, mais le film se garde à l’écart de toute morale : chacun a ses raisons dans un pays où avoir un salaire fixe tient pour la plupart de l’horizon inaccessible. Tous sont travaillés par une fracture qui dépasse largement la question de l’argent ou de la survie au quotidien. A ce égard, la scène où une file de citadins se presse devant les micros d’un radio-crochet de fortune est l’une des plus fortes du film pour ce qu’elle donne à entendre : personne à qui la guerre n’ait retiré qui un enfant, qui une épouse ou un mari.
Emue par le sort de Vitorio, la jeune institutrice décide son technocrate de fiancé de lancer une grande campagne de solidarité nationale sur le thème « Béquilles pour tous ». Mais lorsque Vitorio vient la remercier avec une émotion que la seule reconnaissance n’explique pas, elle le congédie en douceur : impossible de convoler avec un va-nus pied. C’est cette cruauté qui, jusqu’à la scène où le garçonnet croit reconnaître son père en Vitorio, fait le charme étrange d’un film par ailleurs criblé de clichés. Coupe en friche d’un pays dévasté par une guerre civile de quarante ans, Un héros explore aussi sans relâche les pauvres fantasmes qui poussent encore sur la terre desséchée de l’après-guerre : les pauvres aussi ont le droit de rêver.

Elisabeth Lequeret


Sortie en France le 7 décembre.



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