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22/12/2005
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Le cannabis cultive sa différence
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(MFI) Herbe du diable pour les uns, inoffensif pour les autres, le cannabis n’en finit pas de susciter le débat au sein de la société, du corps médical et du monde politique. Pour tenter de dissiper l’écran de fumée derrière lequel s’abrite cette plante mystérieuse, le psychiatre Serge Hefez et la journaliste Béatrice Bantman font la chasse aux idées reçues.
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Première constatation, le cannabis est vieux comme le monde : il a traversé siècles et continents sans que personne n’y trouve à redire pendant longtemps. On l’utilise en Asie centrale dès le 10e millénaire avant l’ère chrétienne mais aussi au Japon, en Chine, en Inde au Tibet, en Egypte, au Moyen-Orient ou en Afrique. Consommé sous diverses formes ou élevé au rang d’offrande pour certaines divinités, le cannabis jouit d’une bonne réputation jusqu’à ce qu’au 11e siècle, la secte des Haschischins se mette à semer la mort et le pillage sur son passage sous l’emprise du haschich. Haschischins assassins ? Certains vont jusqu’à prétendre que les deux mots ont une étymologie commune.
A partir de là, tandis que l’usage du cannabis se répand principalement au Moyen-Orient, les interdictions pleuvent. L’herbe aux effets mystérieux n’en finira plus de traîner sa mauvaise réputation. Problème, si les politiques sont tentés par la répression, le corps médical est plus partagé dans ses avis, comparant souvent sa dangerosité à celle du tabac ou de l’alcool. Dans la société, le cannabis est encore générateur d’angoisses (justifiées ou non) et le nombre croissant de jeunes se mettant à fumer, de manière occasionnelle ou régulière, n’est pas pour rassurer les parents.
Diagnostic difficile
Les parents qui s’aperçoivent que leur ado, si parfait jusque-là, est devenu consommateur de cannabis sont généralement affolés. Normal : les informations circulant au sujet du haschich sont plutôt alarmantes. Les adolescents commencent à fumer de plus en plus jeunes, les produits disponibles sur le marché sont de plus en plus fortement dosés en THC, les résultats scolaires des fumeurs amorcent une chute libre : tels sont en substance les thèmes qui reviennent le plus souvent. C’est, explique Serge Hefez, oublier qu’il y a autant de fumeurs que de cas différents et que le cannabis n’est souvent que le symptôme d’un malaise préexistant.
L’ouvrage, qui présente différentes études de cas, insiste sur la nécessité de distinguer la pratique festive du cannabis, restant généralement dans des limites raisonnables, du recours systématique qui conduit au repli sur soi, à la dépression voire à la schizophrénie. Un jeune qui fume occasionnellement n’a pas plus le profil du drogué que l’amateur de bon vin celui de l’alcoolique. Lorsque la pratique du cannabis altère la vie sociale et scolaire, le sujet ne fait que mettre à nu une souffrance déjà ancienne et installée. Quant aux études montrant le lien entre l’usage régulier du haschich et les états schizophréniques, il importe de les manier avec précaution. Si le cannabis altère la perception de la réalité, il ne fait pas de doute, selon les auteurs, que cet effet sera renforcé sur un sujet déjà prédisposé aux états délirants. Dans tous les cas, les parents doivent tenter de maintenir le dialogue avec leur enfant et l’amener à consulter un médecin qui aidera la famille à retrouver sa sérénité.
Une herbe criminogène ?
Concernant le lien entre cannabis et délinquance, les auteurs se montrent également circonspects. Si l’usage, la détention et le trafic de cannabis sont réprimés par la loi dans de nombreux pays, le rapport entre usage du cannabis et délinquance reste ténu. En France, le fait de consommer demeure en lui-même un acte délictueux, mais le cannabis, contrairement à d’autres drogues, ne génère quasiment aucune délinquance induite (braquages, vols, violences), contrairement à l’héroïne.
Les auteurs se montrent en revanche plus sévères avec les Etats qui laissent se développer la culture et le trafic, infiniment plus lucratifs pour les paysans que les cultures traditionnelles. Mais comment lutter quand on sait qu’en Afrique un kilo de cacao se vend cent fois moins cher que le même poids en feuilles de cannabis ? Rien d’étonnant à ce que la culture de la plante se répande à vitesse grand V sur l’ensemble du continent, du Maroc à l’Afrique du Sud.
Pour les auteurs, la véritable lutte contre les effets nocifs du haschich passe par de nouvelles formes de communication. Il importe d’en finir avec la « morale de l’interdiction » et de s’attacher à changer l’image du cannabis, comme les pouvoirs publics ont entrepris de le faire avec le tabac. Ringardisé, le produit perdra de son attrait auprès des jeunes. Par ailleurs, l’écoute offerte aux adolescents constitue encore le meilleur rempart contre l’usage du cannabis : un jeune heureux ne fume pas.
Un écran de fumée, le cannabis dans la famille, Serge Hefez, Béatrice Bantman, Hachette Littératures, 219 pages.
Geneviève Fidani
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