(MFI) A l’aube du nouveau siècle, le sociologue Edgar Morin s’est interrogé sur les savoirs nécessaires pour bien vivre le futur. Il en recense sept. Il appelle à un bouleversement des mentalités et… des programmes des écoles. Il est tentant, lorsqu’une époque commence, d’essayer de l’organiser au mieux. Et pour cela, quel meilleur moyen que celui de l’éducation ? Dans un monde en pleine mutation, où les technologies nouvelles laissent entrevoir un avenir où le village planétaire est sur le point de devenir réalité, l’Unesco a demandé à Edgar Morin, intellectuel souvent visionnaire, d’y réfléchir. Comment envisager le monde dans lequel il nous va falloir vivre ? Notre connaissance du monde s’étant indéniablement élargie depuis les cinquante dernières années, il ne s’agit plus, pour Edgar Morin, de continuer à enseigner dans les écoles la même chose qu’avant, ni de la même façon. Le monde est de plus en plus complexe et nécessite une compréhension non plus partielle mais globale. Il souligne le besoin, par exemple, d’ « enseigner la condition humaine. L’être humain est à la fois physique, biologique, psychique, culturel, social, historique. C’est cette unité complexe de la nature humaine qui est complètement désintégrée dans l’enseignement à travers les disciplines. Il est aujourd’hui impossible d’apprendre ce que signifie être humain alors que chacun, où qu’il soit, devrait prendre conscience (…) de son identité commune avec tous les autres humains. » Cette identité, source de démocratie, est avant tout le sentiment d’appartenir à la communauté terrienne. Si le destin du genre humain est désormais planétaire, il faut en souligner l’importance à chaque enfant, créateur et acteur du siècle à venir. L’enseigner par l’histoire en insistant sur les quatre derniers siècles qui ont vu l’émergence d’une planète unifiée, que ce soit par les transports ou l’information. Mais aussi en faisant prendre conscience de l’évolution des sciences elles-mêmes, qui de la certitude sont passées à l’incertitude, que ce soit en physique, en cosmologie ou en biologie. Dans un monde si mobile que ce que l’on tenait pour établi hier peut être bouleversé demain, Edgar Morin voudrait voir enseignée l’aptitude à la réflexion et à l’acceptation du changement. « Le caractère désormais inconnu de l’aventure humaine doit nous inciter à préparer les esprits à s’attendre à l’inattendu pour l’affronter. » Enfin, et ce n’est pas le moindre de son propos, l’éducation devrait au yeux du sociologue, comporter une large part d’incitation au respect de l’autre et à la recherche d’une étique commune au genre humain. A l’heure où le mode de vie des paysans en Afghanistan côtoie celui des habitants des grandes villes occidentalisées, il lui semble vital, pour éviter à la cohabitation du futur les drames des siècles passés, d’inventer une éthique où le rapport entre l’individu et la société terrestre serait régi par la compréhension et la solidarité. Les optimistes verront dans les prémices d’une mondialisation solidaire, telle qu’on l’a pressentie au récent sommet de Porto Alegre, l’espoir du monde qu’envisage Edgar Morin. D’autres refermeront le livre en traitant, une fois de plus, les intellectuels de doux utopistes… Mais n’est-ce pas leur rôle de nous permettre d’imaginer ce monde meilleur dont nous rêvons tous ?
Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, par Edgar Morin. Editions du Seuil, 130 p., 95 FF.
Moïra Sauvage
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