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08/03/2001

Jules Verne, un bourgeois révolté

(MFI) Une excellente biographie du « père de la science fiction » donne l’occasion de découvrir ou de redécouvrir un écrivain véritable mais aussi un homme tiraillé entre l’ordre bourgeois de son temps et ses aspirations profondes à la liberté.

On dit de Jules Verne qu’il est l’auteur le plus vendu après la Bible et Shakespeare. On dit aussi qu’il est le père de la science fiction grâce à ses récits merveilleux et fantastiques. On sait sans doute moins que Jules Verne, qui a enchanté des générations d’enfants, rêvait comme Balzac d’écrire une critique sociale de son temps. En 1864, il présente à l’éditeur Hetzel son Paris au XXe siècle aux accents étrangement prémonitoires. Il y dépeint une ville polluée, peu à peu étouffée par le progrès technique, en proie à la dictature de la haute finance. Refusé par l’éditeur, ce roman paraîtra en … 1995, après avoir été miraculeusement retrouvé. L’ambition de Verne se heurte aux désirs de Hetzel dont la volonté est de faire entrer la science dans la littérature. Verne devient alors l’instrument des rêves éducatifs de son éditeur. L’homme qui souhaitait « secouer jusque dans ses fondements la société moderne par l’audace et la cruauté de [mes] peintures », devra se contenter d’inciter au voyage et à l’aventure. Il ne se prive pas pour autant de glisser dans ses œuvres quelques lectures politiques de son cru et se montrera, au travers de ses ouvrages, un observateur attentif des bouleversements du monde.

Colonialiste et antiesclavagiste

Chaque ouvrage devient pour Jules Verne l’occasion de dénoncer les systèmes en place. Le tranquille bourgeois provincial s’enflamme pour les mouvements de libération et de résistance. Les Boers contraints de se replier par les Anglais dans le Transvaal et l’Etat d’Orange lui inspirent L’Etoile du Sud en 1884. La résistance d’el-Hadj Omar aux tentatives françaises de conquête du Sénégal est évoquée dans Cinq semaines en ballon. Son Capitaine de quinze ans a pour toile de fond les campagnes humanitaires en faveur de l’arrêt de la traite des Noirs. Si Jules Verne justifie le colonialisme par l’apport du « progrès », s’il recourt souvent aux caricatures de l’époque pour décrire les peuples africains ou asiatiques, il s’efforce également de dénoncer les exactions commises à leur encontre par leurs propres dirigeants ou par la puissance coloniale.
D’aucuns verront dans ces critiques une simple expression de l’anglophobie ambiante à l’époque de Verne. Mais ce serait sans doute méconnaître cet homme secret, profond, et têtu dont la façade bourgeoise dissimule mal les révoltes. Le grand mérite de l’ouvrage de Jean Chesneaux réside dans la restitution de cette complexité. Qu’il s’agisse de ses rapports à la famille, à l’argent ou à la société, Jules Verne demeure un auteur insaisissable. Homme de son siècle demeuré à l’écart des modes, ses récits d’une étonnante actualité invitent le lecteur à porter son regard sur l’autre. Une raison suffisante pour se replonger dans son œuvre.

Jules Verne, Un regard sur le monde, Jean Chesneaux. Editions Bayard, 298 pages, 140 FF.

Geneviève Fidani




Encadré : Calembours et créativité linguistique

(MFI) Ecrivain de qualité, Jules Verne n’hésite pas à s’amuser avec la langue française qui est pour lui une inépuisable source de création. Les noms de ses personnages recèlent souvent des messages cachés qui en disent plus long sur la personnalité de chacun qu’une longue description.
Ainsi l’un des personnages emblématiques de l’œuvre vernienne, le capitaine Nemo, porte-t-il dans son patronyme tout le mystère et le caractère insaisissable qui s’attachent à sa personne. « Il est « personne », donc « négation de soi dans son rapport à l’autre » avance Jean Chesneaux. D’autres personnages, prêtant à rire, se trouvent affublés de noms qui les dénoncent immanquablement,. Tel est le cas de M. Parazard, cuisinier noir de La Maison à Vapeur, ou celui du maître de musique T.Artelett, campé dans l’Ecole des Robinsons. Une Anglaise gaie et légère, hérite dans Le testament d’un excentrique, du patronyme évocateur de Jovita Folley. Amateur de calembours, Verne ne dédaigne pas non plus l’anagramme. Hector Servadac (cadavre), capitaine d’une comète à l’avenir incertain, en offre l’exemple parfait. D’autres exégètes verniens ont hasardé leurs interprétations. Marcel Moré a vu dans le nom de Kolderup, un raccourci désobligeant pour « gueule de rupin ». Mais Jules Verne est allé plus loin, créant pour la nouvelle Fritt-Flacc, non seulement un pays imaginaire, la Volsinie, mais aussi une langue aux consonances proches du français et néanmoins impénétrable. Un choix somme toute logique pour un écrivain qui a présidé à la fin de sa vie la fédération d’espéranto de la Somme.

G. F.





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