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10/01/2002

J.P. Ngoupandé : L’Afrique doit apprendre à se débrouiller

(MFI) Qui aime bien critique bien : dans un livre dense, sévère et lucide, l’ancien premier ministre centrafricain n’est pas tendre pour les élites. Il tente de secouer les esprits et en appelle à la responsabilité de chacun.

L’Afrique orpheline de son ancienne puissance tutrice ? Le titre du dernier ouvrage de l’ancien premier ministre centrafricain Jean-Paul Ngoupandé, L’Afrique sans la France, pourrait faire croire que l’auteur est nostalgique d’une période post-coloniale aujourd’hui révolue. Il n’en est rien, et l’analyse du relatif retrait français de ce qui fut son « champ » pendant plus de quatre décennies lui sert en fait de prétexte pour inciter les Africains à se prendre en charge avant d’être définitivement laissés sur le bas-côté d’une histoire qui avance sans eux. L’Afrique au Sud du Sahara est aujourd’hui bien mal en point et, en son sein, les Etats issus des anciens empires français et belge – cet espace francophone africain qui est resté durant toute la guerre froide la chasse gardée de Paris - ont cessé depuis longtemps de faire bonne figure. Au contraire, à quelques rares exceptions, ils semblent aller plus mal aujourd’hui que nombre de leurs voisins dont ils se gaussaient naguère. Au Sahel, les indicateurs sanitaires et sociaux sont les plus bas du continent. De Brazzaville à Kigali, l’Afrique centrale a été secouée ces dix dernières années par des cataclysmes dont elle n’a pas fini de subir les ondes de choc. Et, du fait des avancées de la construction européenne, du déplacement vers une Europe orientale et centrale débarassée de la tutelle soviétique des préoccupations des Quinze, et de l’arrivée au pouvoir d’une génération politique moins marquée par la « Françafrique », la France n’est plus là pour payer les fins de mois de dictateurs inpécunieux ou se faire l’avocate de ses obligés dans les instances internationales.
L’Afrique francophone, comme du reste la totalité du sous-continent, doit donc apprendre à se débrouiller seule, à compter sur ses propres forces, qui sont loin d’être négligeables à condition de savoir les utiliser, et à cesser de faire porter au mauvais sort et aux anciens colonisateurs la responsabilité des déboires qu’elle traverse.
Le diagnostic tenté par cet ouvrage, aussi dense qu’agréable à lire, n’est pas tendre pour les élites qui ont eu entre leurs mains le destin de l’Afrique au cours des quarante dernières années. Responsables d’une bonne part des maux du continent, elles doivent cesser de se dédounaner en invoquant l’héritage du passé. Ce dernier, ajoute d’ailleurs l’auteur qui ne dédaigne pas la provocation, est moins sombre qu’on ne veut bien le dire et la colonisation, ajoute-t-il, a eu parfois du bon. C’est peut-être sur cette affirmation, comme sur quelques autres, que Jean-Paul Ngoupandé pèche par angélisme. Car si on peut porter certains acquis au crédit de l’époque coloniale, on ne peut occulter le fait qu’il s’est agi d’un système global d’exploitation dont les anciennes colonies gardent encore les traces. De même, s’il récuse à juste titre toute idée d’autarcie, il affirme un peu vite le caractère égalitaire des règles du marché sans s’attarder sur les rapports de forces qui régissent le monde et sur les inégalités qui en découlent.
A l’évidence, l’auteur a voulu secouer ses frères en les forçant à reconnaître qu’ils doivent devenir les sujets de leur avenir s’ils veulent que ce dernier leur appartienne. C’est donc à une analyse sévère et lucide que la lecture de cet ouvrage salutaire nous invite.

Sophie Bessis

Jean-Paul Ngoupandé, L’Afrique sans la France, Albin Michel 2002, 395 pages, 21,50 €.





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