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15/11/2001

Cinquantenaire de l'OIM, des migrants « venus pour rester »

(MFI) L'Organisation internationale des migrations célèbre son demi-siècle d'existence alors que les frontières occidentales viennent de subir un nouveau tour d'écrou à la suite des attentats terroristes aux Etats-Unis. Cette crise souligne le paradoxe de la mission de cet organisme qui consiste à promouvoir le contrôle aux frontières et en même temps à plaider pour leur ouverture.

L'Organisation internationale des migrations a 50 ans cette année. Cet âge symbolique renvoie inévitablement à la période de l'après-Seconde Guerre mondiale, où la nécessité d'organiser les retours et les déplacements des populations, victimes du conflit, s'était imposée. Cependant, le besoin humanitaire n'était pas le seul motif de la création du Comité intergouvernemental pour les migrations européennes, tel qu'on l'avait d’abord baptisé : la reconstruction économique et l'irrésistible appel du progrès, durant les années 50 et 60 lui octroyèrent rapidement une tâche beaucoup plus large.

150 millions de migrants

En l'an 2001, le CIME, devenu en 1989 l'Organisation internationale des migrations, l'OIM, recense 150 millions de personnes vivant en dehors de leur pays d'origine dont 11 millions qu'elle aide directement. Sur ce nombre, 30 millions sont en situation illégale. « Et ce dernier chiffre ne peut qu'augmenter » souligne Gervais Appave, directeur du programme de recherche sur les stratégies de migration à l'OIM. « D'une part, en raison des dégradations des conditions de vie, de la misère ou de la pauvreté des pays, fournisseurs de main d'œuvre, et d'autre part, des exigences administratives des pays d'accueil ». Cette double pression offre sur un plateau d'argent un marché juteux aux passeurs et trafiquants d'êtres humains, qui sont désormais liés à des entreprises employant ce personnel docile et bon marché. Cette professionnalisation des réseaux interpelle l'ensemble des pays européens et asiatiques, d'autant que les passages en masse, organisés, mènent souvent à des fins tragiques, comme ce « chargement » de 56 Chinois, découverts asphyxiés dans un camion à Douvres en juin 2000, ou la « mise à l'eau » de 1 000 Kurdes syriens, sur la Côte d'Azur en février 2001. « Les migrants économiques, désespérés, se changent en immigrants politiques, semant la confusion dans l'octroi du statut de réfugié, qui, de ce fait, incline les autorités d'accueil à le refuser de plus en plus souvent, au risque de commettre de graves manquements au respect du droit d'asile ». Ce mélange des genres devrait renforcer le rôle de conseiller de l'OIM auprès de ses 86 Etats-membres et bailleurs de fonds.
Souvent confondue avec une agence des Nations Unies – il est vrai qu'elle est associée aux actions du Haut-Commissariat aux Réfugiés et qu'elle utilise les mêmes couleurs symboles-, l'organisation est généralement appelée à gérer des dossiers de candidats au départ plus formels comme ceux de ces informaticiens asiatiques dont l'Amérique du Nord et l'Allemagne sont devenus « friands », et qui viennent pour rester. « La concurrence est féroce… dans l'offre d'emploi ». Gervais Appave appuie son commentaire d'un sourire. « La mondialisation et l'intégration économique impliquent une circulation plus libre, non seulement des capitaux et des biens, mais aussi des services et de la main d'œuvre. Et ce fait, doit être accepté par les dirigeants politiques ». Les responsables économiques, eux, l’ont déjà fort bien compris puisque ces dernières années, on a assisté à une augmentation des demandes de travailleurs saisonniers dans toute l'Europe. Mais l'Union européenne politique joue les timorées. La France, pourtant libérée du poids du Front National, reste frileuse et préfère renvoyer de vrais réfugiés que de se donner les moyens de réguler l'afflux des nouveaux arrivants. « Le problème n'est pas d'arrêter l'immigration, mais de l'organiser ». C'est la profession de foi de l'Organisation internationale des migrations. Si les attentats terroristes aux Etats-Unis ont eu comme première conséquence une chasse au faciès dans les milieux des migrants, ils devraient plaider pour un meilleur contrôle des mouvements des personnes. Ce qui devrait se traduire, selon l'OIM, par un élargissement des accès légaux aux pays où les migrants continueront de vouloir se rendre.

Marion Urban



Encadré 1 : Ndioro Diaye, directrice générale adjointe de l’OIM

(MFI) « On ne peut pas bousculer les gens comme ça ! » La remarque indignée de Ndioro Ndiaye ne s'adresse pas à un malotru. A moins que le terme de « malotru » ne s'entende de façon générique, et désigne les fomenteurs de guerres, de conflits et de troubles en tout genre comme ceux qui lui révélèrent les ingrédients de sa mission d'aujourd'hui. C'était en 1989, au Sénégal, lorsque, en charge du développement social au sein du gouvernement Abdou Diouf, elle coordonne les opérations de rapatriement des Sénégalais et des Mauritaniens, meurtris par plusieurs mois d'affrontement, en collaboration avec son homologue de Nouakchott, Mariemme Minet Ahed Aïcha. « Une amie, dit-elle, ce qui facilita bien des choses ».
Dans son bureau de l'OIM, à un vol d'oiseau du lycée savoyard de son adolescence, « Professeur » Ndioro Ndiaye n'a rien perdu de sa volubilité, de sa chaleur et de sa vivacité : ces traits qui contribuèrent à faire de l'ancienne responsable de l'institut d'Odontologie et de Stomatologie de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, un personnage haut en couleurs de la vie publique sénégalaise. Elevée dans le sérail socialiste -son père était un proche du président- trois fois ministre, elle ne laissa pas les médias indifférents. Au cours de ses mandats, elle fut sollicitée plusieurs fois par les agences des Nations Unies et se construisit une carrière internationale : elle travailla à la préparation du sommet mondial pour l'Enfance de New York en 1990, puis à celui consacré aux femmes des milieux ruraux à Genève en 1992. Présente à la conférence du Caire sur la population et le développement en 1994, elle s'investit dans l'organisation de la IVe Conférence sur les femmes de Pékin qui aura lieu l'année suivante, et , dans la foulée, participe en tant que consultante au Sommet pour le développement social à Copenhague. Elle reprend ensuite les rênes de l'institut d'Odontologie jusqu'à sa désignation au poste de directrice adjointe de l'OIM en septembre 1999.
Bien que la gestion de crises migratoires ne soit pas la fonction première de l'organisation, Ndioro Ndiaye, comme ses prédécesseurs, a dû apprendre très vite à manipuler les dossiers « brûlants » : les siens se nommaient « Timor Oriental », « Kosovo », et « Afghanistan ». Ces feux de l'actualité ne l'ont pas empêché de progresser dans les domaines qui lui tiennent à cœur : le retour des exilés africains qualifiés et leur participation au développement sur le continent et la promotion des femmes. Et quand « Professeur » Ndiaye annonce l'ouverture d'un prochain programme de formation et de micro-crédits destiné aux Burundaises, Rwandaises et Congolaises, réfugiées dans la région des Grands Lacs afin de les préparer à rentrer chez elles, son visage et sa voix ne trahissent pas seulement la fierté d'une « cheffe », mais aussi la jubilation d'une femme qui parvient à ses fins.

M. U.



Encadré 2 : Féminisation des migrations

(MFI) Contrairement aux idées reçues, l'Europe et l'Amérique du Nord ne sont pas les premiers récipiendaires des immigrants. Les pays du Golfe ont le pourcentage le plus élevé de migrants étrangers par rapport à leur population : 35 % en Arabie Saoudite. Ce sont eux aussi qui ouvrent le plus large éventail d'opportunités de travail, de l'employé domestique à l'expert. Par ailleurs, l'Asie est la région du monde qui enregistre le plus de mouvements transnationaux (à défaut de statistiques fiables pour le continent africain). Cependant, les migrants légaux représentent aujourd'hui 7,7 % de la population américaine (6 millions de clandestins), 5,4 % de la population française (entre 100 000 et 300 000 clandestins), 8,9 % de la population en Allemagne (37 000 migrants clandestins arrêtés), 3,8 % au Royaume Uni (16 000 clandestins arrêtés), 1,3 % en Espagne (pays non membre de l'OIM).
La féminisation est l'une des caractéristiques des mouvements de population de ces dernières années. Les femmes partent désormais pour leurs propres besoins, qu'elles soient domestiques, petites commerçantes ou cadres. L'évolution est frappante en Afrique, où les femmes éduquées des pays anglophones s'expatrient de plus en plus souvent. Cette fuite des cerveaux, hommes et femmes confondus, est d'ailleurs devenue dramatique : 10 000 universitaires nigérians partent chaque année, 23 000 centrafricains. L'OIM déploie tous ses efforts pour que ces personnels qualifiés retournent ou investissent dans leur pays d'origine afin de participer au développement. Elle réclame notamment aux pays d'accueil de leur faciliter les aller-retour, et les aide à se réinstaller.
La fin de l'apartheid en Afrique du Sud avait attiré une masse de travailleurs étrangers : 3,5 millions en 1995 contre 500 000 en 1990. Elle s'est bien vite heurtée à de nouvelles réglementations intérieures, car les chiffres du chômage se sont envolés après la fermeture de plusieurs mines. Aujourd'hui, on renvoie près de 85 000 clandestins sur 130 000 irréguliers. Les Etats africains membres des marchés économiques régionaux (COMESA, CDAA et CEEAO) ont signé des protocoles d'accord sur la libre circulation des personnes, mais ils restent restrictifs.

M. U.



Encadré 3 : Un trafic lucratif

(MFI) « Si tu penses que tu vas te la payer… dit le texte en surimpresssion d'une photo de jeune femme, tête baissée, es-tu certain qu'elle n'a pas été kidnappée, violée, vendue comme une esclave, trompée sur une offre d'emploi, forcée à se prostituer ? » Cette petite carte-calendrier au format des cartes à jouer, accompagnée du numéro de la ligne de secours de l'OIM a été distribuée l'an passé en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine afin de sensibiliser les clients, en majorité les soldats de la KFOR à la lutte contre le trafic de femmes, en pleine expansion dans cette zone. 175 000 femmes et jeunes filles, originaires d'Europe centrale et de la Communauté des Etats Indépendants (ex-URSS), soit un quart du trafic mondial, transitent chaque année par la Macédoine.
Selon le Département d'Etat américain, le nombre des victimes de la traite des êtres humains oscille entre 700 000 et 2 millions de personnes par an. Ce chiffre continuera à augmenter car les obstacles à l'immigration légale se multiplient, et le désir d'une vie meilleure reste là. En outre, l'OIM et ses partenaires ont constaté que les réseaux d'immigration clandestine se professionnalisaient, avec un souci de rendement assimilable à celui des petites entreprises. Les conditions de vie et les difficultés d'accès des pays destinataires font l'objet de véritable étude de marché de la part des criminels avant de fixer le prix du passage. Ce commerce humain rapporterait 15 milliards de dollars annuels à ses organisateurs. L'OIM apporte son soutien à ces migrants illégaux, mais organise aussi des formations à destination des fonctionnaires et des forces de police qui interviennent dans la répression de la traite.

M. U.





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