accueilradio  actualités  musique  langue française  presse  pro
radio
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Culture Société Liste des articles

17/08/2001

Centres culturels français : le grand remue-ménage

(MFI) A quoi servent les centres culturels français à l'étranger, et comment se portent-ils ? Un rapport parlementaire sur la question a lancé le débat en France. Retour sur ces fameux « CCF », qui constituent depuis le siècle dernier la vitrine de la France à l'extérieur.

Les « CCF » apparaissent au début du XXe siècle, d'abord comme des antennes ouvertes à l’étranger par les universités françaises. Ces antennes ou « instituts » sont d’abord destinés aux étudiants et chercheurs français pour effectuer leurs travaux dans les pays considérés. Elles se chargent également d’organiser des conférences, des cours (littérature, civilisation françaises, etc.). Puis, les liens entre centres et universités se morcèlent, encourageant les premiers à s’émanciper de la tutelle de ces dernières.
Entre 1946 et 1948, de nombreux instituts « de seconde génération » sont chargés spécifiquement de la diffusion de la langue et de la civilisation française à l’étranger, principalement au Moyen-Orient et en Europe. Aujourd’hui, ce que l’on appelle le « réseau culturel de la France » se compose d’une double structure, au statut différent : les établissements culturels et les Alliances françaises.
A leur création, en 1883, les Alliances françaises ont pour rôle de développer des comités locaux dans plus d’une cinquantaine de pays. Aujourd’hui, ces associations indépendantes, à but non lucratif – près de 1 100 – s’étendent sur 138 pays (263 sont aidées par le ministère des Affaires étrangères). Elles sont complémentaires des CCF. En effet, « plutôt que d’implanter des centres dans certaines régions, il a été jugé plus simple (…) et moins onéreux de renforcer l’effort d’association des Alliances », souligne le rapport parlementaire, coordonné par le député socialiste Yves Dauge. Un label « Alliance française » est octroyé après accord de l’Alliance française de Paris. La création d’une Alliance est une démarche spontanée « émanant de personnes francophiles mais pas nécessairement francophones », ainsi le ministère des Affaires étrangères ne peut créer ou supprimer un de ces établissements comme bon lui semble.
Les centres culturels eux, sont considérés comme des services extérieurs du ministère français des Affaires étrangères, remplissant quatre fonctions : enseignement du français, diffusion et programmation culturelle, fourniture de documentation et d’information sur la France, et enfin coopération linguistique et éducative. A la lecture du rapport « Dauge », pas une de ces fonctions ne s’en sort mieux qu’une autre...

Une répartition géographique à revoir…


La répartition géographique a peu évolué depuis les années 50. Héritage de l’histoire, elle reflète « encore trop aujourd’hui les préoccupations et priorités d’hier ». Avec 151 centres culturels répartis dans 91 pays, le constat est le suivant : « L’Europe, avec 50 % des centres, est bien représentée, de même que l’Afrique du Nord (10 %). En revanche, le continent asiatique est délaissé (moins de 9 %) et le continent américain ignoré… » A titre comparatif, les Etats-Unis possèdent 200 centres culturels dans 143 pays, l’Allemagne gère 127 Goethe Institute à travers 75 pays, et la Grande-Bretagne dispose de 160 British Council répartis dans 109 pays.

Un enseignement dépassé ?

Première fonction des CCF, l’enseignement du français traverse une crise : « le nombre d’inscrits aux cours de français des instituts a dégringolé, parfois de manière vertigineuse ». Les exigences ont changé. L’anglais désormais indispensable, oblige à pratiquer un français fonctionnel « détaché de la littérature et des belles-lettres ». Il existe en outre une concurrence accrue entre les différents et nombreux établissements privés qui proposent des services similaires, parfois plus adaptés au monde actuel. Selon Yves Dauge « il faut réaffirmer fortement la fonction d’enseignement tout en la clarifiant » et « reconnaître que le français ne constitue pas le support et véhicule unique de la connaissance de la culture française ». Mais surtout le manque de crédits attribué semble largement insuffisant en comparaison avec le British Council, qui dispose selon le député d’un budget de 4 milliards de francs, soit quatre fois plus que le réseau français !
« Pour les centres culturels, il a fallu faire toujours plus d’actions avec toujours moins d’argent ». Avec moins d’1 milliard de francs de budget pour l’ensemble du réseau, les structures s’essoufflent. Le rapporteur parle du réseau comme d’un parent pauvre, et du risque pour de nombreux centres d’entrer dans un cercle vicieux : « moins d’argent, moins d’actions, moins de visibilité, moins de clients / usagers et donc encore moins d’argent… »

L’absence de coordination

En ce qui concerne la diffusion et programmation culturelle, là aussi certaines choses devraient être changées, en particulier dans les pays développés où les événements culturels des CCF « entrent en concurrence avec des centaines d’autres ». Ces événements devront obligatoirement s’inscrire à long terme en vue de créer « une véritable coopération culturelle et artistique et d’alimenter un réel courant d’échanges ».
Au long de sa mission, Yves Dauge dit avoir été frappé par « l’absence de coordination et de pilotage du réseau ». Et d’ajouter qu’ il n'a trouvé aucun document « définissant ou hiérarchisant les objectifs géographiques… artistiques assignés au réseau ». Par ailleurs, il évoque « Les relations entre conseillers culturels et directeurs des centres culturels (…) qui ne sont pas simples et souvent teintées de tensions… » et précise qu’« il faut arrêter de désigner des directeurs de centres quelques semaines avant leur prise de fonction (…) Une telle désinvolture (…) est source importante d’échecs ».

Un nouveau projet culturel extérieur…

Certains CCF, comme La Maison de la France à Berlin, se trouvent aujourd’hui décentrés, par rapport aux centres de la vie culturelle nationale. Il faut donc les réaménager. Les futures constructions de centres devront être vues comme des « manifestations culturelles permanentes » et non comme de simples bâtiments administratifs.
A partir de 2003, environ 30 millions de francs seront investis pour la créations de postes. Le rapport insiste sur le recrutement de personnes compétentes : actuellement trop de diplomates, professeurs et autres agents des CCF maîtrisent mal la gestion d’entreprise ou la culture du pays où ils résident.
C’est donc un vaste projet de sauvetage de la culture française qui est en jeu. Pour ce faire, les CCF ont évidemment besoin de moyens humains et financiers, d’objectifs clairs, de renouveau, de motivations. Mais il faut surtout, préconise le rapport Dauge, rendre à la culture française sa liberté, son autonomie pour qu’elle puisse retrouver sa splendeur d’antan, sa créativité, dans un monde en constante évolution.

Chloé Hautecouverture

Encadré: Le chaos (enfin) créateur ?


(MFI) Quand Bruno Delaye, directeur de la DGCID (Direction générale de la coopération internationale et du développement) au ministère français des affaires étrangères débat de la situation des CCF face à Yves Dauge (émission diffusée sur Radio France Internationale)...


Pas vraiment surpris par les éléments du rapport parlementaire, le « patron » de la coopération internationale en France tient tout de même à préciser que « ce rapport porte uniquement sur le réseau des 220 centres et instituts qui dépendent des ambassades ». Le constat du rapport est sans concession, ce qu'il considère comme une bonne chose, au cas où certaines personnes du ministère des Affaires étrangères « se seraient endormies sur des acquis ». Par ailleurs, Bruno Delaye précise que ce dernier « vient de terminer la réforme la plus importante de toute son histoire : sa fusion avec le ministère de la Coopération… »
Yves Dauge souligne sa principale préoccupation : il faut « réformer l’Etat » et opérer « une transformation totale des comportements… Dans ce ministère il faudrait plus de transparence, moins de langue de bois, plus d’évaluations, et un projet politique clair... »
Si les cours de français ont connu une crise, selon Bruno Delaye elle est terminée : « les personnes reviennent vers le français, la demande est globalement en hausse dans le monde ». Et il compte bien profiter des nouvelles technologies pour développer des cours d’enseignement sur Internet. Sur la question budgétaire, et en particulier sur celle de la gratuité des cours, le directeur de la DGCID ne peut faire ce choix « à la place du contribuable français » qui a d’autres priorités. Et d’ajouter qu’« avec un peu moins de 800 millions de francs pour les centres, 500 000 jeunes à travers le monde ont accès aux cours ». Pour Yves Dauge « il y a un décalage budgétaire absolument dramatique », et « tous les ans ce budget, en érosion constante, est renié (…) ce qui est franchement inadmissible ».
Beau joueur, Bruno Delaye peut conclure par cette phrase : « En matière culturelle, le chaos est créateur ».

C. H.





retour

Qui sommes nous ?

Nos engagements

Les Filiales

RMC Moyen Orient

Radio Paris-Lisbonne

Delta RFI

RFI Sofia