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MFI HEBDO: Culture Société Liste des articles

19/07/2001

Chronique Livres

L'essentiel d'un livre
Confiant, Condé : Etre ou ne pas être créole

(MFI) La bonne santé de la littérature antillaise est attestée par la diversité des sensibilités qui la traversent et s’opposent parfois (créolité contre négritude, par exemple). Les deux romans que le créoliste Raphaël Confiant et l’anti-créoliste Maryse Condé font paraître illustrent ces deux principales tendances, à la fois contradictoires et complémentaires.

La pratique littéraire de Confiant depuis son premier roman en français Le nègre et l’amiral paru en 1988, s’inscrit fidèlement dans sa quête d’une esthétique de la créolité, en phase avec la culture métissée et les « parlures » mélangées du petit peuple antillais qu’il a érigés en héros. Brin d’amour, son dernier roman, ne déroge guère à la règle. Tour à tour onirique, sensuelle et empreinte d’une gravité sombre, l’écriture poétique de Confiant s’affirme ici dans toute son originalité. Au coeur de l’intrigue, la lumineuse et énigmatique Lysiane. Belle comme la nuit, cette jeune « vierge noire en ses allures » suscite désirs et passions dans le coeur des hommes de Grand-Anse et d’au-delà. Mais la jeune fille demeure insensible aux flatteries de ses prétendants. Impatiente avec le monde mesquin qui l’entoure, elle attend son homme à elle « qui n’est pas d’ici-là, qui ne sera jamais d’ici-là ». Et en attendant, elle se cloître dans sa chambre avec vue sur les soubresauts de l’Atlantique, en compagnie de ses livres dont les seuls noms scandalisent le petit peuple grand- ansois: La dame aux camélias, Madame Bovary, La porteuse de pain, Bonjour Tristesse, et d’autres encore. Liseuse, Lysiane écrit aussi. Ecrire pour convoquer cet ailleurs rêvé et fantasmé, pour se protéger de la médiocrité insulaire. Mais l’insularité va la rattraper lorsque deux de ses prétendants se font sauvagement assassiner et qu’elle est soupçonnée par les enquêteurs venus de Fort-de-France d’être une sorcière! Ce qui frappe dans ce roman, c’est son organisation étonnante en cercles narratifs, mais aussi l’utilisation peu conventionnelle que fait Confiant des ressources du roman policier pour raconter un récit de détection autrement plus fondamental. Enfin, l’inscription de néologismes savoureux dérivés du créole, d’expressions et de tournures syntaxiques propres au parler antillais - si typique de l’écriture Confiant - n’est pas étrangère au charme baroque de ce récit merveilleux de la « négresse bleue ».
De la créolité, la Guadeloupéenne Maryse Condé n’en a cure. Elle y voit une tentative d’enfermement des Antilles dans son identité insulaire, un processus d’enracinement en porte-à-faux avec les valeurs du nomadisme et de l’errance par lesquelles elle aime se définir. Aussi, écrit-elle dans un français soutenu, classique, empreint d’aucune « parlure » folklorique. « Maryse Condé n’écrit ni en français, ni en créole, elle écrit en Maryse Condé », aime-t-elle répéter. Mais c’est par sa thématique qu’elle rejoint le monde créole guadeloupéen, après avoir connu le succès avec des romans qui ont pour cadre l’Afrique, l’Amérique du Nord et du Sud. A travers le destin tragique du jeune jardinier Dieudonné, assassin de sa riche maîtresse békée et nymphomane, elle raconte dans La Belle Créole le face-à-face meurtrier des peuples que les violences de l’histoire ont rapprochés. Pour en échapper, son héros embarque sur une épave à la dérive en pleine mer. Echapper à l’insularité. Lysiane et Dieudonné, même combat!

Raphaël Confiant : Brin d’amour, Mercure de France, 256 p., 100 FF.
Maryse Condé : La Belle Créole, Mercure de France, 253 p., 92 FF.

Tirthankar Chanda



Dans le chaos haïtien

(MFI) Il n’est sans doute pas facile d’être la femme d’un écrivain lorsqu’on souhaite soi-même écrire. Cela devient encore plus difficile lorsqu’on s’appelle Marie-Andrée Manuel Etienne, que l’on vit à Port-au-Prince, dans la capitale haïtienne, et que l’on est l’épouse du poète, romancier et dramaturge le plus célèbre dans l’île, Frankétienne. Pourtant Marie-Andrée Manuel Etienne réussit son pari en publiant Déchirures (Editions Vents d’ailleurs), un premier roman qui ne manque pas de qualités subversives. Invitée par sa mère à quitter sa terre natale, une jeune fille, dans l’avion qui l’emmène vers son nouveau destin, fait une sorte de bilan personnel et collectif de son morceau d’île. Partagée entre une enfance heureuse que les lectures (Balzac, Goethe, Madame de Lafayette ou Jules Verne) ont parsemé de souvenirs et le chaos infernal de cette terre haïtienne emportée dans un effroyable tumulte, la jeune narratrice parvient à dire la douleur de son trouble et le drame de son île. L’auteur impose un rythme dru à ses phrases lancées comme des flèches face à l’insoutenable. Les mots se heurtent, s’entrechoquent pour dire le calvaire des populations qui subissent au quotidien et depuis des décennies la folie des hommes. Le meurtre, le viol, la torture, les assassinats, la maladie, les accidents... la liste paraît sans fin sur cette terre qui avait pourtant suscité tant d’espoir en devenant la première république noire du monde. Déchirures paraît comme la photo meurtrie de ce triste bilan.

Vents d’ailleurs,166p., 79FF.

Bernard Magnier



Le petit Momo… Moïse ou Mohamed ?

(MFI) Cité de nombreuses fois dans la course aux prix littéraires de l’année dernière pour son roman L’Evangile selon Pilate, Eric- Emmanuel Schmitt, agrégé de philosophie, est un dramaturge à succès, en France, aux Etats-Unis ou au Japon. Par ses comédies philosophiques, jouées par les plus grands acteurs (Max Von Sydow, Alain Delon, Donald Sutherland…) il a séduit un public avide de questions existentielles - les lecteurs de « vulgarisateurs » de la philo tels Jostein Gaarner ou André Comte-Sponville. En attendant son troisième roman pour la rentrée - La part de l’autre, une fiction autour d ‘un Hitler qui aurait réussi dans sa première vocation, la peinture -, on peut avoir un bref aperçu de son talent dans Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (Avignon 2001). Derrière l’apparente légèreté et les bonnes répliques, une parabole de la vie, un message d’espoir : même pour un enfant abandonné, un enfant non aimé, rien n’est perdu… à condition d’être adopté par un « Monsieur Ibrahim », « épicier arabe » (en réalité turc), soufi et généreux. « Qu’est-ce que ça veut dire, pour toi, Momo, être juif ? - Ben, j’en sais rien. Pour mon père, c’est être déprimé toute la journée. Pour moi… c’est juste un truc qui m’empêche d’être autre chose. » La vie est toujours au-delà des apparences : l’œuvre d’E.E. Schmitt illustre cette vérité de diverses manières.

Eric- Emmanuel Schmitt : Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Ed. Albin Michel, 86 p., 59 FF.

Henriette Sarraseca



Les baroudeurs de la santé

(MFI) Depuis trente ans qu’ils existent, des thèses, des essais et d’innombrables reportages ont été écrits sur l’épopée de « Médecins sans frontières ». Devenus une énorme et efficace organisation reconnue dans le monde entier, les « french doctors » ont peut-être perdu un peu de ce qui faisait, dans les année soixante-dix et quatre-vingt, leur charme : un enthousiasme et un mépris du danger qui leur a permis d’ouvrir bien des portes. Les histoires de ce temps là que raconte Alain Dubos nous replongent dans l’excitation de leurs débuts, ces actions clandestines qui firent leur réputation et les conduisit, en 1999, au prix Nobel de la Paix.
On découvre ainsi au Liban en 1981, Marianne Fleury, anesthésiste à Bobigny, coincée sous les bombes dans la ville de Zahlé ; en 1984, à Conakry, l’ouverture du camp de Boiro sous les yeux stupéfiés des médecins venus aider les survivants ; l’expulsion, en 1985 de l’équipe de MSF d’Ethiopie après que Rony Brauman, son responsable, ait publiquement condamné les déplacements de population. Ailleurs, en 1979, c’est le camp de Songkhla qui accueille plus de six mille « boat-people » réfugiés du Vietnam. A chaque fois, de sa plume alerte, Alain Dubos fait revivre les instants forts, les incidents imprévus, la camaraderie et les psychodrames.

Alain Dubos : Sans frontière, Editions Presses de la cité, 403 p., 120 FF.

Moïra Sauvage



Une mondialisation à visage humain

(MFI) Syndicaliste et militant, Christophe Aguiton est un homme plein d’espoir. Ses luttes contre l’injustice ne pouvaient que le mener vers l’association ATTAC et le combat qu’elle mène pour une mondialisation à visage humain. Dans un livre au titre volontairement optimiste, il dresse le portrait de ce mouvement.
Nées de la chute du mur de Berlin et du déclin de l’influence des syndicats dans le monde occidental, les nouvelles mobilisations ont de multiples visages. Que ce soit le mouvement des sans-terre au Brésil, la Marche mondiale des femmes en l’an 2000, les mouvements écologistes radicaux en Angleterre ou les Zapatistes indiens au Mexique, il ne s’agit plus des mêmes mouvements idéologiques qui ont dominé le monde depuis l’après-guerre. De nouveaux modèles se sont mis en place; sont-ils la renaissance du débat politique ou relèvent-ils d’un anarchisme irresponsable ?
Paysans, ONG, jeunes chômeurs, ces mouvements sociaux ont, a travers leur diversité, un but commun : se mobiliser contre les conséquences sociales et environnementales de la mondialisation libérale. En dix-huit mois, ils sont passés de la critique contestataire de rue à un essai d’organisation globale au sommet de Porto Alegre début 2001. En les voyant, certains, comme Jacques Attali, se prennent parfois à rêver d’ « une constitution fraternelle de la planète ». Et s’il représentaient finalement l’utopie du XXIe siècle ?…

Christophe Aguiton : Le monde nous appartient, Ed. Plon, 250 p., 118 FF.

M. S.



En poche...
Le Guinéen Alioum Fantouré réédité

(MFI) A l’instar de ses compatriotes écrivains (Camara Laye, Williams Sassine ou Tierno Monenembo), Alioum Fantouré est l’un de ces écrivains guinéens que les vicissitudes de la vie et de la politique ont conduit vers l’exil. Romancier rare, sa première publication, Le Cercle des tropiques, en 1972, lui vaut le Grand Prix de littérature d’Afrique noire; il écrira ensuite une tétralogie composée de L’Homme du troupeau du Sahel en 1979, Le Voile ténébreux en 1985, Le Gouverneur du territoire en 1995, en attendant le quatrième volume annoncé sous le titre L’Arc-en-ciel sur l’Afrique. Alioum Fantouré appartient à cette génération d’écrivains qui, succédant aux pionniers, ont souhaité donné à leur littérature une ambition et une recherche formelle jusqu’alors souvent demeurées exceptionnelles.
Les éditions Présence africaine rééditent Le Récit du cirque de la vallée des morts, un livre publié pour la première fois en 1975. Baptisé roman et mêlant volontiers des ingrédients relevant de la poésie et du théâtre, ce livre conte le détournement d’une représentation théâtrale qui sera le point de départ d’une sorte de création collective au cours de laquelle le metteur en scène invite le public à donner son point de vue et à exprimer ses doléances. Les portes du théâtre (de l’arène) étant fermées le public- otage se livre à une étonnante séance de dénonciation des oppressions et des dictatures, ponctuée par cet ultime mot d’ordre désabusé et méprisant : « retournez à votre indifférence ».

Présence africaine, 156 pages.

Bernard Magnier



Une Saison au Congo d’Aimé Césaire

(MFI) Avec l’évocation de la destinée historique d’Haïti, La Tragédie du Roi Christophe, et avant la relecture de Shakespeare, Une Tempête, Aimé Césaire publia, en 1967, Une Saison au Congo. Ces trois oeuvres constituant la part dramaturgique de l’oeuvre du poète martiniquais qui, dans les années soixante, avait été poussé vers le théâtre par le metteur en scène Jean-Marie Serreau. Une Saison au Congo est un drame ancré au coeur de l’Afrique et dans le tourbillon des années qui précédèrent et suivirent immédiatement les indépendances. Une pièce centrée autour de la personnalité de Lumumba, météore politique assassiné aux lendemains de l’indépendance, « homme d’imagination, toujours au-delà de la situation présente et par là- même homme de foi, il est aussi homme d’Afrique, le muntu, l’homme qui participe à la force vitale et l’homme du verbe ».
Une réflexion sur le pouvoir, sur la très haute personnalité du héros- martyr, sur les puissances et les intérêts en jeu dans la région, sur les complicités, les silences et les trahisons qui l’ont condamné. Un texte qu’il parait intéressant de relire au regard des quarante années d’histoire politique qui ont suivi...

Points Seuil, 144 pages, 29 FF.

B. M.





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