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22/12/2000

L’ambitieux projet Internet de Youssou N’Dour

(MFI) L’Afrique doit entrer dans l’ère du numérique avec dignité tel est le message délivré par le Sénégalais Youssou N’Dour lors d’une récente visite aux Nations unies. Après la sortie, en Europe puis aux Etats-Unis, de son album Joko, cet ambassadeur de bonne volonté de l’Unicef a décidé de contribuer à sa manière, avec les Joko Clubs, au développement d’Internet en Afrique.

C’est au printemps prochain qu’ouvriront, à travers le Sénégal, les neuf centres d’accès à Internet qui constituent la première étape du projet lancé par le chanteur Youssou N’Dour. Installés dans des quartiers non touristiques de plusieurs villes du pays, les Joko clubs permettront à leurs utilisateurs de naviguer sur le web, d’ouvrir une boîte aux lettres électronique ou de se former au maniement de la toile. Jusque-là rien de bien différent du concept des cybercafés. Sauf que l’entreprise est ici à but non lucratif, les Joko clubs ayant déjà obtenu leur premier sponsor, l’entreprise américaine Hewlett Packard. Autre spécificité, le projet souhaite devenir un lien entre diverses communautés sénégalaises éparpillées de par le monde, en installant des stations au Canada, en Côte d’Ivoire, en France, en Italie, aux Etats-Unis et au Mali, pays où les expatriés sénégalais sont particulièrement présents.
Les Joko clubs factureront l’accès à Internet 3 000 à 4 000 F CFA par heure, un prix qui correspond à peu près à ceux pratiqués sur le marché sénégalais. « Les gens accordent plus de valeur aux services qui ne sont pas fournis gratuitement, explique Lisa Goldman, la directrice adjointe américaine du projet, mais nous espérons faire chuter ces prix en dessous de 700 francs ». Pour y parvenir, les Joko clubs s’efforcent d’établir un partenariat avec la Sonatel, la société nationale des télécommunications du Sénégal, entreprise récemment privatisée mais qui conserve toutefois son monopole jusqu’en 2003. « Nous voulons optimiser les infrastructures qui existent dans le pays », ajoute Lisa Goldman. Il est vrai que le Sénégal, où la croissance du nombre de lignes téléphoniques a dépassé 15 % en 1998, a pris une avance certaine dans le secteur des télécommunications.

Faire connaître l’Afrique grâce au Net

Porté par sa célébrité internationale comme par sa large influence auprès de la jeunesse, Youssou N’Dour compte insuffler rapidement vie à l’initiative. « Il existe parmi les jeunes Africains un potentiel énorme », commente-t-il. Un potentiel que le chanteur a souvent cherché à révéler, par exemple en créant le label Jololi, qui produit de jeunes musiciens sénégalais tels le percussionniste Babacar Faye. « L’Afrique est certes un continent meurtri mais elle est extrêmement riche culturellement », explique l’artiste. Pour lui, Internet est surtout un moyen exceptionnel de faire connaître les richesses du continent qui doit « exploiter la possibilité d’amener du contenu dans le trafic Internet créé par l’Occident». Conçu comme un magazine dont l’équipe rédactionnelle sera basée à Dakar, le site web lancé en parallèle des Joko Clubs prendra racine dans la culture locale en sollicitant la participation des communautés sénégalaises, qui pourront ainsi s’exprimer en ligne.
Installations techniques, formation des utilisateurs, création d’un site web : une formule complète pour un projet qui aspire à participer à la réduction du fossé numérique entre pays du Sud et du Nord. Comme les autres tentatives de développement d’Internet en Afrique subsaharienne, celle-ci n’échappera pas aux critiques qui les qualifient d’élitistes. En effet, lorsque 35 % des hommes et 53 % des femmes demeurent illettrés, on peut questionner le pouvoir du web pour accroître le niveau de développement d’ensemble d’une région. Certains arguent même que l’argent utilisé pour instaurer, dans les pays en développement, une culture Internet aujourd’hui si chère aux Occidentaux, pourrait à la place servir, dans l’intérêt du plus grand nombre, à satisfaire des besoins primaires en matière de nutrition, de santé ou d’éducation. C’est le cas de Bill Gates par exemple, qui, bien qu’à la tête de Microsoft, la plus grande entreprise de software au monde, déclare : « Vous voulez envoyer des ordinateurs en Afrique, pourquoi pas de la nourriture ou l’électricité ? Là-bas, vos ordinateurs ne valent rien ».
Une position contestée par James Moore, conseiller chez Hewlett Packard, qui réplique que l’on essaye au contraire d’envisager ce que les nouvelles technologies de l’information peuvent apporter dans tous les domaines. Reste en effet à savoir si l’Afrique peut se permettre d’être mise de côté dans cette quête mondiale de connectivité. Ne pas apporter sa touche personnelle à un modèle technologique qui promet d’être économiquement et socialement omniprésent peut sans doute se révéler un handicap. Comme l’écrit Samir Amin, membre de la Fondation Tiers Monde de Dakar, dans Enjeux des technologies de la communication en Afrique, le déroulement de l’histoire n’est pas commandé directement par le progrès technique, « l’histoire est davantage celle de la lutte pour le contrôle des usages de ces techniques, qui est finalement un aspect de la lutte sociale, des luttes de classes et des luttes des nations ».

Céline Curiol





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