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31/05/2001
Diversité culturelle : un combat francophone
Ainsi parlent les francophones


(MFI) Cinquante-deux pays sont aujourd’hui réunis sous la bannière francophone. Mais au sein de ce vaste ensemble politique, économique et culturel qui s’étend sur les cinq continents, on répertorie également plus d’une centaine de langues, parlées pour certaines par plusieurs millions de personnes. Au français « langue officielle » s’ajoutent de nombreux modes d’expressions dont l’existence est encore mal reconnue.

La IIIe Conférence ministérielle francophone sur la Culture, les 14 et 15 juin 2001, ne pouvait pas ne pas se pencher sur la question de la survie et du développement des langues partenaires des pays du Sud. S’il est vain à l’heure de la mondialisation de songer à contester la suprématie de l’anglais (entre 500 millions et un milliard d’anglophones selon les estimations), force est de reconnaître l’importance de langues qui, pour n’être point celles des échanges économiques ou de la recherche scientifique, ne comptent pas moins plusieurs millions de pratiquants. Les instituts de linguistiques recensent aujourd’hui environ 125 millions de Francophones sur la planète, dont plus de la moitié se trouve hors de l’hexagone. Pour ces derniers, le français n’est souvent que la langue officielle de l’Etat, celle pratiquée par l’administration, quand leur langue maternelle demeure un outil de communication usuel. L’Afrique francophone, avec plus d’une centaine de langues écrites ou seulement parlées, illustre bien le phénomène.

Un seuil de survie fixé à 100 000 locuteurs

Or, sur l’ensemble du continent, certaines langues, employées par quelques centaines ou quelques milliers de personnes, se trouvent menacées de disparaître. C’est le cas du bulom, pratiqué en Guinée et en Sierra Leone par 6 000 personnes, ou du kanembu au Niger, qui ne compterait plus que 2 200 pratiquants quand le seuil de survie est fixé à 100 000. Certains linguistes n’hésitent pas à affirmer que 200 langues africaines sont en danger. D’autres estiment qu’une dizaine de langues, sur les 6 ou 7 mille répertoriées dans le monde, disparaissent chaque année, entraînant des pertes irréparables pour le patrimoine culturel mondial.
Le phénomène semble irréversible si l’on considère la répartition des langages. Selon le Summer Institute on Linguistics (SIL), 3 % seulement des langues parlées dans le monde sont pratiquées en Europe, quand la moitié d’entres elles le sont dans la région Asie-Pacifique. La palme revenant à la Nouvelle-Guinée où l’on parle environ un millier de langues. Le SIL estime encore que 96 % des langues ne sont employées que par 4 % de la population mondiale, dont 80 % dans un seul pays, tandis qu’une vingtaine de langues seulement sont parlées par plusieurs centaines de millions de personnes et dans plusieurs pays. La moitié de la population mondiale utiliserait chaque jour l’une des huit langues le plus pratiquées que sont le chinois (1,2 milliard), l’anglais (entre 500 millions et 1 milliard), l’hindi (437 millions), l’espagnol (392 millions), le russe (284 millions), l’arabe (225 millions), le portugais (184 millions) et le français (125 millions).

Diversité et identification

En dépit de la relative faiblesse des langues du sud face à l’anglais, que le professeur de linguistique Louis-Jean Calvet définit comme « langue hypercentrale », ou au français, langue « supercentrale », l’espace francophone n’en demeure pas moins le lieu d’une extraordinaire diversité culturelle et linguistique. Des archipels du Pacifique au Vietnam, du Canada à l’Afrique, ou au Maghreb, l’apparente unité francophone recouvre des réalités bien différentes. En France même, la suprématie de la langue officielle est contestée dans les régions à forte identité culturelle, et le basque, le breton ou le corse entendent aujourd’hui se faire une place dans l’enseignement afin d’assurer leur survie.
En Asie, le maintien de la pratique du français ne doit pas faire oublier l’usage du vietnamien par 59 millions de personnes, ou celui du khmer par 4 millions de Cambodgiens. Au Canada, où le français rivalise ave l’anglais, le tlingit (2 000 pratiquants), le tsimshian (1 435 pratiquants) ou l’inuktikut luttent pour leur survie. La langue de Molière cohabite encore avec les arabes dialectaux du Maghreb et du Moyen-Orient et se frotte au saveurs épicées du créole dans les Caraïbes.
L’Afrique n’est pas en reste, qui malgré l’usage du français comme langue officielle pratique des dizaines de langues véhiculaires ou vernaculaires. Le seul Gabon compte une cinquantaine de langues pour 1 million d’habitants. On en recense une centaine au Tchad, vingt-quatre au Cameroun et une soixantaine en Côte d’Ivoire. A l’inverse, le Rwanda et le Burundi demeurent quasiment monolingues. La répartition linguistique africaine reflète largement le découpage territorial issu de la colonisation et les mouvements de populations.

Une vingtaine de langues transnationales en Afrique

Le continent africain compte une vingtaine de langues transnationales pratiquées pour certaines à la fois dans les pays francophones et anglophones. C’est le cas du yoruba, langue partagée par 20 millions d’Africains, au Nigeria mais aussi au Bénin ou au Togo. Le haoussa, que pratiquent près de 40 millions d’Africains, se retrouve au Nigeria et au Ghana, mais aussi au Tchad, au Bénin au Togo et au Cameroun. Le Swahili compte une trentaine de millions de pratiquants répartis en Afrique australe, mais aussi au Kenya, au Burundi, en Centrafrique ou en RDC.
D’autres langues moins répandues connaissent un sort similaire : ainsi le sango (4,9 millions de pratiquants), dont la République centrafricaine a fait sa deuxième langue officielle au côté du français, est-il également pratiqué au Tchad. Le kanuri, (2,5 millions de pratiquants) se retrouve au Niger, au Nigeria et au Tchad. On peut également citer le mossi, (près de 5 millions de pratiquants) que se partagent Maliens et Burkinabés, le senoufo (1,2 millions de pratiquants) que l’on retrouve en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso ou le songhai (1,2 millions de pratiquants) parlé au Niger et au Mali.
Certaines langues comptent également plusieurs millions de pratiquants mais demeurent localisées dans un seul pays. C’est le cas du wolof au Sénégal (3 millions), du bambara au Mali (4 millions), du dioula en Côte d’Ivoire (3 millions) ou du tiv au Cameroun (2 millions). Les linguistes remarquent que ces langues se répandent au fur et à mesure que l’urbanisation augmente. En quittant leur région d’origine, nombre d’Africains adoptent, en plus de leur langue maternelle, la langue la plus répandue en ville. Le wolof au Sénégal, le bambara à Bamako, le lingala ou le munukutuba à Brazzaville fonctionnent désormais comme des instruments d’identification à un mode de vie urbain. Le développement de ces langues auquel se superpose la pratique du français comme langue officielle met en péril la pratique des langages les moins répandus.

Politiques linguistiques

Devant ce constat, les Etats peinent cependant encore à mettre en place de véritables politiques linguistiques. A quelques exceptions près, peu de gouvernements semblent se préoccuper aujourd’hui de la sauvegarde de la diversité des langues et des cultures. L’alerte est cependant donnée. Des intellectuels s’alarment de la disparition de leurs langues et préconisent la création ou la traduction de documents pédagogiques ou d’œuvres littéraires en langues africaines. Toussant Tchitchi, ancien ministre de l’Information et de la Communication du Bénin, écrit : « notre leitmotiv : écrire en langues africaines, traduire des documents de haute portée pédagogique dans les langues africaines, organiser leur édition sur place et leur circuit de distribution, avec l’appui des agences francophones (…) ».
L’Agence intergouvernementale de la Francophonie œuvre dans ce sens. En partenariat avec le RILAC (Réseau international des Langues Africaines et Créoles), elle s’efforce de venir en aide aux Etats qui désirent instaurer une véritable politique des langues et se propose d’aider à la mise en place de réseaux d’études de ces langues et de fournir du matériel pédagogique pour leur enseignement. Des centres nationaux de linguistique chargés d’étudier leurs mouvement et leur évolution pourraient soutenir ces différents projets.
Reste à mettre en œuvre ces différentes politiques rapidement car, pour nombre de ces langues, il est déjà trop tard. « Lorsqu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », écrivait Amadou Hampaté Ba, souvent cité. L’écrivain antillais Raphaël Confiant affirme de son côté : « lorsqu’une langue disparaît, c’est tout un pan de l’imaginaire mondial qui est à jamais perdu. C’est un appauvrissement de l’humanité, un rétrécissement de la conscience ».

Geneviève Fidani





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