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07/02/2002
L’art de la ruse chez les Arabes

(MFI) Infatigable découvreur de textes arabes, René R. Khawam publiait en 1976, Le Livre des Ruses, chatoyant recueil d’anecdotes illustrant l’inépuisable intelligence des Arabes en matière de politique. Sa réédition aujourd’hui devrait inciter les stratèges occidentaux à plus de modestie et de respect dans leurs relations avec les responsables politiques musulmans.


Ecrits par un auteur anonyme, une centaine d’années avant Machiavel, les textes rassemblés dans Le Livre des Ruses démontrent à l’envi que les fiers guerriers du désert pouvaient dès cette époque, et bien avant, se muer en fins diplomates lorsque les circonstances l’exigeaient. Un siècle plus tard, les rusés Florentins n’auront finalement guère innové.
Il est d’autant plus étonnant que les Occidentaux aient à ce point oublié ce que les Arabes étaient en mesure de leur enseigner. Au Moyen-Âge, écrit René Khawam, Frédéric II d’Allemagne allait apprendre l’art de gouverner auprès de politiciens arabes. Machiavel lui-même, a été en contact par les Vénitiens avec les penseurs et stratèges orientaux. Par quel étrange phénomène de « cécité politique et intellectuelle » de la part des Occidentaux l’art de la diplomatie orientale a-t-il ensuite été oublié ? Les réponses seraient multiples. Sans doute était-il commode pour l’Occident de nier le génie de peuples qu’ils entendaient combattre et asservir pour ne mettre en avant que leurs actes de cruauté et leur supposée barbarie.

Des diplomates occidentaux étonnés

Les choses auraient pu en rester là, si la réalité arabe n’était pas brutalement revenue sur le devant de la scène. La période de la décolonisation suivie du choc pétrolier ramène sous les feux de l’actualité ces peuples que l’on tentait de faire passer depuis des siècles pour « un groupe social hétérogène et sclérosé, bon tout juste pour les tâches subalternes et l’exploitation domestique », écrit Khawam. Très vite les diplomates occidentaux avoueront leur étonnement au contact de ces interlocuteurs qui apprennent si vite, feignant d’oublier que leur apprentissage est déjà séculaire et souvent antérieur à celui des Européens.
La ruse, comme en témoignent les textes recueillis dans cet ouvrage, n’est pas pour les Arabes un moyen trivial de tromper l’adversaire ou l’ennemi par des procédés perfides, elle a seulement le mérite aux yeux de ceux qui la pratiquent avec tant de finesse d’être plus gratifiante que la violence, et souvent payante. Chacun de ces textes, écrit René Khawam dans sa préface, est une leçon de psychologie. La connaissance et l’exploitation des faiblesses humaines font souvent plus que l’emploi de la force pour parvenir à ses fins. Et les femme ne sont pas les dernières à en faire usage comme en témoigne l’histoire de l’épouse accusée de vol. A son mari qui lui demande de dire la vérité sous peine de répudiation, l’auteur conseille de répondre : « Par Dieu, j’ai volé ! Par Dieu, je n’ai pas volé ! Elle dit la vérité, qu’elle ait volé ou non. », fait-il remarquer.
Entre paraboles et doctrine politique, cet ouvrage, sans doute écrit entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe, en apprendra long au lecteur sur la finesse d’analyse des Arabes. Souhaitons, avec René Khawam, qu’il puisse « contribuer à faciliter les échanges nécessaires entre deux mondes qui ne peuvent plus continuer à s’ignorer ».

Le Livre des Ruses, édition intégrale établie par René R. Khawam. Phébus libretto, 447 pages, 11,50 €.

Geneviève Fidani

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