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14/02/2002
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Jeunes : quelques vérités sur la « tentation islamiste »
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(MFI) Ils ont grandi dans les banlieues avec un profond sentiment de relégation et d’injustice. Dans le même temps, les associations musulmanes se développaient sur le terrain, rivalisant avec des éducateurs sociaux dépassés ou mal formés. Comment la religion est-elle devenue aujourd’hui un moteur pour tant de jeunes ? C’est la question à laquelle tente de répondre Dounia Bouzar avec son ouvrage L’islam des banlieues.
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Comment des jeunes qui ne connaissent guère les lois de la République française peuvent-ils un jour se soumettre à celles de la religion musulmane ? Les prédicateurs, qui font salle comble à chacune de leurs interventions, sont-ils dangereux ? Un délinquant qui trouve à la mosquée un commencement de réhabilitation finira-t-il obligatoirement dans les rangs des intégristes ? Ces questions et bien d’autres tourmentent les pouvoirs publics et une partie de la population. L’islam, qui est désormais la deuxième religion de l’Hexagone, rassemble trois à quatre millions de fidèles. Son influence sur les plus jeunes grandit régulièrement. Il serait cependant hâtif d’imaginer un phénomène de contagion ou de craindre une inévitable dérive terroriste. Comme le démontre Dounia Bouzar, éducatrice et animatrice de terrain, la tentation islamiste est moins forte chez les jeunes que la volonté de se forger une image nouvelle.
Sentiment d’injustice
Arrestations arbitraires, contrôles d’identité incessants, bavures : trop souvent confrontés à un lancinant sentiment d’injustice les jeunes des banlieues en mal de repère démontrent tous les jours qu’ils ont acquis un réflexe de destruction de la société. Qu’un membre de la communauté soit tué par les forces de police et ce sont plusieurs jours d’émeutes qui s’ensuivent. Dans ce contexte troublé, ce sont parfois les autorités religieuses du quartier qui parviennent à ramener le calme comme ce fut le cas à Lille, en 1999, au moment de la mort de Ryad, un jeune abattu par la police. Face à la montée de la violence, Amar Lasfar, recteur de la mosquée de Lille-Sud a réussi à maintenir le dialogue entre les habitants du quartier et la famille de la victime. A cette occasion, les jeunes ont trouvé refuge à la mosquée, le pire a été évité.
Quelle que soit l’occasion du premier contact avec la religion, les adolescents ont souvent l’impression d’aborder en pays connu après une longue traversée de contrées hostiles. Loin des éducateur sociaux qui ignorent tout de leur mode de vie et de leur culture, les religieux savent communiquer sur des valeurs identitaires positives. L’islam permet alors un accès à l’histoire et à une perception renouvelée de soi et de sa communauté.
L’identité négative (« c’est un arabe, c’est un délinquant ») s’estompe, explique l’auteur, au profit d’une valorisation nouvelle. De la même manière, le sentiment d’isolement souvent aggravé par la crise et le chômage va laisser la place à une sensation d’utilité à la société et d’activité.
La maîtrise de soi, la connaissance de sa propre histoire aident dès lors à se projeter dans l’avenir et soulagent des jeunes qui vivaient jusque-là sans réelle perspective. Le sentiment d’appartenance à la Umma (communauté) va alors se substituer à celui de rejet.
Même les filles
Les filles, de leur côté, voient dans la fréquentation d’associations à caractère religieux et dans le port du hidjab une possibilité d’échapper à la férule des hommes. Considéré comme un retour en arrière par les laïcs, ce mouvement en direction de la religion contribue, écrit Dounia Bouzar, à une forme d’émancipation. L’entrée en islam, témoignent certaines jeunes files, permet d’ouvrir le débat sur les conditions de vie, favorise l’émancipation familiale et par conséquent sociale.
Mais les discours rassurants des prédicateurs qui chantent les vertus de l’intégration sociale ne doivent pas faire oublier le risque de récupération des jeunes par les mouvements intégristes. L’islam, souligne Dounia Bouzar n’est pas dangereux aussi longtemps qu’il n’empêche pas le contact avec les autres structures sociales. Pour empêcher le risque de dérive, pour éviter qu’une exclusion en remplace une autre, il est du devoir des associations musulmanes de prôner la légalité et l’action dans le cadre de la société, conclut l’auteur, mais il importe également que les pouvoirs publics reconnaissent « que d’autres peuvent penser différemment ».
Dounia Bouzar : L’islam des banlieues. Ed. Syros, 180 pages, 15 euros.
Geneviève Fidani
Les nouveaux prédicateurs
(MFI) Au-delà de la nébuleuse des organisations islamiques en France, émergent les figures de deux prédicateurs qui, à coup de rassemblements, écrits, cassettes audio et vidéo ont conquis une large audience tant auprès des adolescents que de leurs parents. Tariq Ramadan, théologien, professeur de philosophie à l’université de Genève, est le petit-fils du fondateur des Frères musulmans Hassan el-Bana. Il participe comme expert à de multiples instances internationales et à de nombreux groupes de travail sur l’Islam en Europe et dans le monde. Il définit le jeune musulman comme un citoyen qui doit faire preuve d’autant de civisme que de fidélité à sa religion.
Hassan Iquioussen est né dans le Nord de la France il y a une trentaine d’années. Son langage direct séduit particulièrement les jeunes. L’islam est selon lui en mesure d’apporter un certain nombre de réponses aux problèmes que posent les banlieues. Comme Tariq Ramadan, il prône un islam réconcilié avec la citoyenneté et engage la jeunesse à assumer ses origines avec fierté tout en participant activement à la vie sociale.
G. F.
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