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14/03/2002
Livres : « L’égyptomanie » est-elle une imposture ?

(MFI) Que la civilisation égyptienne ait été l’une des plus grandes, nul n’en doute. Mais, certains en ont fait un fonds de commerce. Un spécialiste s’indigne.

Ah, l’Egypte ! Prononcez son nom et vous verrez s’illuminer les regards. Des pyramides mystérieuses, une écriture si pittoresque, et puis cette fascination pour le monde des morts et l’au-delà… S’il est un pays qui depuis l’antiquité fait fantasmer ceux qui l’évoquent, c’est bien celui-là. Et c’est justement contre ce sentiment si répandu que s’élève avec vigueur le livre de Roger Caratini. Car ce qu’il appelle « égyptomanie » s’apparente plus pour lui à une maladie – avec ses fièvres, ses obsessions et son monde clos – qu’à la vérité historique dont il veut se faire l’écho. C’est poussé par l’indignation que cet encyclopédiste renommé à qui l’on doit l’encyclopédie Bordas et des livres sur l’Islam ou le monde romain, a pris la plume. Sa démonstration permet de comprendre pourquoi.
L’originalité de la civilisation égyptienne avait déjà séduit les Grecs, au VIIe siècle avant J.-C. Ceux-ci, explorateurs forcenés, avaient été surpris de découvrir qu’ils n’étaient pas le seul peuple civilisé à vivre dans cette région du monde. Hérodote écrira plus tard un livre qui lancera, déjà, une sorte de mode égyptienne qui conduira savants et commerçants grecs à se précipiter en Egypte. Plus tard, c’est à la renaissance qu’apparaissent en Europe des objets d’art égyptiens ainsi que des manuscrits encore illisibles. Leur aspect mystérieux ainsi que les descriptions des temples et des pyramides éveillent peu à peu un intérêt décuplé par l’incompréhension. C’est bien sûr avec l’expédition de Napoléon en Egypte, puis le déchiffrage des hiéroglyphes de la pierre de Rosette par Champollion en 1822 que l’engouement des orientalistes européens pour l’Egypte se déchaîne.
Mais ce n’est pas contre cet intérêt légitime des savants et des archéologues pour une civilisation passionnante que s’élève l’auteur. C’est plutôt contre la voracité des pilleurs de mastabas, l’obsession des antiquaires véreux et la propension des agences touristiques à vendre un pays imaginaire alors qu’on ignore en fait à peu près tout de la véritable histoire de l’Egypte. En comparant cette civilisation à celle de la Mésopotamie ancienne où l’on connaît, grâce aux tablettes couvertes de signes cunéiformes, les moindres détails de la vie quotidienne des Sumériens (4000 ans av. J.-C.), Roger Caratini souligne combien au contraire on connaît mal la culture égyptienne. Ce sont bien les Sumériens qui ont inventé à la fois la vie sédentaire et l’écriture, et non, comme « l’égyptomanie » veut le faire croire, les Egyptiens. Et si les fresques des temples décrivent bien la vie des paysans des bords du Nil, il ne nous est parvenu, contrairement aux civilisations mésopotamiennes, aucun signe d’un système juridique, parlementaire ou social organisé. Selon l’auteur, si l’Egypte ancienne s’est ainsi, sur plusieurs millénaires, caractérisée par un immobilisme historique, c’est dû à l’isolement géographique et à l’inconséquence de pharaons qui ne cherchaient pas le bien de leur peuple mais bien plutôt la permanence de leur statut.
Quant aux prétendus mystères égyptiens, ils ne tiennent pas face aux recherches approfondies des savants : en ce qui concerne les pyramides, constructions il est vrai d’exception, on connaît aujourd’hui à la fois les moyens techniques qui furent mis en œuvre pour les édifier, le nombre impressionnant – des dizaines de milliers d’esclaves et serviteurs – de personnes qui les construisirent ou encore l’architecture cachée de leur soubassements ainsi que leur signification religieuse. Les supposés mystères qui attirent, aujourd’hui encore, les partisans de « l’égyptomanie » ne reflèteraient donc que le désir forcené d’un Occident en mal de croyances magiques.

Roger Caratini : L’égyptomanie, une imposture. Ed. Albin Michel, 264 p., 15,90 euros.

Moïra Sauvage

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