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23/05/2002
Littérature en langues nationales : Les écrivains africains y prennent goût

(MFI) De Djibouti à Dakar, en passant par Bamako, les écrivains veulent donner du rêve à leurs compatriotes dans les langues qu'ils ont « tétées ». Sans pour autant renoncer aux plaisirs de la langue française.

Doomi Golo, ou Les petits de la guenon. Ainsi s'intitule le premier roman en wolof de l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, qui a étudié cette langue à l'université dans les années 70. « Nous avons plus de chances, au Sénégal. Nous avons six langues nationales codifiées ». Au Sénégal où il y avait, avant la colonisation, une littérature. « Aujourd'hui, avec les caractères latins, bon nombre de Sénégalais déclinent allègrement sur du papier le sérère, le diola, le madenka, ou le wolof », précise Boris Diop. Il se veut, en la matière, l'un des enfants de Cheick Anta Diop. Il a un « frère », Seydou N'Diaye, avec lequel au sein de l'association Papyrus il oeuvre à la promotion de la littérature en langues nationales au Sénégal.
L'écrivain djiboutien Idriss Youssouf Elmi écrit quant à lui en langue somali et en français. Ses ouvrages en langue somali sont des publications locales lues ou chantées. Pour lui, la question est toute simple. Il a « tété » la langue somalie. La langue française était là par le biais de la colonisation. « Elle n'était pas à l'intérieur de ma maison, elle était là comme un mendiant devant ma porte. Je l'ai accueillie, comme on accueille l'étranger devant sa porte », explique-t-il de façon imagée. Pour lui, tout homme a sa façon de dire la beauté dans sa langue. « Les deux langues m'ont permis d'être ce que je suis, mais quand j'écris le somali, je puise dans mon humus ».

Pourquoi avons-nous honte de nos langues ?

Pour Boris Diop, écrire en wolof devenait une nécessité. Il faut, souligne-t-il, coûte que coûte sauver les langues nationales qui sont en grand péril. L'écrivain sénégalais s'en prend surtout aux élites de son pays. « Ils vivent dans les quartiers chics. Et maintenant, c'est devenu chic de ne plus pouvoir parler le wolof ». A Paris, à Dakar, il est fou de rage de voir des jeunes gens qui ne parlent plus le wolof. Dans certaines écoles, au Sénégal, il est même interdit de parler sa langue. « Pourquoi avons-nous honte de nos langues quand on sait que partout dans le monde, il y a des guerres civiles à cause des langues nationales ? ». Il cite à titre d'exemple le Kosovo, la Corse, ou le pays basque. Le phénomène à ses yeux est certes minoritaire, car ne concernant qu'une partie seulement de la population. « Mais une minorité sensible car il s'agit de l'élite donc des dirigeants de demain ».
Pourtant, la demande est forte, révèle l'écrivain et éditeur malien Moussa Konaté. Le Figuier, sa structure éditrice sise au quartier Badalabougou, à Bamako, reçoit souvent des lecteurs peu ordinaires, à savoir les paysans alphabétisés en langues nationales, venus acheter des livres publiés en bambara, peul, soninké, tamashek, etc. Egalement directeur du festival étonnants voyageurs Afrique, Moussa Konaté entend donner plus de place aux langues nationales aux prochaines éditions de ce festival qui est en train de devenir une des rencontres littéraires les plus importantes du continent. « J'intégrerai des cafés littéraires à la manifestation » envisage-t-il, pour intéresser le maximum de Bamakois.
Pourquoi au fond écrire en wolof ? « C'est pour produire du sens, de l'émotion », argue Boubacar Boris Diop. « Les mots viennent vraiment de mon enfance, de mon passé. A la limite, je pense en écrivant aux personnes que j'ai aimées, qui sont mortes, comme ma mère. J'écris pour parler à ma mère qui est morte ». Quant à Idriss Elmi, il écrit dans sa langue pour mettre à la portée des siens la beauté des autres. Ce va et vient entre les deux langues lui est nécessaire. « Je lisais le français et je pleurais avec Cosette, c'est avec Gavroche que j'ai fait la révolution ».

Une littérature qui peut aussi être commerciale

Oui, la littérature en langues nationales « vend », se convainc encore Idriss Elmi. A preuve, Afra, ce grand écrivain somalien qui a vendu 100 000 exemplaires de l'un de ses best-sellers… « un record jamais atteint par un auteur francophone ou anglophone en Somalie ». S'il est rare de rencontrer en Afrique des écrivains « vivant de leur plume », en Ethiopie, Idriss Elmi indique que sur une population de 6 millions de lecteurs (pour les 60 millions d’Ethiopiens), un écrivain peut vendre 500 000 livres écrits en langue amharique. Mais la Somalie et l'Ethiopie ont fait un travail énorme : « ils produisent et vendent sur place, les écrivains vivent dans leurs pays, n'ont pas à se stresser en cherchant à se faire vendre ailleurs ». Pour Boubacar Boris Diop, aucun écrivain ne doit se poser la question des circuits commerciaux. « Ce problème concerne le consommateur. Moi j'ai choisi le point de vue du producteur ».

Awany Sylla

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