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18/07/2002
Couleurs du monde… à l’heure mondiale

(MFI) Un livre pour faire la louange des différences entre les peuples… Le journaliste Pierre-Edouard Deldique est attentif, comme c’était le cas dans son précédent ouvrage, aux images que les nations s’échangent entre elles.

Qu’il s’agisse, comme dans les Têtes de Turcs (1), de préjugés ou de clichés touristiques plus ou moins valides, ou de ce qui résiste à l’uniformisation galopante, son propos reste celui-ci : la planète est un kaléidoscope de mœurs et de situations qui doit nous réjouir plutôt que nous inquiéter. Ces courtes chroniques, qui laissent le plus souvent la parole aux habitants des pays passés en revue, s’efforcent de confronter bien des aspects contradictoires : d’une part ceux qui témoignent des changements en cours, parfois accusés, dans un secteur particulier, par les facteurs de mondialisation, spécialement par ces « traces tangibles de la consommation » de masse qui envahissent le cœur des grandes capitales… et d’autre part les traits toujours si caractéristiques des peuples, qui demeurent, même s’il faut le plus souvent les nuancer.
Il s’en dégage une impression, dans tous les cas, de forte originalité qui témoigne de la persistance des spécificités culturelles par-delà tous les éléments d’homogénéisation. Tout ceci étant à considérer avec l’élémentaire prudence de celui qui veut aller au-delà des idées reçues, idées reçues d’ailleurs complaisamment exploitées par les intéressés eux-mêmes, lorsqu’il s’agit, par exemple, de « vendre » un pays par de fortes (et simplistes) actions de marketing touristique. Oui, mais finalement, conclut l’auteur, « quand on oublie la publicité, éteint la télévision, quitte les quartiers branchés ou les quartiers d’affaires des capitales, le monde paraît beaucoup plus riche, coloré, foisonnant que prévu. »
De ce plaidoyer (la mondialisation n’a pas aboli les différences entre les peuples), nous proposons une illustration à propos de l’Europe, cette communauté de nations qui ont choisi de lier leur destin, tout en préservant ce qui fait chaque identité particulière, celle-ci étant sujette à évolutions…


Extrait…

“Au cours de ce bref voyage dans les habitudes des peuples, en Europe surtout, mes interlocuteurs n’ont eu de cesse de m’avertir. Oui, les pays ont encore une personnalité malgré les changements survenus depuis la guerre, mais aujourd’hui, les jeunes du monde se ressemblent tous. Ils s’habillent de la même façon, écoutent la même musique. Ils ont les mêmes repères. Eux vont oublier les différences qui font la singularité des peuples. A voir. J’en connais beaucoup qui, tout en vivant au diapason des modes culturelles transnationales, tiennent aussi à leurs origines.
Quoi qu’il en soit, la commission de Bruxelles a cru bon de créer sur son site Internet, des fiches intitulées « jeunes d’Europe » dans lesquelles chaque pays de l’Union est décrit en quelques lignes sous la rubrique « traditions ». Avec un accent mis sur la gastronomie. Sans doute pour les détourner des McDo.
Quelque chose m’a étonné dans ces pages lues sur le web, c’est l’écart entre la modernité de l’outil électronique et le conformisme des informations qu’il fournit. Il y a un côté images d’Epinal dans tout cela. Mais elles ont un mérite : tenter de présenter l’Europe non comme une abstraction mais comme la rencontre de peuples avec leurs habitudes. Jugez-en :
– « Les fêtes allemandes sont nombreuses : septembre est le mois des fêtes viticoles ; la fête de la bière de Munich anime, seize jours durant, des centaines de brasseries (…) En décembre, les marchés de Noël regorgent de toutes sortes de décorations (…) Les carnavals de Bonn, Cologne, Düsseldorf ou Mayence s’accompagnent de parades et bals masqués. Les spécialités culinaires régionales sont variées : la charcuterie est présente un peu partout (…).

– L’Italie est le pays des pâtes : les spaghetti, les tortellini, les tagliatelles accompagnées de sauce tomate et de fromage (mozzarella, parmesan…). Les spécialités régionales italiennes sont consommées dans le monde entier : jambon de Parme, pizza, vins et le café espresso, envié de tous (…).

– Les Irlandais célèbrent joyeusement toutes les fêtes et plus particulièrement la fête nationale, la Saint Patrick le 17 mars (…). Ils se retrouvent souvent dans les pubs où ils boivent de la bière (Guiness ou Murphy’s) ou du whisky irlandais. En cuisine, les plats les plus connus sont l’irish stew, un ragoût de mouton et le spring lamb fait d’agneau rôti (…).

– Jeux de balles et de boules sont très répandus en Belgique (…) Le cyclisme est très populaire (…). Quelques plats régionaux méritent d’être connus : les grives à la liégeoise, le lapin aux cerises (…). La bière est la boisson nationale (plus de 350 variétés). Le chocolat belge et les speculoos sont réputés (…) ».

Ainsi la vieille Europe tendrait-elle à s’uniformiser ? « Pour vivre dans l’Union européenne, chaque pays doit faire le sacrifice au moins partiel des traditions locales qui n’entrent pas dans l’épure bruxelloise, arbitre des élégances en matière de mœurs », lit-on par exemple sous la plume de Guy Baret dans Le Figaro.
Si l’Europe fait disparaître la chasse et impose la rigueur et la transparence aux Français, tant mieux. Quant au reste, à y bien regarder, il n’est pas certain que cet arbitre des élégances impose le gris à la place de couleurs chatoyantes sur notre continent. Au contraire. Les Européens cherchent à préserver leur patrimoine national à mesure que l’influence de Bruxelles grandit.
Regardez le pays de Galles. Ses trois millions d’habitants entendent désormais défendre leur langue comme les Basques, les Catalans ou les Bretons. Y compris sur le web. On pourra donc découvrir les mots de cette langue. Ses noms aussi. Comme celui d’un village du Nord :
LLANFAIRPWLLGWYNGYLLGOGERYCHWYRNDROBWLLLLANTYSILIOGOGOCH. Uniformisation du monde ?
Même un voyageur intransigeant comme Michel Déon voit encore une permanence de caractère quand il parle, par exemple, des Hellènes : « Un peuple est à l’image de ses horizons et la Grèce est un pays de douceur et d’aridité mêlées qui façonnent les âmes. La configuration géologique du continent, la multiplicité des îles ont créé en trois millénaires des particularismes que même le grand souffle d’uniformisation du XXe siècle n’a pas réussi à éteindre. »
Quant à l’euro, ne nous offre-t-il pas, à ce point de notre voyage une formidable illustration ? Chaque pays a en effet fabriqué des pièces semblables côté pile mais différentes côté face, choisissant de mettre en valeur une identité, une culture, un patrimoine sur cette monnaie unique.
Les pièces frappées par la Grèce représentent par exemple la déesse Europe enlevée par Zeus. L’Autriche a choisi Mozart, l’Espagne Cervantes, l’Irlande la harpe celtique. La France, elle, est restée fidèle à la semeuse. Et toutes vont de porte-monnaie en porte-monnaie à l’intérieur des frontières de l’union, messagères de l’union mais aussi de particularités. Beau symbole. Ironique aussi. Comme le note Julie, une étudiante française : « Il est amusant de payer sa baguette avec le roi des Belges et d’aller au cinéma avec la Vénus de Botticelli »”.


(Couleurs du Monde, petit voyage au cœur des habitudes des peuples, extrait p. 37-39, Editions Pierre Horay, 22 bis passage Dauphine, 75006 Paris. 12 euros.)

(1) Les Têtes de Turcs, Horay, 2000.




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