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14/11/2002
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Livres : Alliance pour une autre mondialisation
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(MFI) Une initiative voit le jour qui mérite d’être saluée, et suivie de près : douze éditeurs du Nord et du Sud s’allient pour proposer des ouvrages courts et critiques qui permettront de mieux comprendre notre monde troublé.
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Une fois n’est pas coutume, il convient d’expliquer le nom de l’éditeur avant de parler du livre lui-même. Cette nouvelle maison qui s’appelle « Alliance des éditeurs indépendants pour une autre mondialisation » annonce dans son intitulé tout un programme. Et une expérience pionnière affirment, non sans raison, ses promoteurs. Grâce à la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme, une institution basée à Paris et bien connue de nombre d’Ong qui ont déjà bénéficié de son aide, douze éditeurs francophones du Nord et du Sud (1) ont décidé de créer ensemble une collection d’ouvrages de lutte contre les formes dominantes de la mondialisation. Trois titres ont déjà paru sous leur égide : Graines suspectes, consacré aux aliments transgéniques, Le commerce de la faim et Mondialisation financière et terrorisme. Le « concept » de la collection : des ouvrages courts, écrits par des spécialistes militants qui tentent de récuser – arguments dûment peaufinés à l’appui – les discours libéraux sur les problèmes de notre temps.
Mais cette initiative ne veut pas seulement innover par son contenu. Elle souhaite aussi élargir les espaces du commerce équitable en pratiquant des prix de vente différents dans les pays du Nord et du Sud. Se voulant enfin « une alternative à la concentration financière de l’édition », elle souhaite démontrer qu’il n’est pas besoin d’être une multinationale pour publier ses livres dans une série de langues. Grâce à la complicité de l’éditeur britannique Zed Books, ils existent aussi en anglais, et les éditions Vozes vont les publier en portugais. Des pistes sont ouvertes pour des versions en arabe, en chinois, en espagnol et en japonais. Ainsi, cette collection sur les enjeux de la mondialisation pourrait bientôt devenir une collection mondiale.
Ces enjeux, pourtant, dessinent un monde bien sombre, où les sujets d’optimisme ne sont pas légion. C’est en tout cas ce que montre l’ouvrage de René Passet, pour lequel le terrorisme international version Ben Laden est avant tout l’enfant des inégalités produites par le système dominant. On peut souscrire sans difficulté à certains de ses constats et lui donner acte du fait que « le système sait produire mais non partager ». Mais l’ensemble de son raisonnement est trop rapide et trop superficiel pour convaincre vraiment. A le suivre, toutes les tares du monde actuel seraient dues au triomphe de la sphère financière dans le capitalisme d’aujourd’hui, et à la position hégémonique des Etats-Unis. On sait les ravages qu’occasionne le tout-financier planétaire, mais on conviendra que ni la pauvreté, ni le saccage de l’environnement, ni la religion de la consommation n’ont commencé avec lui. On s’étonnera aussi du silence de l’auteur sur l’Europe, lui permettant de mettre en lumière la seule nocivité américaine. Selon René Passet, le système socio-économique idéal serait en définitive le capitalisme d’Etat, sorte de paradis paternaliste sans conflit auquel il faudrait rapidement revenir.
Sinon, avertit-il, le terrorisme poursuivra son expansion sur le terreau de la pauvreté et Ben Laden continuera d’apparaître comme « une conscience du monde arabe ». Les démocrates de cette région, qui tentent de se battre sur les deux fronts de l’hégémonie américaine et des mouvements obscurantistes endogènes, apprécieront.
Sophie Bessis
René Passet (avec la collaboration de Jean Liberman) : Mondialisation financière et terrorisme, la donne a-t-elle changé depuis le 11 septembre ? Alliance des éditeurs indépendants, collection « Enjeux Planète », 175 p.
(1) Les éditions de l’Atelier, Cérès éditions (Tunisie), Editions Ruisseaux d’Afrique, Editions Luc Pire, Les éditions Ecosociété, Editions Jamana (Mali), Editions Ganndal, Tarik éditions (Maroc), Editions Eburnie, Presses universitaires d’Afrique, En Bas, et bien sûr les Editions Charles Léopold Mayer.
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