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20/12/2002
Métallurgie africaine : un « savoir-fer » vieux de 2500 ans

(MFI) Contrairement à une idée reçue, les Africains au sud du Sahara maîtrisent les procédés de fabrication du fer depuis la très haute antiquité. Ils livraient même des lingots de ce métal aux pharaons !

La métallurgie n’a pas été introduite en Afrique noire par d’autres civilisations : les Africains au sud du Sahara ont élaboré eux-mêmes les procédés de fabrication du fer depuis la très haute antiquité, dans des bas fourneaux qui permettaient d’atteindre les températures supérieures à 1 000 degrés nécessaires à la réduction du minerai. C’est ce qu’ont confirmé les travaux d’un colloque organisé par l’Unesco en 1999 qui a réuni des spécialistes africains et européens dont les contributions ont été rassemblées dans un ouvrage intitulé Aux origines de la métallurgie du fer en Afrique, publié sous la direction de l’archéologue sénégalais Hamady Bocoum.
Plusieurs contributions écartent d’abord les hypothèses jusqu’ici largement répandues selon lesquelles la métallurgie aurait été introduite en Afrique soit à partir du Soudan méroïtique soit à partir de Carthage, ou encore à partir de la Mauritanie où le cuivre d’Akjout a commencé à être exploité des siècles bien avant Jésus-Christ. La datation au carbone 14 des scories et autres éléments retrouvés dans les vestiges des bas fourneaux africains (au Nigeria, au Niger, au Cameroun) permettent d’affirmer que la métallurgie africaine est vieille d’au moins 2500 ans.
Ce n’est pas le moindre mérite des spécialistes réunis pour ce colloque que d’avoir fait aussi œuvre d’historiens et d’anthropologues. On apprend par exemple qu’une lettre adressée au pharaon Ramsès II faisait état du retard d’une livraison de lingots de fer. Que le forgeron du grand chef militaire Samory avait réussi à fabriquer un fusil à dix coups en copiant les armes à répétition qu’il avait vues à l’arsenal français de Saint Louis du Sénégal. On apprend aussi que les bas-fourneaux africains sont symboliquement perçus comme des êtres humains : la plupart s’ornent de seins modelés dans la terre de leur paroi extérieure, la fonte est l’enfant de la femme-fourneau et les scories le placenta. Quant au soufflet à deux chambres qui avive le feu, il est assimilé à un pénis avec ses testicules. La traite négrière, apprend-on encore, a eu des répercussions sur la métallurgie africaine : la pénurie de main d’œuvre qu’elle a entraînée a amené les métallurgistes africains à inventer les fours à combustion lente auto-ventilés, qui permettaient de se passer de manieurs de soufflet.
Comme partout ailleurs dans le monde, la métallurgie, qui produisait le fer à la fois pour les outils des agriculteurs et les armes des guerriers, a assuré la supériorité militaire des peuples qui surent la développer, comme par exemple les Yoruba du Nigeria au temps d’Oduduwa, le fondateur mythique de leur nation. Les relations entre métallurgistes et forgerons ont fourni aux auteurs de l’ouvrage un autre sujet d’étude : généralement, les premiers n’appartenaient pas à une caste déterminée comme les seconds, mais dans certaines ethnies les forgerons étaient aussi métallurgistes. Bien entendu, la colonisation, avec l’importation de lingots de fer d’ Europe, a sonné le glas de la métallurgie africaine qui a cependant perduré jusqu’au début du siècle dernier.
Ainsi l’histoire de la production et du travail du fer en Afrique est-elle riche d’enseignements sur l’évolution des sociétés africaines.

Aux origines de la métallurgie du fer en Afrique – Une ancienneté méconnue, sous la direction d’Hamady Bocoum, Editions UNESCO, 240 p., 22 euros.

Claude Wauthier

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