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17/07/2003
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Libanais d’Afrique (2) : Sénégal : Haïdar El Ali, « homme de l’année 2002 »
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(MFI) Au Sénégal, on leur reproche de ne pas assez se mêler à la population locale, de chercher un peu trop à faire des affaires. L’exemple d’Haïdar El Ali coupe court aux idées toutes faites.
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Les tempes grises, le regard vif et assuré, le visage marqué par le soleil, Haïdar El Ali est devenu, ces dernières années, une figure populaire au Sénégal. Cela peut ressembler à un exploit lorsque l’on connaît l’image négative dont souffrent habituellement ses compatriotes libanais. Il faut dire que l’homme sort de l’ordinaire et possède un état d’esprit particulier : « Je ne me considère pas comme un Libanais, ni comme un Sénégalais. Je suis un peu libanais, un peu sénégalais. Mais je suis surtout un citoyen du monde », annonce-t-il.
D’ailleurs, il aurait très bien pu ne jamais connaître le Sénégal : c’est par hasard que ses parents ont un jour débarqué sur le port de Dakar. « Ils étaient tout jeunes et ne comprenaient pas un mot de français. Depuis le Liban, alors sous protectorat français, ils avaient pris un bateau pour Marseille. De là, ils devaient en prendre un autre pour aller en Amérique », raconte Haïdar. Mais le destin leur joue un tour. Sans le savoir, les deux jeunes gens se retrouvent dans un bateau en partance vers le continent africain. « Au début, ils ne comprenaient pas ce qui se passait et s’étonnaient de voir que tous les Américains étaient noirs », s’amuse encore aujourd’hui Haïdar. N’ayant pas les moyens de retenter l’aventure américaine, le couple a dû s’installer définitivement au Sénégal.
Elu homme de l’année par les journalistes de la RTS
Finalement, leur histoire n’aura pas trop mal tourné : un peu plus de cinquante ans plus tard, leur fils Haïdar, né en 1953 à Louga, a en effet été élu « homme de l’année 2002 » par les journalistes de la Radio-Télévision sénégalaise (RTS). Et ce, pour avoir dirigé l’équipe de plongeurs partis à la recherche d’éventuels survivants au lendemain du naufrage du ferry sénégalais, le Joola, en septembre 2002.
Le Liban est désormais très loin. Haïdar n’y est d’ailleurs allé qu’une seule fois. Pour lui, aucun doute, les Libanais constituent une ethnie sénégalaise au même titre que les Diolas, les Wolofs ou les Lébous. « Les Libanais sont arrivés il y a si longtemps au Sénégal ! On vit en symbiose parfaite avec notre environnement », explique-t-il. La formule est particulièrement bien choisie pour lui : ni homme d’affaires, ni propriétaire d’un restaurant ou d’un magasin comme le sont beaucoup des 30 000 Libano-Sénégalais que compte le Sénégal, Haïdar consacre en effet tout son temps à la défense de l’environnement.
Tout a commencé par la découverte de l’océan alors qu’il était enfant et s’était perdu dans Dakar. Fasciné par ce nouvel univers, il ne l’a plus jamais quitté. Aujourd’hui à la tête de l’Océanium, une organisation non gouvernementale de protection de la faune et de la flore marine qu’il a rejointe un an après sa création, en 1985, l’homme est connu pour ses coups de gueule.
Une ethnie comme une autre
Le non-respect du repos biologique du cymbium, un mollusque utilisé dans le plat national, le thieboudien, la pêche à l’explosif, les licences de pêche délivrées en secret à des sociétés étrangères, la pollution industrielle, l’utilisation abusive du bois de dimb pour faire des djembes destinés à l’exportation, les règles commerciales inéquitables imposées par les multinationales… Ses sujets d’inquiétude et de révolte sont nombreux. Ses projets et ses réalisations aussi. L’Océanium est ainsi en train de mettre en place quatre aires maritimes protégées dans les eaux sénégalaises.
Depuis deux ans, Haïdar va plus loin : il fait désormais de la politique en occupant la place de numéro deux du Rassemblement des écologistes du Sénégal, « les Verts », nés fin 1999. « On ne peut pas atteindre de résultat concret sans faire de politique, sans entrer à l’Assemblée nationale pour décider des lois. Aujourd’hui, ceux qui décident sont incompétents et ne se rendent pas compte de la dégradation du milieu naturel. On ne peut plus attendre de voir le changement promis lors de l’élection d’Abdoulaye Wade. On veut aider à le provoquer », explique-t-il.
Un jour ministre de l’Environnement, Haïdar ? Ce n’est pas impossible ! Récemment, le Premier ministre Idrissa Seck lui a suggéré cette idée. Et Haïdar promet qu’il ne se défilera pas le moment venu. « Attention, ce sera pour travailler et pas pour palabrer dans un bureau climatisé, ni porter de jolis costumes ! », prévient-il. Si ce projet se réalisait, il serait le premier Sénégalais d’origine libanaise à occuper un ministère (la communauté libanaise compte jusqu’ici un maire ex-député, un ancien conseiller de l’ex-président Abdou Diouf et le responsable et l’initiateur d’un parti politique, Démocratie Citoyenne, né en 2000). Ce serait aussi la preuve que les Libanais constituent bien une ethnie comme une autre au Sénégal.
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Fanny Pigeaud
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