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24/07/2003
Libanais d’Afrique (3): Gabon : le lucratif créneau des véhicules d’occasion

(MFI) Après l’agroalimentaire et l’électroménager, les hommes d’affaires libanais du Gabon se sont lancés dans l’automobile d’occasion. Leur tendance à contourner la loi dans ce domaine agace.

Implantée sur un ancien terrain vague face au front de mer, à deux pas de l’aéroport de Libreville, la SA Sirène occupe une place de choix dans la vente de voitures d’occasion. Le maître des lieux, Ali Yati, un Libanais d’une quarantaine d’années, l’a créée en 1998. Comme d’autres de ses pairs, qui étaient auparavant dans l’agroalimentaire ou l’électroménager, il s’est reconverti dans ce commerce juteux. Signes distinctifs : les panneaux triangulaires rouge et blanc posés au dessus des voitures et, dans un coin du terrain grillagé, un petit local qui fait office de bureau. Ici, on trouve une trentaine de voitures de grandes marques européennes et japonaises : Mercedes, Toyota, BMW, Mitsubishi, Peugeot… Toutes affichées à un prix allant de 1,5 million à 5 millions de francs CFA, selon l’état et la qualité du véhicule.
Depuis 1996, le nombre d’importateurs de voitures d’occasion a explosé. Visibles dans presque tous les quartiers de la capitale gabonaise, ces commerces appartiennent, en majorité, à des Libanais associés ou non à des Gabonais. « Le problème avec les Libanais, affirme un Libanais né au Gabon et travaillant dans l’équipement automobile, c’est que dès qu’ils flairent que quelque chose marche bien, ils se jettent tous là-dessus. » Le principe d’ouverture semble simple : un capital de départ, une patente, un enclos loué, un petit personnel, un nom pour l’entreprise – le plus souvent quelques initiales – et bien évidemment un fournisseur, allemand ou belge en général. A l’en croire, Ali Yati fait partie des premiers à s’être lancé dans ce commerce. « Quand j’ai commencé, on vendait 10 à 12 voitures par mois. Aujourd’hui, on en vend seulement la moitié », finit-il par préciser.

Des factures « bizarres » présentées à la douane

Chose certaine, les commerçants libanais ont compris que les Gabonais ne se font pas prier pour s’offrir de belles voitures. « Alors que les concessionnaires agréés vendaient 2 563 véhicules neufs en 2000, les importateurs de véhicules d’occasion en écoulaient entre 4 000 et 5 000 », note une étude de la Mission économique de Libreville (service de l’Ambassade de France) datée de décembre 2002. De quoi rendre fou furieux les douze concessionnaires officiels représentant essentiellement des marques françaises, allemandes et japonaises. Regroupés au sein de l’Union des Représentants de l’Automobile et de l’Industrie (URAI), ils ont poussé les autorités locales à réglementer davantage ce commerce.
Un décret de juillet 2001 interdit désormais d’importer des véhicules d’occasion de plus de quatre ans. Mais cette loi est sans cesse contournée. « Les factures que ces importateurs nous présentent à la Douane sont bizarres, souligne Rigobert Ndzeyi, directeur de la réglementation au ministère des Finances. Leur fournisseur leur délivre des factures minorées pour qu’ils puissent payer moins de taxes à l’arrivée. » En plus, ajoute Brice Adandé, statisticien à la Douane, « on ne sait pas d’où ces véhicules viennent ». Les autorités gabonaises ne peuvent pourtant prouver qu’il s’agit de voitures volées. Une présomption de culpabilité pèse sur les Libanais « parce que de nombreux commerçants libanais ont des méthodes peu recommandables », soutient-on à la Direction générale du commerce. Pour sa part, Interpol reconnaît que « le trafic illicite de véhicules est une forme de crime organisé qui génère de très larges profits, sommes aussitôt blanchies dans le commerce parallèle ». Mais l’organisation de police ne met pas directement en cause des commerçants libanais ou le Gabon comme pays débouché.

« Ca revient moins cher pour les consommateurs »

Quoiqu’il en soit, ces voitures d’occasion sont une panacée pour les clients qui ont vu leur pouvoir d’achat s’effondrer depuis la dévaluation du FCFA en 1994. Du mackaya (pauvre) au « grand type », de moins en moins de Gabonais ont les moyens de contracter des crédits bancaires pour acheter des voitures neuves qui coûtent de 9 à 50 millions de FCFA, voire plus. « Ici on se dit qu’il vaut mieux avoir un cercueil ambulant que d’être à pied, affirme un usager, même si quelques mois après l’achat, on dépense souvent beaucoup en réparations .» Un haut fonctionnaire de la Douane estime donc que « le Gabon n’a pas intérêt à lutter contre la "contrefaçon", parce qu’on n’a pas d’industrie automobile, et sur le plan social, ça revient moins cher pour les consommateurs ». Reste que ce nouveau créneau entretient l’image caricaturale de la communauté libanaise du Gabon, forte de 6000 âmes. Pour l’homme de la rue, le Libanais continue d’être « celui qui arrive toujours à ouvrir n’importe quel commerce, par tous les moyens, et avec l’aide de l’Etat ».

Luc Ngowet

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