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12/09/2003
Sommet mondial sur la société de l’information (1)
Transformer la fracture numérique en opportunité numérique


(MFI) Genève accueillera, du 10 au 12 décembre prochains, la première phase du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). La deuxième aura lieu à Tunis en 2005. Adama Samassékou, ancien ministre de l’éducation du Mali, a été élu président du Comité préparatoire du SMSI. Il souligne l’importance et les enjeux de cette rencontre appelée à déterminer comment les avantages tirés des nouveaux moyens de communication seront exploités demain.

MFI : Quelle est l’importance du Sommet mondial sur la société de l’information ?

Adama Samassékou : Le SMSI sera, pour plusieurs raisons, un événement exceptionnel. D’abord parce qu’il traite d’une matière – la société mondiale de l’information – qui mérite que soit bâtie une vision partagée par les divers acteurs concernés. Ensuite parce que c’est la première fois que les Nations unies organisent un sommet en 2 phases séparées de deux ans, ce qui donne des opportunités particulières. Egalement parce que, conformément à la résolution de l’Assemblée générale qui l’a convoqué, ce sommet veut adopter, à toutes les étapes, une approche inclusive de tous les acteurs impliqués : gouvernements, sociétés civiles, secteur privé et organisations inter-gouvernementales.
Sommet exceptionnel et spécial enfin, parce que c’est l’occasion unique, pour la communauté internationale, de redonner de l’espérance aux populations du monde, en offrant comme vision de la société de l’information qui s’annonce celle d’une société de la connaissance et des savoirs partagés. Pour aboutir à cela, il faut que la problématique du développement soit au cœur de ce sommet.


Quels sont les grands enjeux de la rencontre ?

Ils sont au nombre de trois. Premièrement, il s’agit de transformer la fracture numérique en opportunité numérique pour l’ensemble de l’humanité, notamment pour la majorité de celle-ci, qui vit au Sud, mais aussi pour les groupes marginalisés du monde industrialisé : près de 80 % de la population mondiale est hors-jeu quant on parle d’internet. Il y a, en outre, d’autres technologies plus classiques à remobiliser dans une perspective de convergence pour que la connectivité, l’accès à l’information et la capacité d’en générer soient offerts à tous.
Ce qui amène au deuxième enjeu du sommet : la promotion de la diversité culturelle et linguistique, pour que toutes les populations puissent avoir accès à l’information, la traiter dans leur langue et enrichir le monde de leur culture, de leurs savoirs et savoir-faire. Toute société produit déjà sa connaissance, la dimension nouvelle et importante, c’est celle du partage. J’insiste, parce que c’est fondamental.
Troisième enjeu, fondamental également : comment accélérer la réalisation des objectifs du Millénaire de lutte contre la pauvreté. Même si, au sommet de Johannesburg, la déception de certains, notamment des membres de la société civile, était perceptible, le constat a été unanime : il est inadmissible que nous continuions, dix ans après Rio, à voir les pays riches devenir de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus pauvres. Le SMSI est une chance exceptionnelle d’accélérer les choses, de sorte que dans le délai imparti – 2015 – nous puissions aboutir à une société où l’éducation et la santé pour tous se développent, où les questions d’eau potable, de développement rural, de commerce équilibré auront été résolues. On peut par exemple travailler à donner la possibilité à chaque producteur de par le monde de se connecter et vendre ses produits sans se déplacer… Il y a un potentiel formidable.
Tout ceci donne du contenu à ce concept de société mondiale de l’information, encore nébuleux pour certains. C’est pourquoi, d’ailleurs, nous devrions l’appeler autrement. J’admets que pour la 1ère phase on parle de société de l’information – à cause des technologies du même nom – pour aboutir dans la 2è phase au concept de société de la connaissance et des savoirs partagés. Nous pourrions formaliser cela à Tunis.


Quels sont les résultats de votre réunion à Paris en juillet dernier ?

Les conférences préparatoires régionales ont apporté de riches contributions. Le comité préparatoire PrepCom 2, réuni en février 2003, en a tiré une première version de la déclaration de principes et du plan d’action, les documents de base que nous devons adopter à Genève en décembre. La réunion de Paris avait pour but de peaufiner cette première version. Il s’agissait d’entrer vraiment dans la substance, de négocier pour rapprocher les visions. De ce point de vue, nos attentes ont été comblées. Nous sommes arrivés à Paris avec une déclaration d’une quarantaine de pages, elle en compte désormais une dizaine : c’est pas mal, car une bonne déclaration, c’est au final 4 à 6 pages. Une réécriture de cette déclaration doit se faire en septembre, lors du PrepCom 3.
Quant au plan d’action, c’est un document qui doit rester ouvert. Car l’idée est que nous ayons des actions concrètes à proposer dès Genève, pour montrer que le rêve des gens que la connectivité universelle fasse progresser le développement humain et durable est réaliste. Il s’agit d’amplifier les actions en cours, d’identifier les propositions de partenariat et de les mettre en oeuvre afin qu’à Tunis nous puissions voir des résultats concrets, à élargir ensuite. Le plan d’action doit montrer cette perspective. Nous avons quitté Paris avec une structure très claire de plan d’action.
L’ambiance dans la salle était exceptionnellement bonne. Le défi de ce sommet, c’est aussi de le faire sans crise. Nous avons eu des sommets avec des ruptures… J’ai appelé à une concertation efficace et à une écoute active. On entend un certain nombre de préoccupations des observateurs, en particulier de la société civile, légitimes d’ailleurs : j’ai souhaité qu’elles s’expriment dans une atmosphère qui ne soit pas de frustration, de non-compréhension, et cette ambiance à Paris en a fait la démonstration. Je souhaite que Genève ne soit pas le sommet des fractures, mais celui des solidarités.


Quelles grandes controverses risquent d’agiter le Sommet ?

Elles sont déjà apparentes et vont l’être de plus en plus. Mais c’est bien, cela permet de cibler les points de négociation les plus difficiles. Entre autres, on peut citer la tension entre le droit de communiquer et le droit d’expression, entre le point de vue des médias et celui des utilisateurs. Ou la tension entre le droit d’auteur et l’accès ouvert de tous aux connaissances. Ou encore, la question de la sécurité : comment conjuguer la prise en compte de l’utilisation négative – c’est un euphémisme, cela peut aller jusqu’à la grande criminalité – qui peut être faite des nouvelles technologies et celle des droits fondamentaux de libre accès ?
La question de la gouvernance d’internet et les mécanismes de participation à cette gouvernance sont également d’actualité, avec la tension entre une structure qui existe depuis des années (Icann) et le souhait de certains de « démocratiser » cette gouvernance, par la création d’une structure intergouvernementale – je dirais multipartenariale… Voilà les grandes questions.

Propos recueillis par Ariane Poissonnier


Le processus

Le Sommet est organisé dans le cadre du système des Nations unies, sous le haut patronage de Kofi Annan, secrétaire général de l’Onu, l’UIT étant chargée d’en diriger les préparatifs en collaboration avec les autres institutions intéressées des Nations unies. Il aura lieu en deux phases :Genève 2003 : La première phase, accueillie par le gouvernement suisse, du 10 au 12 décembre. Elle sera consacrée à l’examen de thèmes concernant la société de l’information et adoptera une déclaration de principe ainsi qu’un plan d’action.Tunis 2005 : La deuxième phase, accueillie par le gouvernement tunisien, du 16 au 18 novembre. Elle sera consacrée essentiellement à des thèmes relatifs au développement. Elle fera le point et apportera les dernières touches au plan d’action adopté en 2003.


Réunions du Comité de préparation

PrepCom 1 - Genève, 1-5 juillet 2002PrepCom 2 - Genève, 17-28 février 2003PrepCom 3 - Genève, 15-26 septembre 2003

Conférences régionales

Afrique - Bamako, 28-30 mai 2002Europe - Bucarest, 7-9 novembre 2002Asie-Pacifique - Tokyo, 13-15 janvier 2003Amérique latine & Caraïbes - Bávaro, 29-31 janvier 2003Asie occidentale - Beyrouth, 4-6 février 2003



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