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19/09/2003
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Bientôt un traité pour protéger les forêts d’Afrique centrale
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(MFI) Poumons de la planète, les forêts tropicales sont devenues un enjeu majeur pour la communauté internationale, qui se mobilise pour lutter contre leur exploitation illégale. Car, au même titre que celle d’autres ressources naturelles, la contrebande des bois tropicaux finance des conflits meurtriers. Un plan d’action pour l’Afrique centrale doit être examiné en novembre et aboutir à un traité en 2004.
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Fin juillet, le président américain George W. Bush a lancé une nouvelle initiative, prévoyant un soutien financier de 15 millions de dollars dans un premier temps, pour aider les pays en développement à mieux contrôler le commerce du bois et lutter contre l’abattage illégal afin de protéger les forêts, notamment dans le bassin du Congo, en Amazonie, en Amérique centrale et en Asie du Sud-Est. De son côté, la Commission européenne a adopté en mai 2003 un plan d’action afin non seulement d’aider les producteurs de bois à moraliser ce commerce, mais aussi à mieux contrôler la provenance des bois tropicaux à destination des pays européens.
La Banque mondiale estime que l’abattage illégal du bois se traduit par une perte annuelle de 10 à 15 milliards de dollars pour les pays en développement. La Banque a lancé, en octobre 2002, une nouvelle politique concernant la protection des forêts qui couvrent 33 millions de km², soit 26 % de la surface de la terre et qui, dans certaines régions du monde comme l’Asie/Pacifique, ont disparu à un rythme de 2 à 3 % par an dans les années quatre-vingt-dix. L’institution multilatérale souligne que plus de 1,6 milliard de personnes dépendent, à des degrés variés, des forêts, dont 60 millions directement employés par l’industrie du secteur. Elle précise que la déforestation représente 20 % des émissions de gaz carbonique qui contribuent au réchauffement de la planète.
Les pays du bassin du Congo se mobilisent
En Afrique centrale, la situation est préoccupante même si la dégradation n’atteint pas (encore) les seuils que connaissent l’Indonésie ou le Cambodge. Le sommet de Johannesburg l’année dernière a permis de lancer, sous la houlette de l’Afrique du Sud et des Etats-Unis, le partenariat pour les forêts du bassin du Congo, seconde forêt tropicale du monde (après l’Amazonie) qui représente environ 6 % de la surface forestière mondiale. Elle se situe principalement au Gabon, en Guinée Equatoriale, au Congo Brazzaville, en République centrafricaine (RCA) et en République démocratique du Congo (RDC) – dans ce dernier pays, les bois tropicaux n’ont pas davantage échappé au pillage que les diamants, l’or, le cobalt ou d’autres minerais. Plusieurs bailleurs de fonds, dont la France, ont suivi l’exemple des Etats-Unis qui avaient promis 53 millions de dollars pour aider les aires protégées de ces six pays. Quatorze représentants de pays du Nord comme du Sud s’étaient ainsi réunis en janvier 2003 à Paris pour assurer le suivi de l’initiative de Johannesburg.
Fin août, les six pays du bassin du Congo ont décidé de se mobiliser à leur tour dans le cadre de ce partenariat. Le ministre congolais de l’Economie forestière Henri Djombo, qui préside la conférence des ministres des Forêts de l’Afrique centrale (Comifac), a précisé que les Africains avaient décidé d’adopter un plan d’action avec l’appui de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). La Comifac devrait examiner ce plan en novembre prochain à Brazzaville avant de le soumettre aux autres partenaires en février 2004. Cette série de rendez-vous devrait aboutir à l’adoption d’un traité sur la gestion durable et rationnelle des forêts tropicales d’Afrique centrale.
Meilleur contrôle des frontières du Liberia avec la Côte d’Ivoire, la Guinée…
Le trafic du bois en Afrique a connu son apogée au Liberia où l’insécurité subsiste, en dehors de la capitale Monrovia, malgré le départ du président Charles Taylor. L’organisation britannique Global Witness, qui fait campagne depuis plusieurs années pour moraliser aussi bien le commerce du bois que celui des diamants ou du pétrole, a mis en garde début septembre contre une levée prématurée des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité de l’Onu contre le Liberia. Pour l’organisation, le nouveau gouvernement de transition et les industries d’extraction dont les forestiers doivent d’abord entreprendre des réformes profondes dans leurs méthodes de travail.
Alice Blondel, experte de Global Witness sur le sujet, estime que la suppression des sanctions et l’autorisation rapide des abattages serait « la pire décision » car les forêts sont encore largement entre les mains de groupes rebelles, hors de toute possibilité de contrôle. « La reprise de cette activité rouvrirait la porte aux compagnies qui ont une histoire d’importations illégales d’armes, de corruption et de violation des droits de l’homme, et qui ont aidé Charles Taylor à maintenir son emprise sur le pays », a-t-elle affirmé. Global Witness réclame un moratoire sur les industries extractives jusqu’à ce que la paix soit pleinement rétablie et que les revenus aboutissent au Trésor public et non dans les poches de factions armées. L’organisation demande notamment un meilleur contrôle des frontières du Liberia avec la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Sierra Leone et la reconnaissance que le pillage des ressources naturelles est un crime de guerre.
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Marie Joannidis
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