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03/10/2003
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Dette et pauvreté : il faut aller plus vite, disent les Africains
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(MFI) Les Africains sont engagés dans une « course contre la montre » pour atteindre les objectifs de développement du Millénaire (ODM). Ils ont lancé fin septembre à Dubai, aux Emirats arabes unis, un appel pressant pour une aide « adéquate » et une accélération de l’allègement de leurs dettes dans le cadre de l’initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE).
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James Wolfensohn, le président de la Banque mondiale (BM), a abondé dans le sens des Africains dans son discours devant les ministres de 184 pays assistant aux assemblées annuelles de la Banque et du Fonds monétaire international (FMI), organisés pour la première fois au cœur du monde arabe. « Il nous faut un équilibre nouveau dans les relations entre nations riches et pauvres » en matière d’aide et de commerce, a lancé James Wolfensohn ; « ceci est essentiel non seulement pour la réduction de la pauvreté, mais aussi pour la sécurité et la paix ». En rappelant le consensus de Monterrey d’avril 2002, en faveur d’un engagement des deux catégories de pays à réduire de moitié la pauvreté dans le monde d’ici 2015, il a constaté que les promesses n’ont toujours pas été suivies d’action.
Il a estimé que l’échec des négociations de l’OMC à Cancun, où les pays pauvres ont rejeté les propositions des pays riches, était un signal qui signifie que pour assurer « le développement et la paix sur la planète, il faut changer les priorités ». Un monde où l’aide publique, à 56 milliards de dollars par an, est au plus bas niveau depuis quarante ans, alors que les pays riches dépensent 300 milliards en subventions à leur agriculture et 600 milliards pour leur défense, est « un monde sans équilibre », a-t-il dit. L’effort rhétorique du président de la BM a été chaudement applaudi, notamment par les Africains. Mais ceux-ci – inquiets de se voir reléguer au second plan par l’énormité de l’aide préconisée par les Américains pour l’Irak, 75 milliards de dollars, et pour l’Afghanistan, 30 milliards – n’ont rien obtenu de concret à Dubai.
L’initiative PPTE « semble aujourd’hui marquer le pas »
Les Etats-Unis et leurs partenaires au sein du Groupe des Sept (G7) ont certes renouvelé leur soutien au processus PPTE d’allègement de la dette. Les plus hautes instances du FMI et de la Banque ont reconnu que pour atteindre les ODM, il faudra « une nette accélération » de la croissance des pays pauvres, ainsi que « des flux d’aide plus abondants et plus efficaces et de meilleurs débouchés commerciaux ». L’initiative PPTE « semble aujourd’hui marquer le pas », a souligné Boniface Brito, ministre du Plan et du développement de la Côte d’Ivoire, parlant pour 25 pays africains, principalement les francophones : « Si la mise en œuvre continue au rythme actuel, sa crédibilité va en souffrir. » Le ministre angolais des Finances José Pedro de Morais, porte-parole des autres pays du continent, s’est également déclaré préoccupé de la « lenteur extrême » du processus et a demandé une approche plus flexible.
Créé par le FMI et la BM en 1996 et renforcé en 1999, le mécanisme PPTE a pour l’instant abouti à des allègements évalués à 52 milliards de dollars au cours des deux prochaines décennies pour 27 pays, principalement d’Afrique sub-saharienne. Ils verront leur service de la dette diminuer de plus d’un milliard de dollars par an, et pourront ainsi augmenter leurs budgets de santé et d’éducation en faveur des groupes les plus défavorisés. Mais ces montants peuvent paraître modestes par rapport à l’opération de secours lancée à Dubai pour l’Argentine, l’un des grands endettés latino-américains. Le FMI a accordé à ce pays un crédit « stand-by » de 12,5 milliards de dollars sur trois ans pour soutenir son programme de redressement, qui comporte notamment la renégociation, qui s’annonce difficile, de 70 milliards de dollars de dettes auprès des investisseurs privés.
Seuls 8 pays sur 42 ont pour l’instant achevé le processus
La République démocratique du Congo est devenue, en juillet, le 27e pays admis au mécanisme PPTE, et devrait à terme obtenir une réduction de 10 milliards de dollars, ou 80 % de sa dette, sur une période de vingt ans. Seuls huit pays ont pour l’instant atteint le « point d’achèvement » de ce processus. En effet, le Mali, le Bénin, le Burkina et la Mauritanie ont rejoint, depuis le début de 2002, l’Ouganda, la Tanzanie, le Mozambique et la Bolivie. Une douzaine de pays, sur les 42 qui figuraient sur la liste initiale des candidats au mécanisme "renforcé" à la suite du G7 de Cologne (1999), attendent toujours d’entamer le processus. Il s’agit pour la plupart de pays sortant de conflits.
Les experts estiment que l’Angola, qui a mis fin il y a dix-huit mois à une longue guerre civile, se retrouvera avec un niveau d’endettement viable une fois épuisées les possibilités « classiques » de traitement de sa dette, notamment devant les créanciers publics du Club de Paris. Trois autres pays de la liste initiale – Kenya, Vietnam et Yémen – sont dans le même cas.
Le conflit qui a éclaté l’an dernier en Côte d’Ivoire l’a empêchée d’accéder au mécanisme comme prévu fin 2002. D’autres pays « post-conflit » comme le Congo-Brazzaville, le Burundi, la Sierra Leone et l’Ethiopie sont toujours sur la liste d’attente, et pourraient être rejoints par l’Erythrée, lourdement endettée à la suite de la guerre avec son voisin du sud. La République centrafricaine et le Liberia sont également sur la liste. Le Congo-Brazzaville, pris en main par les experts du FMI, pourrait, si la gestion économique et financière s’améliore, obtenir d’ici 2004 un programme régulier de soutien du Fonds, ouvrant la voie à l’allègement de sa dette.
Les arriérés de la plupart de ces pays vis-à-vis de la Banque ou du FMI compliquent leur accession au mécanisme PPTE, puisque ces institutions ne peuvent pas accorder une aide financière à un pays qui n’a pas rempli ses obligations à leur encontre. Des études techniques sont désormais lancées pour déterminer les raisons des retards et les conditions dans lesquelles on pourra accélérer les choses avant la fin de l’opération PPTE en décembre 2004.
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De notre envoyé spécial à Dubai, Jan Kristiansen
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