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07/11/2003
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Afrique : les chemins de fer, enjeu économique mais aussi écologique
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(MFI) La réhabilitation des chemins de fer avec l’aide de la communauté internationale et du secteur privé constitue un défi majeur pour les Africains, à la recherche d’un désenclavement économique susceptible de faire reculer la pauvreté qui frappe une grande partie du continent.
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Au-delà de l’enjeu économique, le rail en Afrique est devenu aujourd’hui, de l’avis de nombreux experts, un enjeu social et écologique. « Nous tentons de persuader les bailleurs de fonds qu’une aide accrue aux chemins de fer, même dans une proportion modeste, aiderait énormément la société africaine, car quand un continent développe son économie, il ne peut le faire sans le rail qui représentent un moyen de transport peu coûteux », souligne Vipin Sharma, directeur de la Division Monde de l’Union internationale des chemins de fer (UIC).
Il précise aussi que son organisation tente de mobiliser les pays d’Europe du nord, soucieux de la protection de l’environnement – que respecte le rail en particulier – dans le renouveau du réseau est-africain Kenya-Tanzanie-Ouganda.
Elle collabore aussi avec l’ONU pour combattre le fléau du HIV/SIDA dont la propagation en Afrique est favorisée par le transport routier, ainsi qu’avec la Banque Mondiale qui participe au financement de plusieurs projets de privatisation ou de mise en concessions de compagnies ferroviaires.
Des coûts de construction et d’équipement élevés
L’UIC est également en contact avec l’Union européenne dont les experts estiment que les chemins de fer constituent « le moyen de transport le mieux adapté pour le déplacement de gros volumes sur de longues distances », se prêtant particulièrement bien au transport de marchandises à destination et en provenance des pays enclavés d’Afrique. Ils admettent cependant que les chemins de fer ont des coûts de construction et d’équipement élevés et requièrent une gestion plus complexe que celle des routes.
Ils constatent que le coût relatif du transport routier a diminué au cours des vingt dernières années alors que dans le même temps les services ferroviaires se sont détériorés. Ce qui a eu comme résultat le transfert d’une grande partie du trafic – et donc des recettes – du rail vers la route.
Le coût de l’entretien et de la gestion d’un vaste réseau ferroviaire dépasse les moyens de nombreux pays en développement, ce qui ne fait qu’accélérer la détérioration des infrastructures et des services, et continue à faire peur aux bailleurs de fonds, plus enclins à financer des routes que le rail. En Afrique subsaharienne, à l’exception de l’Afrique du Sud, peu de nouvelles lignes ont été construites, et le nombre de kilomètres de voies ferrées a même diminué dans certains pays comme le Kenya ou le Zimbabwe.
La Banque Mondiale a constaté de son côté qu’une évolution semblable a frappé l’ensemble des chemins de fer publics à travers le monde et préconise une restructuration en coopération avec le secteur privé, recommandant la mise en concession des chemins de fer plutôt que leur privatisation complète.
Plus de 7 200 km entre le Nigeria et le Burkina Faso
La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ont été des précurseurs en la matière, l’attribution d’une franchise ayant transféré à une société privée la responsabilité de l’exploitation des chemins de fer des deux pays. Ce partenariat public-privé a arrêté le déclin amorcé dans les années quatre-vingt. Selon Vipin Sharma, la mise en concession des chemins d’ Etat de plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne est en bonne…voie.
L’importance des chemins de fer a été reconnue aussi bien par les auteurs africains du Nepad, le Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique, que par leurs alliés du G8 qui mettent un accent particulier sur la modernisation des infrastructures africaines – tout en reconnaissant le coût élevé des investissements.
Ainsi, des grands projets sont à l’étude tels que le rail ouest-africain qui implique l’interconnexion des réseaux sur plus de 7 200 km entre le Nigeria et le Burkina Faso en passant notamment par la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Guinée et le Sénégal, et dont le coût s’élèverait à 3 milliards de dollars. Le rail transafrique portant sur 8 000 km entre l’Afrique du Sud et le Tchad à travers la Namibie, l’Angola et le Cameroun est encore au stade de l’étude préliminaire.
La première tâche est de déminer les voies ferrées
L’Angola et la République démocratique du Congo (RDC) illustrent bien la difficulté de la tâche de réhabilitation du transport ferroviaire dans des pays sortant de conflits violents, où les infrastructures ont été détruites et où, comme en Angola, la première tâche est de déminer les voies ferrées.
L’UIC travaille en Afrique principalement à travers la compagnie de chemins de fer sud-africaine Spoornet, qui détient déjà des parts dans la plupart des mises en concessions à travers le continent et possède une technologie avancée qui peut rivaliser avec celles des sociétés occidentales.
« Nous essayons aussi d’impliquer les grandes compagnies minières qui constituent la majorité des clients des chemins de fer africains afin de les engager au développement du transport par rail tout en les aidant à réduire les coûts », précise Vipin Sharpa.
En Afrique du nord, l’organisation aide au développement du transport mixte par bateau et rail entre La Tunisie, le Maroc et l’Algérie d’une part, et les pays européens d’autre part qui reçoivent 70% de leurs exportations.
La Tunisie devrait d’ailleurs accueillir en mars 2004 un séminaire sur l’impact des chemins de fer sur la productivité. En 2002, l’UIC avait organisé une réunion à Johannesburg qui avait porté sur les mises en concessions, les corridors de développement et l’impact du HIV/SIDA sur les ressources humaines des compagnies ferroviaires africaines.
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Marie Joannidis
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