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12/12/2003
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Offensive générale contre les « braconniers » de la mer
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(MFI) Branle-bas de combat contre les « braconniers » de la mer qui pillent illégalement des ressources vitales au développement des pays pauvres, en particulier africains, victimes de la convoitise de flottes souvent sous pavillon de complaisance, venues des quatre coins du monde. Aussi bien l’Onu que la FAO et l’OCDE participent à cette nouvelle offensive destinée à protéger les ressources halieutiques mondiales, menacées d’épuisement.
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La nouvelle offensive en faveur des stocks mondiaux de pêche – dont, selon les experts, plus de 27 % sont soit surexploités soit déjà épuisés – intervient deux ans après le sommet de Johannesburg sur le développement durable, qui avait déjà tiré la sonnette d’alarme. L’Assemblée générale des Nations unies (Onu) a ainsi adopté, fin novembre, une résolution réaffirmant l’importance qu’elle attache à la conservation, à la gestion et à l’exploitation durable des ressources biologiques des mers et des océans. Les délégations ont souligné que la diversité biologique marine est menacée notamment par la pollution et la pêche « illégale, non déclarée et non réglementée » (INN), et ont demandé à tous les Etats qui ne sont pas encore partie à la convention des Nations unies sur le droit de la mer d’y adhérer sans tarder.
L’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a lancé un appel, début décembre, pour une action intensifiée afin de combattre la pêche illégale et pour un soutien accru aux pays en développement, notamment les petits Etats insulaires qui ne disposent pas des moyens nécessaires pour assurer un contrôle efficace de l’observation des règles de pêche. Selon la FAO, la pêche illicite est en recrudescence partout. Un nombre grandissant de pêcheurs n’hésitent pas à contourner les règles de plus en plus strictes mises en place pour remédier à la baisse des stocks de poissons. « La situation est particulièrement grave puisque près de 75 % des pêcheries mondiales sont déjà pleinement exploitées, surexploitées ou appauvries », indique un rapport débattu par la conférence de la FAO. Ce rapport précise que des pêcheurs sans scrupules opèrent dans des zones où la pêche n’est pas autorisée ou emploient des techniques interdites, des types de filets illégaux. Certains pêcheurs trichent en minimisant leurs prises ou en omettant de les communiquer. Des informations font état de captures d’espèces de haute valeur commerciale pouvant dépasser de plus de 300 % les contingents autorisés.
Se battre avec « les mains liées derrière le dos »
Les pavillons de complaisance constituent un facteur aggravant. Un nombre croissant de pays a créé des registres maritimes « ouverts », ce qui permet à des bateaux venus d’ailleurs de circuler sous leur pavillon sans qu’ils s’assurent que ces navires respectent bien les règlement nationaux et internationaux concernant la pêche. « Des millions de personnes dépendent de la pêche pour leur subsistance. Si nous voulons que l’offre de poisson soit suffisante pour les générations présentes et futures, il faut que nous contribuions tous à la conservation et à la gestion des pêches mondiales », affirme le rapport qui rappelle que plus de 170 pays ont adopté dès 1995 un Code de conduite pour une pêche responsable, ayant cependant un caractère facultatif plutôt que contraignant.
En 2001, la FAO a lancé un Plan d’action international visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN qui avait, lui aussi, un caractère facultatif. Aujourd’hui, l’organisation invite les Etats à adopter avant le mois de mars 2004 des plans d’action nationaux pour mieux atteindre les objectifs du plan global.
De leur côté, cinq pays maritimes viennent de créer un groupe de réflexion dans le cadre de la table ronde sur le développement durable de l’OCDE. Ce groupe ministériel, présidé par la Grande-Bretagne et comprenant les ministres de la Pêche de l’Australie, du Chili, de la Namibie et de la Nouvelle-Zélande, va préparer dans les deux ans des recommandations sur les moyens de prévention et d’éradication de cette pêche illicite. « Ce groupe a été constitué pour donner une impulsion politique à ce combat, car les recommandations des instances sont rarement suivies d’effets », souligne en privé un expert.
Selon lui, ce n’est pas un grand secret que des pays comme l’Espagne, la Russie, le Japon et dans une moindre mesure la Corée du Sud – même s’ils ne sont pas les seuls, loin de là – participent au pillage des océans, en ayant recours à des moyens technologiques importants. Le président de la table ronde sur le développement durable, Simon Upton, a souligné que les conventions sur la souveraineté des nations et les droits des navires en haute mer compliquent le problème. « Aussi longtemps que le monde ne sera pas prêt à lever le voile de la souveraineté des Etats du pavillon, nous combattrons la pêche INN avec les mains liées derrière le dos », a-t-il dit.
Etablir un système de localisation par satellite pour surveiller les mers lointaines
Plusieurs pays africains essayent de se prémunir contre les « pirates » de la mer. Ainsi les membres de la Communauté de développement économique d’Afrique australe (SADC) ont décidé d’établir un système commun de surveillance par avions et navires patrouilleurs, et d’échanger les informations entre pays côtiers. Le ministre angolais de la Pêche a annoncé son intention de débloquer des fonds pour l’achat de 20 embarcations de patrouille pour combattre la pêche illégale qui s’est développée « un peu partout dans les eaux territoriales angolaises ».
L’Afrique du Sud fait également partie d’un groupe de sept nations qui veut établir un système de localisation par satellite pour surveiller la pêche illégale dans les mers lointaines. Ce groupe comprend aussi l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Ukraine, les Etats-Unis, l’Uruguay et l’Argentine. Cette initiative a été prise à la suite de la chasse rocambolesque d’un bateau battant pavillon uruguayen soupçonné de braconnage dans les eaux de l’Antarctique. Il avait faussement indiqué par radio qu’il se trouvait au large des côtes sud-africaines alors qu’il pêchait en réalité dans les eaux australiennes. Poursuivi par la marine australienne, il a été finalement pris au large de l’Afrique du Sud.
D’autres régions africaines n’échappent pas non plus à la pêche illégale. La Somalie s’estime pillée par des flottes qui profitent de l’absence de l’Etat et de l’insécurité générale. L’organisation de protection de l’environnement Greenpeace a aussi fait plusieurs fois état de pêche illégale au large de l’Afrique de l’Ouest et centrale, mettant notamment en cause des navires espagnols.
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Marie Joannidis
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