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02/01/2004
Pétrole tchadien : un partenariat pilote avec la Banque mondiale

(MFI) Le Tchad, nouveau venu dans le camp des producteurs de pétrole africains, a commencé à bénéficier des premiers revenus de ses ressources de brut développées par des multinationales en partenariat avec la Banque mondiale, engagée pour la première fois dans un projet de cette nature.

Les autorités tchadiennes et la filiale locale du groupe américain ExxonMobil, opérateur d’un consortium qui comprend également la malaisienne Petronas et l’américaine ChevronTexaco, ont indiqué fin novembre 2003 qu’un montant de 6,5 millions de dollars avait été déposé dans un compte spécial de la Citibank à Londres. Ce montant provient de la vente de la première cargaison de brut exportée du terminal de Kribi, sur la côte sud du Cameroun, en octobre dernier. Un oléoduc long de 1070 kms du champ de Doba jusqu’aux installations de Kribi a été achevé un an plus tôt que prévu et les opérations ont commencé dès juillet 2003. Le projet devrait rapporter des revenus de l’ordre de 2 milliards de dollars au Tchad, pays enclavé parmi les plus pauvres du monde, au cours des prochains vingt-cinq ans.
Le développement des champs de Doba aura coûté 1,52 milliard de dollars et l’oléoduc et le terminal de Kribi, 2,2 milliards. Sur le coût total de 3,7 milliards de dollars, la Banque mondiale a prêté 134 millions et la SFI, sa filiale pour le secteur privé, 200 millions de dollars. La Banque européenne d’investissement a également contribué au financement de la part des Tchadiens et des Camerounais au projet. Les champs de Doba produisaient fin 2003 environ 100 000 barils de brut par jour et la production devrait plus que doubler début 2004 pour atteindre 225 000 b/j en avril prochain.
Le gouvernement, qui a négocié avec la rébellion du nord pour ramener la paix dans le pays, s’est engagé à utiliser la plus grande partie de ces revenus pour réduire la pauvreté qui frappe plus de 80 % de ses 8 millions d’habitants. Une loi adoptée par le parlement tchadien en 1999 a permis de définir un programme de gestion des revenus pétroliers unique au monde. La Banque mondiale, qui a financé la participation du Tchad, a également conseillé les autorités de N’djamena pour établir un système transparent de gestion des revenus pétroliers afin d’assurer que ceux-ci puissent contribuer à la réduction de la pauvreté. Cette loi prévoit que le produit des ventes pétrolières, après déduction des frais administratifs et du service de la dette, sera transféré à des banques tchadiennes pour financer des projets concrets. La grille d’allocation stipule que 10 % des royalties et dividendes seront déposés dans un fonds pour les générations futures.


Question primordiale : la loi sera-t-elle respectée ?

Sur les 90 % restants, les 8/10 doivent financer des projets dans les secteurs de l’éducation, de la santé, du développement rural, de l’infrastructure et de la gestion de l’eau afin de contribuer à la réduction de la pauvreté. Cinq pour cent iront au développement régional autour des champs de Doba tandis que 15 % iront au trésor tchadien. Ces fonds ne peuvent être dépensés sans l’autorisation d’un Collège de contrôle et de surveillance des ressources pétrolières, dont le rôle est de s’assurer que la loi est appliquée et d’autoriser les décaissements. Le Collège comprend neuf membres dont quatre représentent la société civile et cinq le parlement, la Cour suprême et le gouvernement. La comptabilité doit être soumise à un audit annuel et les résultats doivent être publiés régulièrement.
Mais le scepticisme demeure quant à la capacité et à la volonté des autorités du Tchad de respecter pleinement cet accord. Pour l’ambassadeur américain dans ce pays, Christopher Goldthwaite, la question primordiale est de savoir « si cette loi sera réellement observée » par le gouvernement de N’djamena. De son côté Terry Karl, professeur à l’université de Stanford aux Etats-Unis, dans une étude sur le développement des exportateurs de pétrole en Amérique latine, mais aussi en Asie et en Afrique, arrive à la conclusion que les pays producteurs finissent par s’appauvrir car l’exploitation de l’or noir se fait au détriment de l’agriculture et des secteurs traditionnels de production.
De son côté Ian Gary, conseiller stratégique pour l’Afrique de l’ONG américaine Catholic Relief Services (CRS), qui fait partie de la campagne « Publiez ce que vous payez » destinée à moraliser la gestion des ressources naturelles, en particulier pétrolières, lie aussi boom pétrolier et pauvreté en Afrique. A propos du Tchad, il affirme que la loi sur la gestion des revenus du pétrole comporte des faiblesses majeures. Il cite notamment le fait qu’elle ne porte que sur les trois champs de Doba alors qu’il existe des perspectives prometteuses de découvertes de pétrole ailleurs dans le pays. Il note également que l’allocation des fonds pour des projets de développement dans la région de Doba peut être modifiée par simple décret présidentiel cinq ans après l’adoption de la loi, c'est-à-dire à partir de 2004. Il affirme aussi que la capacité du Collège de surveillance est limitée.
Pour les observateurs, l’engagement des ONG qui surveillent à la fois la mise en œuvre du projet et le rôle de la Banque mondiale constitue néanmoins une garantie raisonnable d’une mise en œuvre conforme aux accords conclus. La Banque, qui admet que son implication dans la mise en valeur d’un gisement de pétrole est sans précédent, n’exclut pas, selon certains de ses experts, que cette expérience puisse se renouveler ailleurs en cas de succès, par exemple à Sao Tome et Principe appelé à devenir un nouveau producteur significatif du Golfe de Guinée.
La Banque n’intervient pas normalement dans le secteur pétrolier. Mais elle a fini par accepter le défi tchadien pour deux raisons, selon Ali Khadr, son directeur pour le Tchad : « La première était que le projet constituait une opportunité exceptionnelle d’utiliser les revenus du pétrole pour rattraper les retards considérables dans son développement provoqués par les guerres civiles. La deuxième raison était d’assurer que le projet s’exécuterait dans les meilleures conditions possibles en matière de protection de l’environnement et de développement social dans les régions affectées. » Le trajet de l’oléoduc passe en effet à travers des régions particulièrement sensibles de la forêt tropicale qu’il fallait protéger.


L’insécurité qui règne dans le Darfour (Soudan) pourrait avoir un impact négatif

La manne pétrolière, qui devrait rapporter gros à la fois au Tchad et au Cameroun, à moins de troubles politiques intérieurs, fait son apparition au moment où les pays d’Afrique centrale cherchent à améliorer leurs infrastructures, en particulier dans le transport, afin de renforcer l’intégration régionale dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique (Nepad). Le nouveau port en eau profonde de Kribi jouera un rôle important dans ce contexte.
A part les impondérables politiques proprement dits, la situation régionale peut aussi peser sur le bon déroulement du projet. Si le Cameroun a réglé son contentieux maritime avec son voisin, le Nigeria, le plus grand producteur de pétrole d’Afrique sub-saharienne, l’insécurité qui continue à régner dans le Darfour, dans l’ouest du Soudan à la lisière du Tchad, pourrait avoir un impact négatif sur la situation intérieure tchadienne. En effet, alors que le gouvernement de Khartoum est en passe de conclure un accord de paix avec la rébellion du Sud Soudan, dirigée par John Garang, la rébellion du Darfour se poursuit avec des conséquences directes sur le Tchad malgré les efforts de N’djamena en faveur du retour de la paix dans cette région. Selon l’Onu, environ 25 000 Soudanais se sont réfugiés au Tchad en décembre 2003 alors que les rebelles du Mouvement de libération du soudan (MLS) ont lancé deux attaques sur la ville de Koulbous dans le Darfour-ouest près de la frontière tchadienne.


Marie Joannidis

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