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20/08/2004
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Le Grand Mékong, un exemple asiatique pour l’Afrique ?
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(MFI) Le continent noir pourrait sans doute beaucoup apprendre de l’approche choisie par le groupe des pays de l’ancienne Indochine. Ceux-ci sont unis depuis 1992 dans un effort commun d’intégration et de développement pour combattre la pauvreté et surmonter les séquelles de trois décennies de guerres.
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Les cinq pays riverains du Mékong – Cambodge, Laos, Myanmar (connu dans le passé sous le nom de Birmanie), Thaïlande et Vietnam – ainsi que la province voisine du Yunnan (Chine), traversée par ce grand fleuve long de 4 200 kilomètres avant qu’il n’arrose la presqu’île indochinoise, ont lancé en 1992 le Programme de coopération économique de la sous-région du Grand Mékong (GMS). Dans ce cadre innovant, qui suscite l’intérêt des bailleurs de fonds internationaux et du secteur privé, la Thaïlande, économie émergente ayant déjà un PIB par habitant dépassant les 2 000 dollars par an, travaille avec des partenaires aux systèmes politiques divers et qui sont parmi les pays les plus pauvres du monde. Les chiffres pour le Cambodge (280 $ par habitant), Myanmar (300 $), le Laos (330 $) et le Vietnam (400 $) se situent tous en dessous de la moyenne africaine, qui est de l’ordre de 450 dollars selon la Banque mondiale.
Le programme GMS, présenté fin juin à Paris lors d’un forum organisé conjointement par la Banque asiatique de développement (ADB) et les ministères des Affaires étrangères et des Finances français, vise à promouvoir le développement économique et social des six participants à travers un renforcement de leurs liens. Avec le retour de la paix dans cette région, grande comme l’Europe continentale et regroupant plus de 250 millions de personnes, l’ADB a réussi à pousser ces pays au dialogue et à une coopération accrue pour leur permettre de relever de nombreux défis communs, dont la pauvreté n’est pas le moindre. L’approche choisie pourrait servir d’exemple, notamment à la région des Grands Lacs en Afrique centrale, afin de consolider un processus de paix qui vacille.
Une approche pragmatique
Les participants voient dans le GMS un moyen de suppléer à leurs efforts nationaux pour accélérer leur croissance et réduire la pauvreté, profondément enracinée dans les régions rurales et parmi les minorités ethniques, en créant des nouveaux marchés et mettant en œuvre des projets à l’échelle sous-régionale qu’ils n’auraient pu développer seuls.
Le programme est de nature informelle et n’est guidé que par un ensemble de principes institutionnels : des conférences ministérielles déterminent les priorités. Des groupes de travail gèrent la mise en œuvre des projets sectoriels, aidés par des comités de coordination sur le plan national. Les six partenaires ont confié à l’ADB un rôle de secrétariat et de conseil, de médiateur pour le dialogue entre les autorités nationales. La banque joue évidemment aussi le rôle de principal financier et organise le co-financement des projets, assistée par des pays donateurs bilatéraux, comme la France, deuxième bailleur de fonds de la sous-région après le Japon.
Depuis son lancement en 1992, le programme GMS a évolué de manière pragmatique. Dans une première phase, il s’agissait de rétablir la confiance entre les pays concernés dans un contexte post-conflit. Il fallait ensuite dresser le cadre de la coopération. Dans un troisième temps, on s’est attaqué aux projets prioritaires.
Le vice-président de l’ADB, Liqun Jin, a indiqué au forum de Paris que des projets pour une valeur totale de 3,4 milliards de dollars ont été mis en œuvre ou sont en cours de réalisation. Les six partenaires se sont d’abord concentrés sur les infrastructures – réhabilitation et développement du réseau routier, de la production et du transport d’électricité, amélioration des télécommunications – afin de surmonter les obstacles au commerce intra-régional. Le Laos enclavé exporte ainsi désormais de l’électricité vers la Thaïlande, grâce notamment à deux grandes centrales hydroélectriques construites avec des capitaux publics et privés.
Des résultats rapides
D’autres projets dont le coût est estimé à 14 milliards de dollars vont être mis en œuvre d’ici 2012, dans le cadre d’un plan à dix ans adopté par le premier Sommet du GMS en 2002, y compris des mesures pour pallier au manque de cadres moyens et supérieurs qualifiés pour gérer le développement durable.
Le programme GMS et la transition vers des économies de marché ont transformé la sous-région en l’espace d’une dizaine d’années. Les échanges ont décuplé, et la croissance du PIB des pays participants dépasse les 5 % par an depuis plusieurs années. L’incidence de la pauvreté est en baisse marquée. Et le Grand Mékong est en passe de devenir une destination de choix pour les touristes du monde entier.
Clôturant le forum de Paris, le ministre français de la Coopération, Xavier Darcos, a souligné que la démarche d’intégration régionale du GMS constitue « une clé, comme le Nepad en Afrique ou l’Union européenne (en Europe), pour assurer un développement durable » des pays du Grand Mékong et améliorer les conditions de vie de leurs habitants.
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Jan Kristiansen
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