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17/09/2004
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La Francophonie mise sur la micro-finance
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(MFI) La Francophonie a décidé de relancer la coopération dans le domaine des micro-crédits, qui profitent aux pauvres aussi bien dans les pays du Sud que du Nord, en particulier à travers la formation des opérateurs sur le terrain. Les Nations unies ont décrété 2005 année internationale de la micro-finance.
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Le sujet de la micro-finance, à l’ordre du jour du prochain sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) à Ouagadougou, a notamment été abordé le 18 mai 2004 à Paris, au cours d’une table ronde tenue à l’Elysée à l’initiative du secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf. Autour du président français Jacques Chirac étaient réunies plusieurs personnalités d’institutions intervenant dans ce domaine, dont Jean-Michel Severino, directeur général de l’Agence française de développement (AFD), ainsi que le « père » du micro-crédit, Mohamad Yunus. Nés au Bangladesh au milieu des années soixante-dix, les micro-crédits sont devenus une des composantes de l’aide au développement depuis une vingtaine d’années.
Créée par Mohamad Yunus à la suite de la famine qui a frappé son pays en 1974, la Grameen Bank (grameen signifie village) avait pour vocation d’accorder des crédits à ceux qui sont habituellement exclus du système bancaire, c’est-à-dire les plus pauvres, jusque-là dépendants des usuriers et des commerçants. Son fondateur était parti du principe qu’une somme minime – nécessaire par exemple à l’achat d’une machine à coudre – est souvent suffisante pour permettre le démarrage d’une activité, particulièrement dans les campagnes. Les pauvres se sont souvent montrés aptes à honorer leurs dettes et le système s’est depuis développé avec succès en Asie et en Amérique du Sud, l’Afrique étant la dernière à se mobiliser. Connaissant déjà le système de la tontine (fonds d’épargne commun au sein d’un groupe), l’Afrique multiplie en effet depuis quelques années les projets de micro-finance, mobilisant en particulier les femmes.
Toutes deux fondées sur les valeurs de solidarité et de dignité
Lors de la table ronde de Paris, Abdou Diouf a souligné l’importance de la micro-finance dans le développement, estimant qu’elle ne devait pas être considérée comme un remède accessoire à la pauvreté, mais comme une option offrant de réelles possibilités. Il a affirmé que la micro-finance intéresse la Francophonie à deux titres : elle est fondée sur les valeurs de solidarité et de dignité que préconise le mouvement, et son efficacité est liée à l’environnement culturel qu’elle cherche à sauvegarder. Il a surtout insisté sur les liens à développer avec l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) et avec le secteur financier traditionnel, la micro-finance étant, selon lui, le point de rencontre entre les règles universelles de la finance et les réalités du terrain. Elle a ainsi sa place comme élément de régulation dans le processus de mondialisation.
« L’an 2005 sera l’année de la micro-finance. C’est donc le moment à la fois d’engagements politiques forts et de propositions techniques novatrices », a dit Abdou Diouf. La Francophonie veut contribuer à l’amélioration des réglementations et au renforcement des capacités des institutions de micro-finance, afin qu’elles deviennent des organismes financiers à part entière, offrant une gamme complète de services. L’OIF souhaite notamment inciter les banques centrales africaines à assouplir les règles du secteur bancaire afin que celui-ci puisse intervenir dans le domaine des micro-crédits. Elle envisage aussi la mise en place, à travers notamment le soutien de l’AFD, d’un fonds de 20 millions d’euros qui devrait garantir l’ouverture de lignes de crédit auprès des banques commerciales pour prêter aux démunis. L’AFD envisage, avec l’aide de la France et d’autres pays, en particulier francophones, et d’organisations comme le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et la Banque mondiale, d’organiser au premier trimestre 2005 une conférence internationale à Paris dans le cadre de l’année internationale de la micro-finance.
Plus de 60 millions de bénéficiaires dont 60 % de femmes
L’économie informelle, qui peut représenter jusqu’à 70 % du PIB des pays les plus pauvres, a besoin de financements, soulignent les experts francophones. Or les mécanismes classiques ne peuvent les apporter. Ce problème existe aussi au Nord, pour la part de la population menacée par l’exclusion. Plus de 60 millions de bénéficiaires à travers la planète, dont 60 % de femmes, obtiennent des prêts variant de 25 à 1 000 dollars. Les experts estiment que sont accordés chaque année au total entre 500 millions et un milliard de dollars de micro-crédits.
La France et le Canada, à la fois membres de l’OIF et principaux bailleurs de fonds de l’organisation, sont déjà actifs dans ce secteur avec notamment l’appui du Pnud et de la Banque mondiale. Celle-ci parraine le Groupe consultatif d’assistance aux pauvres, qui rassemble 28 agences de développement actives en matière de micro-finance. Jean-Michel Severino précise que plus de 1,5 million de personnes bénéficient déjà de concours de l’AFD dans la micro-finance. Parmi les projets de l’agence en Afrique figure notamment l’appui à la création de réseaux mutualistes, à l’implantation de caisses villageoises de crédits autogérées et de micro-banques qui peuvent s’adresser au secteur informel. Au Canada, le Mouvement Desjardins et sa filiale Développement international Desjardins (DID), qui travaille notamment avec l’Agence canadienne de développement international, a favorisé la création de coopératives d’épargne et de crédit dans plusieurs pays africains et cherche à mobiliser des fonds pour les informatiser.
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Marie Joannidis
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