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17/09/2004
Le défi de l’emploi en Afrique

(MFI) L’Union africaine, réunie au plus haut niveau début septembre à Ouagadougou, au Burkina Faso, dans le cadre d’un sommet extraordinaire consacré pour la première fois à l’emploi comme moyen de lutte contre la pauvreté, a décidé de relever ce défi en adoptant un plan d’action concret doté de mécanismes de suivi précis.

Dès l’ouverture du premier sommet extraordinaire de l’Union africaine (UA) sur l’emploi et la lutte contre la pauvreté, Alpha Oumar Konaré, ancien chef de l’Etat malien et actuel président de la Commission africaine, a souligné l’urgence de la mobilisation : « Notre continent a besoin de ressources. Les formules en cours ont montré leurs limites, il en faut donc de nouvelles, plus audacieuses ». Pour réussir à convaincre les bailleurs de fonds et les organisations financières internationales de les accompagner dans leur effort, les dirigeants africains doivent mettre en application les engagements pris les 8 et 9 septembre 2004 à Ouagadougou. Ils ont déjà acquis le soutien de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de son organe exécutif, le Bureau international du travail, dont le directeur général Juan Somavia, présent au sommet, plaide pour une mondialisation plus équitable, ainsi que de quinze organisations spécialisées des Nations unies.
Un des premiers tests devait avoir lieu à New York dès le 20 septembre, lors d’une réunion sur la dimension sociale de la mondialisation à laquelle participent plusieurs chefs d’Etat, dont le Français Jacques Chirac. A l’initiative de l’OIT, un rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation a en effet été publié en février 2004 et est présenté depuis aux responsables à travers la planète. La France a préparé une étude sur d’éventuelles nouvelles taxes permettant de financer le développement et d’atteindre les objectifs du Millénaire – globalement, réduire de moitié la pauvreté d’ici 2015 –, ce qui paraît encore improbable pour l’Afrique sub-saharienne.


Améliorer la protection sociale et renforcer le rôle des femmes

Le nouveau directeur général du Fonds monétaire international, l’Espagnol Rodrigo de Rato, invité au sommet, a surtout parlé de croissance pour générer des emplois, soulignant toutefois que le FMI serait flexible dans son approche, notamment dans le contexte de l’ouverture commerciale des pays africains. Il a aussi évoqué, devant quelques journalistes, la manne de 15 milliards de dollars par an pour les producteurs africains que génère la hausse actuelle des cours du brut. Mais cela ne tient pas compte de la facture énergétique des pays non pétroliers, ni du fait que les populations du Nigeria et de l’Angola, premiers producteurs de la zone, sont parmi les plus pauvres du monde.
Le son de cloche est un peu différent à la Banque mondiale. Un de ses vice-présidents, Callisto Madavo, également présent, a mis l’échec de la croissance en Afrique sur le compte des conflits, du sous-développement du secteur privé africain, des « poches de mauvaise gouvernance » mais aussi d’un « environnement extérieur défavorable », caractérisé en particulier par des hausses subites des cours du pétrole, des taux d’intérêt élevés, des flux financiers imprévisibles et des barrières commerciales.
Précédé par un Forum social regroupant représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs, le sommet de l’UA a adopté une déclaration solennelle plaçant l’emploi au centre des stratégies de développement et un plan d’action en onze points pour atteindre cet objectif. Parmi les priorités figure la mise en œuvre d’un programme de développement agricole, consistant à affecter 10 % du budget national à l’agriculture – qui emploie déjà la majorité de la population active, le reste travaillant surtout dans le secteur informel. L’amélioration de la protection sociale quasi inexistante et des infrastructures ainsi que le renforcement du rôle des femmes sur le marché du travail sont aussi sur la liste.
La mise en place de mécanismes de suivi sur le plan national, régional et continental permettra de contrôler l’avancement du processus. La Commission africaine fera un rapport annuel sur les activités de suivi, des rapports de synthèse tous les deux ans sur l’état de la mise en œuvre et enfin des rapports d’évaluation tous les cinq ans.


« Il n’y a pas de pauvreté de l’effort en Afrique, mais une pauvreté des opportunités »

Dans un message adressé au sommet, le Forum social a pour sa part défini six priorités : faire du travail décent un objectif global, donc africain ; placer la promotion du travail décent au centre des politiques économiques et sociales ; respecter les droits fondamentaux des travailleurs dans le contexte d’une économie mondialisée ; veiller au respect de la place des femmes ; consolider les processus démocratiques et institutionnaliser le dialogue social à tous les niveaux.
Une vingtaine de chefs d’État africains ont fait le voyage pour donner une impulsion politique à cette nouvelle stratégie. Juan Somavia a souligné devant eux que l’Afrique avait le « droit d’attendre que l’équité règne au niveau mondial ». Pour lui, les décisions prises à Ouagadougou ont fait ressortir une vérité toute simple. « L’Afrique travaille. Les femmes, les hommes, les jeunes, et malheureusement même les enfants de ce continent travaillent dur chaque jour. Il n’y a pas de pauvreté de l’effort en Afrique. Il y a une pauvreté des opportunités. » Notant « l’accroissement significatif du chômage malgré l’augmentation des richesses produites », le président Blaise Compaoré, hôte du sommet, a lui aussi plaidé pour « une mondialisation plus solidaire », soulignant parallèlement que « l’emploi étant un facteur prépondérant qui n’a de sens que s’il est porteur de projets, les voies du succès se trouvent en Afrique. »


Marie Joannidis

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