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15/10/2004
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Dette, aide et pauvreté : les Africains peuvent toujours attendre
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(MFI) Une bonne nouvelle – la prolongation du délai d’admission au mécanisme PPTE de réduction de la dette –, sinon rien. Comme s’il était urgent de ne rien faire, les institutions financières mondiales et le groupe des pays les plus industrialisés ont décidé de… lancer de nouvelles études sur la viabilité de la dette, quand la Cnuced préconise l’annulation pure et simple de celle de l’Afrique.
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Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont décidé, fin septembre à Washington, de garder la porte ouverte pendant encore deux ans pour les onze pays sortant de conflits (essentiellement africains) qui n’ont pas pu bénéficier d’un allègement de la dette dans le cadre de l’initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE). L’annonce constitue le seul progrès palpable au chapitre de la dette. Les puissances financières du Groupe des Sept (G7) ont certes réaffirmé début octobre leur engagement à combattre la pauvreté mondiale, et reconnu la nécessité d’une aide financière accrue fondée notamment sur « les bonnes politiques » et une « meilleure prévisibilité et efficacité » de l’aide. Mais elles se sont limitées à promettre de nouvelles études techniques, portant sur la viabilité de la dette et le remplacement des prêts par des dons.
Les Africains attendent ainsi toujours des pays riches une réponse favorable à l’appel pressant qu’ils ont lancé il y a un an à Dubaï, pour une aide « adéquate » et une accélération de l’allègement de la dette dans le cadre de l’initiative PPTE, afin de permettre aux pays les plus pauvres d’atteindre d’ici 2015 les Objectifs de développement du millénaire (ODM), dont la réduction de moitié de la pauvreté. Les ministres des Finances africains ainsi que ceux des autres pays en développement, réunis à Washington au sein du Groupe des 24, ont souligné leur « sérieuse préoccupation » du fait que, au vu des tendances actuelles, « la plupart des ODM ne seront pas atteints par la plupart des pays ». Ils ont estimé que « des mesures supplémentaires » s’imposent pour mettre en œuvre le consensus de Monterrey (2002), arguant notamment que si les pays en développement continuent leurs réformes, les pays les plus avancés sont, eux, loin d’avoir atteint leur promesse d’augmenter leur aide publique au développement à 0,7 % de leur PNB, l’objectif affiché par l’Onu.
La grande lenteur du PPTE
Le mécanisme PPTE, créé par le FMI et la Banque mondiale en 1996, a été « renforcé » en 1999 à la suite du sommet du G7 de Cologne. Depuis la mi-2003, 27 pays, principalement de l’Afrique sub-saharienne, ont été admis à participer à ce processus, et devraient bénéficier au cours des deux prochaines décennies d’allègements de leurs dettes évalués à un total de 53,7 milliards de dollars en valeur nominale. La République démocratique du Congo (RDC), dernier pays admis, devrait à lui seul obtenir une réduction de 10 milliards de dollars de sa dette sur vingt ans. Ces 27 pays devraient ainsi voir leur service de la dette diminuer d’un montant total de plus d’un milliard de dollars par an, libérant ainsi des ressources pour la santé et l’éducation. Ce qui devrait contribuer à la réduction de la pauvreté dans ces pays. Cependant, le processus de redressement de ces économies prend plus de temps qu’escompté au départ. Plusieurs pays africains ont été durement affectés par les retombées de la crise financière qui avait débuté en Asie en 1997, et la montée vertigineuse du prix du pétrole depuis le début de 2004 ne va pas arranger les affaires des pays importateurs africains.
Depuis les réunions annuelles du FMI et de la Banque à Dubaï en septembre 2003, seuls six nouveaux pays, dont quatre africains (Niger, Ethiopie, Sénégal et Ghana), ont atteint le point d’achèvement du processus PPTE. Ce qui porte à 14 le nombre de pays bénéficiant désormais de l’allègement de leurs dettes pour un total estimé à 29,4 milliards de dollars en valeur nominale. Sept autres pays africains – Bénin, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Mozambique, Tanzanie et Ouganda – se trouvaient déjà dans cette catégorie, et pourraient être rejoints d’ici la fin de 2004 par Madagascar.
La liste de candidats au mécanisme PPTE renforcé comportait 42 pays. Les experts ont estimé que quatre de ces pays – Angola, Kenya, Vietnam et Yémen – se retrouveront avec un niveau d’endettement viable une fois épuisées les possibilités « classiques » de traitement de leurs dettes. Sur les 38 pays restants, onze frappent toujours à la porte du processus PPTE, presque exclusivement des pays sortant de conflits prolongés. C’est à ces pays que s’adresse la décision de prolonger de deux ans, jusqu’à fin 2006, le délai pour rejoindre le mécanisme PPTE. Parmi eux, la Côte d’Ivoire, qui devait entrer dans le processus fin 2002 et en a été empêchée en raison de son conflit intérieur. D’autres pays « post-conflit » comme le Congo-Brazzaville et la Centrafrique négocient actuellement des programmes de soutien avec le FMI. Les autres candidats attendus – le temps d’avoir assaini leurs économies – sont le Burundi, les Comores, le Laos, le Liberia, le Myanmar, ainsi que la Somalie, le Soudan et le Togo.
La Cnuced préconise l’annulation totale de la dette
Comme pour faire patienter les Africains, le ministre des Finances britannique Gordon Brown a annoncé que son pays est prêt a prendre en charge « sa part », soit 10 % de la dette due par les pays les plus pauvres auprès de la Banque mondiale. Et il a renouvelé la proposition de puiser dans les réserves d’or du FMI pour financer l’effacement à 100 % des montants dus par ces pays au FMI. Ces idées, soutenues en partie par les Etats-Unis, feront l’objet d’études par les experts, alors que la Grande-Bretagne présidera le prochain sommet du G7-G8 – ainsi que l’Union Européenne au début de 2005.
Le secrétariat de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement a profité des réunions de Washington pour publier un rapport préconisant l’annulation totale de la dette de l’Afrique. Le rapport souligne que ce continent a reçu environ 540 milliards de dollars en prêts entre 1970 et 2002, et en a remboursé quelque 550 milliards de capital et d’intérêts. Mais, compte tenu des intérêts cumulés, la dette africaine était encore de 295 milliards à fin 2002.
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Jan Kristiansen
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