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26/11/2004
Campagne mondiale pour l’eau et l’assainissement (4)
Pourquoi il faut rompre avec le passé


(MFI) Les actions dans le domaine de l’eau et de l’assainissement ont été nombreuses mais souvent inadéquates. En la matière, l’argent n’est pas tout. En outre, quand les « élites urbaines se cramponnent à l’idée qu’elles sont les mieux à même de résoudre les problèmes rencontrées par les pauvres », l’échec est quasi assuré.

La plupart des latrines que l’on trouve aujourd’hui dans la campagne sud-africaine ne serviront probablement jamais, observe Tsepo Khumbane. La raison ? « Elles n’ont été accompagnées d’aucun processus de formation des populations locales, d’aucune tentative de leur faire comprendre ce qu’il faut construire, comment ça fonctionne et pourquoi il faut l’entretenir », explique cette militante associative, qui sait que l’argent ne fait pas tout. A l’image des nombreux projets dits « de développement » élaborés par des organisations non gouvernementales (Ong) du Nord dans des pays du Sud depuis les années soixante-dix, la plupart des programmes d’assainissement ou d’accès à l’eau échouent lorsqu’ils sont menés sans les populations qu’ils sont censés servir. « On ne laisse pas de place à la consultation de la population concernée et on ne s’interroge pas sur l’adéquation entre la solution technique proposée et les réalités culturelles, socio-économiques et environnementales de ses destinataires. Il en résulte une incompréhension absolue entre le prestataire et le bénéficiaire et finalement le refus de la population locale d’utiliser ce service, de le payer et de l’entretenir » constate ainsi Mariela Garcia, une sociologue colombienne.
En Inde, où 120 millions de familles ne disposent toujours pas de toilettes, le président de la Fédération indienne des habitants des bidonvilles relève de son côté qu’« aucun progrès n’est possible tant que les autorités urbaines continueront d’apporter des solutions planifiées à l’échelon central. Les élites urbaines se cramponnent à l’idée qu’elles sont les mieux à même de résoudre les problèmes rencontrés par les pauvres. C’est une attitude qui est responsable de l’échec de milliers de projets ». Heureusement, après plusieurs décennies de projets peu ou mal aboutis, des progrès sont observés. « On ne cherche plus à mesurer les progrès dans les domaines de l’eau et de l’assainissement en comptant le nombre de robinets et en le divisant par la population, mais en enregistrant l’évolution de l’utilisation, des comportements, et surtout les améliorations de la santé », se réjouit par exemple le Conseil de Concertation pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement (WSSCC), dans sa revue A l’écoute.


Former, informer et motiver ses compatriotes

En Ouganda, la Buso Foundation fait ainsi partie des Ong qui tiennent désormais compte de l’avis des populations pour lesquelles elles travaillent. L’organisation a en effet revu sa façon de faire après s’être aperçue que les puits qu’elle avait construits cinq ans auparavant étaient taris ou inutilisés. « Cette situation s’expliquait par le manque d’attention portée à d’autres questions plus vastes et aux réalités de la vie quotidienne des populations », commente Joel Lugolobi, membre fondateur de l’Ong. Désormais, avant d’édifier un puits, la Buso Foundation prend donc en compte les différents paramètres qui peuvent lui être liés : l’agriculture, le bétail, la fertilité du sol, les possibilités de revenus. « Nous nous efforçons de mettre en relation notre action avec l’amélioration de l’alimentation de la population ou la recherche de sources de revenus supplémentaires. L’eau et l’assainissement ne peuvent être envisagés seulement comme un problème de santé publique. Il faut mettre l’accent sur les difficultés quotidiennes des habitants », explique Joel Lugolobi.
La Sulabh International Social Service Organisation, une importante Ong indienne, fait figure d’exemple à suivre, elle aussi : elle emploie la population locale pour gérer les programmes qu’elle mène en faveur des citadins pauvres. Dans ses rangs, elle compte ainsi « 55 000 personnes recrutées au sein de la population, qui catalysent l’action et constituent une réserve permanente de connaissances pratiques » ainsi que des personnes « qui forment le noyau autour duquel les autorités municipales et les bénéficiaires peuvent travailler à améliorer la qualité de leur ville et de leur vie », souligne son fondateur, Bindeshwar Pathak. Ce dernier précise : « Les membres de Sulabh travaillent à former, informer et motiver leurs compatriotes, à exercer une pression sur les pouvoir publics, à fabriquer les composantes des latrines, à construire et superviser la construction de toilettes privées et publiques, ainsi qu’à nettoyer, gérer et entretenir les installations. » Résultat, les 6 000 blocs sanitaires que l’organisation a notamment construits sont utilisés chaque jour par quatre millions de personnes.
Si la démarche paraît aujourd’hui évidente, elle n’est cependant pas toujours suivie. Plusieurs facteurs gênent sa mise en œuvre. D’abord parce qu’avec elle, il peut y avoir moins d’argent à gagner pour certains acteurs : les initiatives prises par les populations ne présentent pas beaucoup d’intérêt pour les cabinets de conseils internationaux, par exemple. Le problème de la responsabilité et du comportement des autorités locales vis-à-vis de leurs élus se pose également. « Les conseillers municipaux aiment faire savoir à leurs administrés qu’ils sont à l’origine des services. Certains aiment également faire appel à leurs entrepreneurs préférés », remarque ainsi un membre d’une Ong kényane. Enfin, les processus de privatisation des services des eaux et d’hygiène en cours dans de nombreux pays constituent une grave menace pour la prise en compte des populations les plus faibles : si elles ne sont pas réglementées et suivies par l’État, les entreprises privées entrées dans ces secteurs, ne considérant que les demandes les plus solvables, laisseront les démunis de côté. Plus que jamais, ceux qui se préoccupent des presque 2,5 milliards de personnes ne disposant pas d’infrastructures d’assainissement doivent donc se montrer vigilants.


Fanny Pigeaud

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